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L’évaluation des enseignants du supérieur par leurs étudiants ? Oui, mais…

Publié le 03 mars 2008 par Nufroftsuj

La polémique enfle autour de l’initiative du site internet note2be (http://www.note2be.com ). Nombre d’enseignants du secondaire dénoncent une entreprise démagogique, voire même subversive (l’ordre public serait menacé !).

Pour avoir fait un tour sur le site incriminé, voilà ce que j’en ai retenu :

  • la note attribuée aux enseignants est supposée reposer sur l’évaluation de plusieurs qualités (intérêt, clarté, disponibilité, équité des notes, autorité, motivation) permettant de dépeindre une sorte d’enseignant idéal ;
  • peu d’enseignants du supérieur sont pour l’instant notés ;
  • sur l’ensemble des enseignants notés, on trouve des notes excellentes comme des notes affligeantes.

Voilà maintenant comment je vois les choses dans l’enseignement supérieur tel qu’il me semble praticable aujourd’hui : l’enseignant est lié à chacun de ses étudiants par un contrat moral d’enseignement ; contrat qui suppose une explicitation des droits et des devoirs des deux parties.

Si l’on se concentre sur les droits et devoirs de l’enseignant, un premier problème se pose : l’enseignant idéal n’est pas tout à fait le même dans l’imaginaire de l’enseignant et dans celui de l’étudiant. Chacun le pressent et un certain nombre d’études ont cherché à le démontrer (notamment la thèse de Stéphanie Leloup [Les représentations du professeur “idéal”, consultable le 3 mars 2008 à partir de l’adresse http://www.pedagopsy.eu/decalage_prof.htm ]).

A considérer même que l’on se mette d’accord sur les qualités du professeur idéal, il resterait à déterminer quelles devraient être les conséquences d’une méconnaissance par un enseignant de ses droits ou de ses devoirs. Et là j’avoue être plutôt d’accord avec l’argument avancé par les responsables du site susmentionné : si on ne peut pas attendre de tous les enseignants qu’ils soient presque irréprochables, on peut en revanche les inciter à s’améliorer (et en tant que jeune enseignant, je vois bien le chemin qu’il me reste à parcourir…). L’incitation est donc recherchée, au moins dans un premier temps. C’est une attitude qui me semble bienveillante, comme l’est celle de l’enseignant qui cherche autant que faire se peut à inciter ses étudiants à travailler (plus, mieux, avec plaisir, etc.).

D’un côté j’ai conscience que l’idée même d’inciter des enseignants (du supérieur !) à s’améliorer paraît choquante à nombre d’enseignants actuellement en poste (et peut-être même à quelques futurs enseignants) ; les mêmes qui la tolère pourtant déjà, quoique sous des formes un peu dérisoires. Un exemple : les Codes d’Or attribués chaque année par les étudiants de l’Université Panthéon-Assas (Paris II) aux enseignants qui ont réuni sur leur nom le plus grand nombre de suffrages (manifestation organisée par l’association Assas.net). On dira ce que l’on voudra, mais je doute que beaucoup de lauréats aient refusé d’aller chercher leur prix…

Mettre les meilleurs enseignants dans la lumière c’est très bien car cela les encourage à continuer de proposer un enseignant de très grande qualité. Mais là où le bât blesse c’est bien entendu lorsqu’il s’agit de pointer du doigt publiquement les mauvais enseignants (dont on suppose pour l’instant qu’ils existent, en l’absence de preuve contraire). Mon point de vue est qu’il est nécessaire que même les enseignants les plus mauvais soient reconnus publiquement comme tels, mais qu’il est tout aussi nécessaire de leur donner les moyens d’améliorer leur réputation. Et la condition première à cela est d’éviter tout système d’évaluation infamant. Résultat : exit la note chiffrée, exit le qualificatif de “mauvais” enseignant et bonjour les euphémismes et l’évaluation qualité par qualité (ou compétence par compétence).

Quant à la question de l’aptitude des étudiants à évaluer leurs enseignants, je commencerai par soutenir qu’on peut tromper une fois mille personnes, qu’on peut tromper mille fois une personne, mais qu’on ne peut pas tromper mille fois mille personnes… avant de rappeler que les étudiants sont, pour la plupart, des individus majeurs réputés pouvoir faire preuve de suffisamment de discernement pour avoir le droit de vote et ayant déjà une certaine expérience du service public de l’enseignement (de la première année de maternelle à la première année à l’Université, il n’y a en principe pas moins de quinze ans d’étude !). Pour finir sur ce point, je constate que l’enseignement supérieur est déjà un secteur d’activité très compétitif et que les universités pâtissent aujourd’hui largement de cette situation faute d’accepter de “s’abaisser” à satisfaire “le client” (il est vrai que les fonds manquent… raison de plus pour les enseignants qui souhaitent sauver l’Université soient exemplaires !).

Si seulement j’avais les moyens de me payer un groupe de travail… lol


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