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Credit crunch : le retour ?

Publié le 06 décembre 2011 par Jblully

Credit crunch : le retour ? © arahan - FotoliaAvis de tempête pour les entreprises ! À peine commencent-elles à sortir la tête de l’eau qu’une nouvelle crise financière menace de leur couper l’accès au carburant de leur activité : le crédit. Les médias se font chaque jour davantage l’écho de ces craintes, les pouvoirs publics fourbissent leurs armes, Médiateur du crédit et Banque de France sont en alerte. Qu’en penser ?

À première vue, le risque est réel. Ce nouvel épisode de la crise née en 2008 met en première ligne les Etats européens et juste derrière leurs financeurs, les grandes banques de la zone euro. Parce que tout le monde croyait que la dette d’Etat était un actif sans risque, parce que les régulateurs ont incité les banques à investir dans cette classe d’actif, parce que les Etats comptaient bien sur « leurs » banques pour se financer sans difficultés, les bilans de celles-ci se sont remplies de titres publics. Depuis juin dernier, changement de décor.

Le couple franco-allemand ayant décrété qu’il fallait que les créanciers privés supportent leur part de la charge du sauvetage des Etats, les banques européennes se trouvent montrées du doigt (par les marchés, par leurs concurrentes américaines…) parce que leurs bilans sont remplis de titres espagnols, italiens… français. C’est à qui désormais se débarrassera le plus vite de ses titres d’Etat, si possible en les vendant à la BCE (ce que les banques allemandes ont discrètement fait cet été). À cela s’ajoute les contraintes de Bâle III (renforcement des obligations de fonds propres et de liquidité) et voilà toutes nos banques qui passent de la course de fond au sprint pour atteindre dès 2013 des ratios de fonds propres au lieu d’attendre 2017, voire 2019. Solution choisie : réduire la taille des bilans, c’est-à-dire, d’une façon ou d’une autre, le financement des économies. Bref, il y a de quoi s’inquiéter.

Si l’activité de crédit aux entreprises n’est pas, à l’heure actuelle, la première cible de ces arbitrages, rien ne permet d’exclure qu’elle soit visée dans les mois et années à venir. D’ores et déjà, les signes d’une détérioration de l’offre de crédit, notamment pour les PME et les TPE, se font de plus en plus visibles. Ainsi, selon l’enquête trimestrielle de la Banque de France sur la distribution du crédit, les critères d’octroi de crédit aux entreprises ont été resserrés au 3e trimestre 2011. Ce durcissement est imputé aussi bien aux contraintes de bilan et de financement des banques qu’à la montée de leurs risques. Autrement dit, le renchérissement des ressources des banques va mécaniquement se traduire par une hausse des taux d’intérêt (effet prix) et/ou une contraction de l’offre de crédit (effet volume). Cette tendance à la raréfaction et au renchérissement du crédit est loin d’être purement conjoncturelle et va marquer durablement les relations des entreprises avec leurs banques dont le modèle économique est en profonde transformation.

Pour autant, aujourd’hui comme hier, il est toujours aussi difficile de faire la part de ce qui relève d’une véritable fermeture du robinet du crédit (credit crunch) de ce qui tient à une baisse de la demande des crédits dans un contexte de montée des risques récessifs. Les deux phénomènes sont probablement concomitants, sans qu’on puisse évaluer leurs poids respectifs.

Deux points pour conclure :

- L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie. Cette nouvelle phase de la crise n’appelle pas les mêmes solutions qu’en 2008-2009. Il est ainsi très improbable que l’Etat français soit contraint d’entrer dans le capital des banques. Il aura donc moins de moyens ou de légitimité pour faire pression sur leurs activités de crédit ;

- Dans ce contexte de menaces (réelles ou potentielles) sur l’accès des entreprises aux crédits bancaires et au-delà des mesures conjoncturelles, il est impératif de repenser de manière plus structurelle les réponses à apporter aux défis du nouvel environnement économique et financier qui se dessine. Éviter un credit crunch potentiellement fatal à la reprise économique exige entre autres de préserver la capacité des banques à transformer des ressources de court terme (dépôts et épargne disponible) en emplois de long terme (crédits d’investissement…). Cela exige aussi de repenser la marchéisation des crédits pour assouplir la gestion de bilan des établissements bancaires. Comme le propose le dernier rapport de la CCIP sur le financement à long terme des entreprises non cotées, une des pistes possibles est de mettre en place de nouveaux outils de refinancement des crédits accordés aux PME par les banques en créant une plateforme de place d’émission d’obligations sécurisées et adossées à ces crédits, en s’inspirant du modèle des obligations foncières. Une mission d’étude sur le sujet a été d’ailleurs lancée en octobre 2010 par le Ministère de l’Économie avec les acteurs de la Place.

Une autre piste, pour alléger les menaces pesant sur le financement de la trésorerie des PME, serait de prolonger le mouvement de baisse des délais de paiement. En ces temps de crise, au moins faudrait-il veiller à ne pas remettre en cause les acquis de la loi LME (la Banque de France a ainsi estimé que la baisse des délais de paiement a soulagé la trésorerie des PME de plus de 3 milliards d’euros en 2009).

Plus globalement, le risque d’un credit crunch doit être surmonté en favorisant le développement de financements alternatifs qui renforcerait durablement la capacité des PME à optimiser et à diversifier leurs structures de financement.


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