Magazine

Vogelsong, l'ami des pigeons morts

Publié le 02 décembre 2011 par Mtislav
  
Vous connaissez la bannière de Vogelsong que nous ne reproduirons pas ici (spectacle trop horrible, dangereux pour les plus fragiles) et le blogueur lui-même que nous jalousons, qui excite nos capacités de réflexions sans que nous parvenions toujours à résoudre ses sudokus sémantiques. 
Problème du jour : que penser de la Une de Libération sur Claude Guéant ? Je veux dire, problème de la semaine. Voire problème du mois. Vogelsong ne fait pas chauffer votre unité centrale. Vous pouvez vous contenter d'une connexion à bas débit. C'est très rentable. Sauf que là, il vous faut ajouter le prix d'un exemplaire de Libé. Un sacrifice que nous ne nous sommes pas décidés à consentir, premier problème.
Et puis cet oiseau mort ! Sans doute un pigeon que tout le monde a vu mais dont personne ne se préoccupe d'évacuer le cadavre. Le pigeon mort de Vogelsong sera donc notre mythologie de ce jour et Vogelsong notre Barthes au gilet jaune fluorescent.
Cherchons tout d'abord la solution de son Sudoku. Qu'est-ce donc que cette alternative dont Vogelsong nous parle dans son dernier billet ? "Le traitement du FN oscille entre stigmatisation et subversion, et dans chacun des cas, la partie est perdue." Tâchons de nous former une image de cette “subversion du front national”, de ces penseurs qui n’hésitent pas à sauter sur les faits divers parfois tout à fait farfelus ou lorsqu’ils sont plus raisonnable à s’interroger sur notre civilisation. Pistons le philosophe qui sort soudain du “qui sommes-nous ? où-allons-nous ? etc." pour s'attabler au zinc et prendre en compte LA réalité, celle-là même que méconnaissent les élites se consacrant à l'étude de Spinoza avec une désinvolture bohème et le cynisme d'un écologiste détestant le football piémontais.
On est loin des mythologies de notre ami Vogelsong. On est plutôt dans le blog d'en face, avec le peuple souffrant parce qu’on lui ôte ses valeurs, son clocher, sa culture, sa fierté. Ca déborde un peu et on ajoute au clocher, la politesse, le patrimoine génétique ou architectural, la mode ou le droit des femmes.
Peut-on se faire le chantre de la tradition tout en critiquant l’héritage révolutionnaire ? On rencontre souvent beaucoup d'humanité au troquet du coin mais peu de philosophes des Lumières réclamant un Astro et un Black-Jack. On ne peut pas faire l’éloge de l’idéal de transmission et rebondir sur l’actualité comme un bilboquet.
Nous ne devons pas faire de la mémoire le moyen d’oublier le tragique de l’existence.” La phrase paradoxalement est d'Alain Finkielkraut. Nous savons tous qu'aujourd’hui, on peut se ramasser un pruneau en sortant ses poubelles, se faire tabasser parce qu’on a regardé de travers un petit caïd de RER. Sans parler des pigeons morts sur les blogs, plutôt exceptionnels il est vrai. Nous découvrons ce phénomène nouveau que l'on nommera injustice et impunité... Grâce à Manuel Valls et Claude Guéant nous écartons les mouvements troubles à la surface de l'eau pour enfin voir de nos yeux le ghetto. 
Vogelsong, l'ami des pigeons mortsAllons plus loin. Grâce aux moyens de transports modernes, ces figures bigarrées sortent des quartiers où ils étaient relégués et se retrouvent sur la place de l’Eglise, en équipe de France ou à la télé. Et ils font tâche. On les retrouve dans de bonnes familles car le mal est contagieux. Ils disent merde à leurs parents en verlan et prisent les cours d'histoire révisionnistes.
Je me trompe peut-être mais voilà pour moi comment je m'explique le terme de “subversion du Front national”. Un discours qui se veut réaliste et qui permet à bon compte de s’aligner sur le discours frontiste avec l’idée qu’il n’y a qu’une réalité, que vous devez ouvrir les yeux et regarder ça. Sinon, vous êtes un bobo, un idiot en voie de colonisation par la marée humaine du Sud qui vient vous tiers-mondiser, vous islamiser et que vous encouragez à coup de bienpensance droit de l’hommiste.
Ne pas oublier le tragique de l'existence ne suffit pas. Il faut agir. Certains de nos grands-parents sont bien descendus dans la rue pour s’attaquer aux excités d’Occident... J’ai vu à la télé il y a deux jours Alain Krivine raconter comment ils avaient décidé dans une réunion politique du nombre de cocktails molotov qu’ils allaient utiliser avant de descendre dans la rue. Le problème avec les cocktails molotov, c’est justement le nombre. Quand on passe de 0 à 1, on a déjà un sérieux problème. Mais passons, les errements de la gauche la plus radicale... Nous vous rappelons que nous avons un pigeon mort sur le dos, nous.
Et puis, vous avez peut-être vu ce documentaire sur le FN, la façade a été légèrement ravalée, on peut se demander si ça vaut la peine de s'en prendre à ces boutiquiers, s'il ne vaut pas mieux balayer devant notre machine à café.  A observer ce qu’ils ont été durant les quarante dernières années, on est frappé par leurs côté obsessionnel et compulsif, tous ces coups fourrés. Bien sûr, la moindre parcelle de pouvoir dont s’emparent ce genre de personnages est immédiatement viciée. On souhaite ne pas avoir à rester coincé un seul instant derrière la vitrine. L’arrière boutique a l’odeur fétide des fosses d’aisance. Dès qu’ils prétendent aérer comme le fait Marine Le Pen, on redoute de respirer plus mal. Mais c’est notre faute s’ils sont là. Alors parlons plutôt de nous.
Vogelsong, l'ami des pigeons mortsEt voilà que vous tombez sur Claude Guéant devant la machine à café. Ce personnage couleur muraille, tellement triste et insignifiant. Le ministre du fait divers passé maître dans l'art d'empailler les victimes. On ne fait pas la police avec une énième ronde de la BAC voire quelques camions de CRS. On utilise sa tête pour ne pas courir après les voleurs de poule. On ne décriminalise pas la délinquance financière faute de quoi on n'arrivera même plus à capturer un plombier travaillant au noir. Par ailleurs, la sécurité des citoyens, on sait qu’on la doit davantage au ministre de la santé ou encore davantage au ministre de l’économie qu’à celui qui collectionnne les fadettes place Beauvau.  Tiens, le ministre du travail, lui aussi est important et ce n’est pas la peine de vouloir arrêter les fous criminels si vous êtes incapables de stopper les criminels parfaitement rationnels et prévisibles que génère le capitalisme financier, les gestionnaires des ressources humaines, les empoisonneurs qui ont pignon sur rue, qui siègent à côté de vous au conseil d’administration, dans le même cabinet d'avocats... Mais enfin, vous vous retenez, je vous rappelle que vous êtes venu boire un café en vitesse. Et d'ailleurs, vous êtes contents que Vogelsong ne soit pas là avec ses pigeons morts... On peut se reposer cinq minutes ?
Le ministre du bidonnage. On aimerait ne plus avoir à entendre ces chiffres tellement ils sont trafiqués. C’est vrai pour la sécurité mais aussi pour le chômage. Dans ce domaine, le problème n’est pas tant le discours du Front national mais la gangrène qui a gagné le présentateur du 20 heures ou plus sûrement chacun de nous. On préfère cacher la misère. A cet égard, la colère qui déborde ici ou là est subversive. Et le ministre des petites colères feintes est un piètre comédien. On sait bien que ce qui le révolte, c’est la courbe d’un sondage. 
On ne peut pas être tranquille. Mais vous avez de la chance. Cette fois, vous tombez sur le réparateur de la machine à café. Il vous paye un café gratos parce qu'il a vu que vous aviez le blog à Vogelsong sous le bras. “D’ailleurs même si Libération touche juste, il permet aussi d’étayer la thèse de la bienpensance angélique. Il s’est créé un contexte hexagonal tel que tout conspire à la fin des fins à ramener au débat migratoire et (sa thématique devenu connexe) sécuritaire.
Lui aussi, il préfère lire le blog mtislav. Il me le dit en confidence. Et voilà ce qui se passe, la caféine n'a pas encore eu le temps de produire tous ses effets, vous avez presque envie de bailler et de vous étirer en toute confiance quand vous vous apercevez le blog Atlantico dans sa caisse à outil. Ils n'ont pas aimé la Une de Libé. On voit une page encore froissée avec des traces de maintenance : 
"Leur condamnation du guéanto-lepénisme signifie-t-elle, comme elle le donnerait à croire, que l’évolution démographique de la France ne pose aucun problème d’aucune sorte, en termes d’intégration, de mélange des cultures,  des religions et des civilisations, de sécurité publique, d’équilibre de la société ? La France, dans l’état où elle est, dans la conjoncture mondiale, la France des trois millions de chômeurs, des huit millions de pauvres, des quatre millions de mal-logés, est-elle en mesure d’assurer l’accueil, l’emploi, le logement, l’éducation, l’assimilation de trois cent mille nouveaux arrivants chaque année ? Combien d’entre eux, si l’on n’y veille, seraient-ils condamnés à venir grossir les rangs de l’immense armée des marginaux et des révoltés ?"
Et vous ne savez pas la meilleure. Du bout de la chaussure, je pousse ce chiffon prolétarien, que dis-je internantionaliste et hesselien et dessous, que vois-je, un pigeon écrasé.
images : coulisses de Ben Hur en 1958 (blog d'Eric Valmir)Jacques Carelman, Catalogue d'objets introuvables (Éditions André Balland, Paris, 1969)  

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mtislav 79 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte