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Art@home

Publié le 05 octobre 2007 par Gregory71

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Il est possible de distinguer les travaux en art numérique selon leur mode de production (voir le bon dossier dans le dernier Art Forum de ce mois-ci). Il y a ceux réalisé à la maison qui sont fondés sur les connaissances (et les ignorances) de l’habitant de la maison, entendez l’artiste, et il y ceux produits au dehors où l’artiste devient un concepteur entouré de compétences techniques diverses, de collaborateurs qui réalisent matériellement le travail.

Cette différence dans la topologie de la production n’est pas anodine car elle a pour implication immédiate deux types de relation entre le projet (l’idée) et la matière (la réalisation). La manière de faire a ici des conséquences sur ce qu’on donne à percevoir.

Dans le second cas en effet l’artiste est un concepteur, il anticipe un projet sans se fonder sur les caractéristiques inanticipables du médium utilisé mais simplement sur ses définitions logiques. Le régime de l’imagination est avant tout langagier dans ce cas et permet de produire un dossier écrit pour rechercher des subventions, dossier qui sera adéquat au résultat. Mais encore ce caractère logique a pour conséquence me semble-t-il une certaine conception de la technique: ce qui se produit ici est souvent un art un peu monumental et pompier, où la technique témoigne d’une force, d’une capacité de novation. La déconnexion entre le projet et la matière par rapport aux connaissances de l’artiste entraîne celui-ci à une oeuvre dont l’idéologie technique est moderniste: on essaye d’épater la galerie, d’en mettre plein les mirettes… Mais on se bat peut être sur un terrain déjà investies par les industries culturelles avec des moyens sans commune mesure.

Dans le premier cas par contre, les technologies utilisées sont en général quotidiennes, ceci signifie que le public les a aussi sous la main à la maison, il y a là un côté pop. Mais encore, l’artiste se confronte à ce qui borde son savoir: la matière résiste, l’ordinateur crashe, la poussière  s’accumule, rien ne marche ou presque. Il y a là la rencontre égarante avec la matière, une tension dans la production. Il y a surtout quelque chose qui parle du quotidien et non de quelques approches wagnériennes épatantes qui rejouent le siècle dernier.

En relisant quelques interviews de John Cassavetes où la question de la maison est si importante, on peut réfléchir à la notion d’indépendance. Qu’est-ce que serait une production artistique indépendante à l’heure des industries culturelles et numériques? L’art à la maison (home studio) et l’art des ingénieurs sont des polarités, il y a toujours un mélange des deux à des degrés divers. Olafur Eliasson par exemple semble allier les deux parce que les ingénieurs avec lesquels il travaille sont à la maison, ils travaillent chez lui, dans son entreprise. Il a internalisé la rencontre avec la matière si l’on veut en intégrant les agents de production. Mais c’est tout autre chose qu’avec des artistes qui vont de partenaire en partenaire avec un dossier sous le bras, avec une “bonne idée” qui utilise les dernières technologies. On sent là une relation entre les technologies et l’idée comme si on restait au statut logique des premières, c’est-à-dire à leurs fantasmes.

Les technologies de pointe sont en ce sens souvent une formule cachant une relation encore moderniste à la technique et à l’esthétique: on souhaite impressionner les sens, faire plus gros, plus fort (Granular Synthesis en est un exemple), secouer le système nerveux. On oublie au passage une autre possibilité plus riche et fragile, moins forte mais plus puissante parce qu’elle contient une plus grande complexité: maintenir la possibilité pour la perception d’être différence à soi, représentation de la représentation dans un doute et un souffle qui expire et inspire indissociablement.


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