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Nous sommes les 99%

Publié le 08 décembre 2011 par Christophe Benavent

Nous sommes les 99%

We are the 99%

Le marketing se porte encore bien. Quelques formules joliment forgées redonnent une forme à ce qui n'avait plus aucun sens. La globalisation échouée dans le marasme de la crise financière, l'absence d'ennemi bien réel – même Ben Laden a été exécuté. Il fallait dire en un mot le monde, et l'exploit c'est d'en dire la diversité. Ces monde qui grandissent et résolvent la misère au prix de l'inégalité, ce monde qui s'enlise et redécouvre l'inégalité. Nous sommes donc un monde – à 99%, et nos ennemis sont ces rares délinquant de haut vol, ces profiteurs, ces moins de 1% qui gâche le rêve. Mais plus que cela la formule résume un monde : ses rapports sociaux, son espoir de justice, et l'unité qui se fait moins dans la nation que le sentiment d'être dans un même vaisseau qui court dans le néant. N'oublions pas aussi ce bruissement qui parcours les fibres de nos forêts.
Belle formule qui rallie des cadres aux ouvriers, les pauvres et les peu riches, cette très grande diversité dont le point commun se constitue dans une même culture de consommation et la même amertume que l'éducation n'est peut-être plus suffisante pour s'arracher au commun.
Mais la formule n'épuise pas le sujet. Nous semblons aller de révolution en révolution, même si les révolutions se font rares. Nous devinons tous que le monde change, mais ce changement n'est plus tout à fait celui de la globalisation. Son cap nous échappe, et nous n'arrivons par à deviner les structures nouvelles qui se mettent en place, nous en ressentons ici et là les effets sans pouvoir clairement désigner ce qui en est la cause.
Sans doute est-ce que ces structures se structurent et que seules les forces sont perceptibles. Elles affectent l'ensemble de la société et en particulier les marchés et les manières sont ses agents y agissent. On peut en deviner les effets dans au moins trois grands phénomènes qui affectent nos consommations.
Le premier d'entre eux est celui de la communication. La multiplications des écrans et des techniques met dans nos mains de remarquables outils qui nous font gagner en productivité sociales : la combinaison des mobiles et des réseaux sociaux industrialise les modalité capillaire de communication, de telle sorte que la capacité à communiquer ne dépend plus de la puissance des émetteurs mais de l'engagement des relais. Les « personnal media » grignotent les mass media et génère un tel flux d'informations que plus personne ne peut le traiter, renforçant la nécessité pour les récepteurs se se protéger par des filtres, et pour les émetteurs à entretenir des nuées de militants. Cette quantité d'informations ne sont plus traitées pour telles, mais doivent passer au travers du flitre social, celui de la légitimité. Nos machines aujourd'hui produisent moins d'information qu'elles ne façonne leur acceptation. La méta-information, sous forme de notes et de commentaires, devient aussi importante que le contenu de l'information. La question centrale pour les consommateurs n'est plus de savoir où se trouve la bonne information, mais qui la fournit. Les vieilles institutions telles les journaux sont ébranlées sans que de nouvelles ne s'imposent véritablement. Nous baignons dans l'information sans qu'elle ne nous informe.
Le second est l'éclatement des marchés, il résulte en grande partie des inégalités croissantes, mais aussi du changement d'échelles des marchés qui fait de populations marginales des ensembles considérables. Pensons aux marchés du Luxe qui sont devenu des marchés de masse. Il résulte aussi de cette découverte que même les plus pauvres consomment, et élargissent la base de la pyramide de la consommation. L'innovation prend ainsi un double chemin : celui des formules low cost, visant à offrir ce qu'on offrait pour un coût réduit de moitié ou plus, celui de la glamourisation qui tend à redonner de la valeur aux choses les plus simples par un enrichissement symbolique. Dans ce double mouvement qui complexifie ce qui est offert, élargit le spectre des qualités, l'idée de meilleure valeur tend à se dissiper, et l'on comprend que la thématique de la simplicité s'impose, même si à l'analyse elle est moins simple qu'elle ne pourrait sembler. Sa principale vertu n'est pas de ne pas être compliquée, elle est sans doute d'ordre moral, une « originélité » plus qu'une originalité. Le troisième mouvement s'inscrit dans l'idée de culture de consommation. Nous consommons moins pour assurer des fonctions fondamentales, mais pour manifester nos identités : nos appartenances et nos singularités, le respect des normes et l'affirmation de soi. Nous ne consommons plus véritablement au sens d'une destruction énergétique, comme on consomme un morceau de pain. Nous produisons en consommant, nous produisons une richesse sociale qui est celle du sens commun. Notre consommation est une eucharistie. Et pour comprendre cette consommation, il faut désormais comprendre qu'elle est culturelle, que ses raisons sont à chercher en elle-même dans les formes qu'elle a produit et à partir desquelles elle produit encore, dans un grand mouvement de récupération qui va chercher aux marges de la société des signes intéressants, les ajuste à cette pointe exigeante de l'édifice social, et les digérant les inscrit dans la culture ordinaire de la consommation. C'est dans la friction des cultures que la culture se forme, qu'elle soit une confrontation ou un mélange, le jeu de l’indigénisme et de l'exotisme.
Les 99% abusent sans doute de la formule, il faudrait enlever les 24% de très pauvres, mais ils disent bien l'ordre d'un monde saturé et en perpétuel recyclage, qui ne connaît plus le vrai, en change sans cesse les figures, un monde où le 1% maîtrise la production de ces grammaires. Leur indignation témoigne de la dé légitimation du monde et de ses représentations. La boussole des marché se tient moins dans la maîtrise des techniques que la compréhension des cultures, le rivage à atteindre est celui d'un droit naturel, celui de la coutume, celui de l'hospitalité.
Et pour lancer le trait plus loin, disons qu'il ne suffit plus d'innover, d'inventer, mais de prendre soin que nos innovations puissent être accueillies avec attention en ne délivrant qu'un minimum de déception.

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