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Facebook ou la priva(tisa)tion du visage

Publié le 12 novembre 2007 par Gregory71

Beaucoup sont enthousiastes par rapport à Facebook. Son caractère viral, la facilité de  retrouver des “amis” et son esthétique nette y sont sans doute pour beaucoup. Il y a comme une activité sociale continue, on y passe quelques minutes par jour, on se tient au courant de nos amis comme devant la télévision on se tient au courant du monde.

Mais à lire la cession de droits faite par chaque utilisateur pour accéder à ce service, il s’agit ni plus ni moins de la privatisation de la vie privée, c’est-à-dire des relations sociales, et ceci à un niveau jusqu’à alors inconnu. En effet, la privatisation est ici performative. Les publicitaires ne recopient plus une référence sociologique donnée, le monde tel qu’il est, tel que nous croyons qu’il est en dehors de toute analyse. Ils produisent un système informatique qui performe et intensifie les réseaux sociaux ensuite utilisés. Sur Facebook j’ai des connaissances que je n’ai pas toujours ailleurs, j’ai des amitiés indétectables pour un institut de sondages.

Facebook en informatisant la vie sociale et en la rendant mathématiquement exploitable, est en ce sens l’exacte concrétisation de l’économie de l’accès décrite par Jeremy Rifkin. A relire son remarquable livre, on voit comme la prémonition de ce qui est en train de se passer et qui donc relève d’une structure logique et graduée qui se réalise progressivement selon les moyens techniques du moment.

Il s’agit pour les marques d’entrer dans les réseaux sociaux, de fidéliser les gens en étant entre les gens, dans leurs relations mêmes.

www.facebook.com/terms.php

« en postant un contenu sur le site, vous accordez à la société une licence irrévocable, libre de droits et mondiale d’utiliser ce contenu à quelque fin que ce soit, en relation avec le site ou sa promotion, ainsi que de mettre au point des produits dérivés (…). »

N’est-ce pas là derrière le langage juridique un désir d’absolu, de capital absolu? Il faut approcher la question juridique en la vidant de sa prétendue objectivité. Le contrat est ici fonction d’un désir de gain absolu, d’une énergie libidinale qui veut plus à partir de moins.

Les différents produits proposés par Facebook participent de cet élan onto-théologique: www.facebook.com/business convertir la multitude des existences (qu’on a nommé au cours de l’histoire la foule, le peuple, les multiplicités), danger persistant d’une masse informe, en données quantifiables et utilisables. Dans cette privatisation il y a le risque de l’instrumentalisation des existences, instrumentalisation qui peut aller jusqu’à la négation d’une existence si elle ne répond pas exactement aux chiffres. C’est ce que le système concentrationnaire a tenté de réaliser au siècle dernier. L’usage de ce référent historique pourra sembler à certains obscène, mais c’est oublier la logique concentrationnaire qui a soutenu la logique de production industrielle des grandes firmes allemandes.

Il y a là une rupture épistémologique car le chiffre n’est plus considéré, fut-ce illusoirement, comme pouvant approcher ce qui est, le chiffre est ce qui est, et ce qui est (une existence par exemple) doit y répondre exactement et rendre ses raisons au regard du chiffre et de sa seule mesure. C’est en cela que la démarche de Facebook répond à l’onto-théologique: la production d’un corps pur et intact.


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