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La dépression des formes

Publié le 26 avril 2007 par Gregory71

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À propos de la relation entre écritrure manuscrite et numérique, un projet réalisé cette année dans le cadre de mon cours en maîtrise par Olivia Boudreau.
Le dispositif est une documentation d’une future performance consistant à tenir pendant la durée d’une exposition, chaque jour et chaque heure, à un endroit donné nommé galerie. Ce mode paradoxal de documentation réconcilie la tradition conceptuelle (l’inscription d’un programme à venir comme dans Card File par exemple) et la tradition de la performance (la documentation d’un événement passé comme dans le travail de Gina Pane).
Une partie de ce dispositif de documentation anticipée consiste en la justaxposition de deux modes de lecture et d’écriture. D’une part un écran sur lequel défile des phrases décrivant minute après minute la performance dans sa régularité, d’autre part des feuilles manuscrites reprenant ce même texte. Il y a là quelque chose du contrat (cf Derrida sur le juridique) et de l’éthos.

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Cette juxtaposition croise deux modes d’écriture et deux modes de lecture. Une écriture sans râture, semblant identique à elle-même et qui défile sans que nous fassions rien sur un écran. Une écriture qui se déprime, qui au cours des pages change de forme, s’écarte et se disjoint d’elle-même graphiquement parlant. En lisant ces 80 feuilles on voit l’écriture évoluer, on voit la forme évoluer d’elle-même et cette évolution nous fait signe de la temporalité non seulement de l’écriture manuelle mais aussi du temps auquel se réfère cette écriture, c’est-à-dire la future performance qui joue justement sur cette répétition déprimée du corps. La lecture se fait ici activement, elle suppose de se saisir d’une feuille, de la manipuler puis de passer à une suivante si on le souhaite.

La dépression de la forme fait partie de la forme (cf Georges Bataille) parce que celle-ci n’existe jamais indépendamment d’un devenir, c’est-à-dire d’un processus de production qui engage aussi un processus de perception. On peut nommer “art” une forme qui par transduction passe de la production à la perception, l’individuation de la première servant à l’indivuduation de la seconde. Ce n’est pas dire là qu’on perçoit le processus de production (l’art comme autoprésentation de ses procédures, Bourdieu-Haacke) mais plutôt que production et perception sont dans un jeu à deux, se hantent l’un l’autre. Le fait de penser la forme dans sa relation à une matière donnée comme quelque chose de produit et de fixe (conséquence de l’hylémorphisme) est l’illusion d’un mouvement qui s’arrête. La transformation de la forme est inhérente à la forme d’une manière analogue au fait que l’incident est inhérent aux technologies.


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