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Sur la morale (trois)

Publié le 02 mars 2008 par Saucrates


Réflexion vingt (28 février 2008)
Morale, Education et Civisme

Il y a actuellement un gros débat sur la place de la morale à l'école. Peut-on enseigner l'instruction civique et morale de nos jours à l'école ? Les avis divergent, entre ceux qui estiment qu'il s'agit du retour d'un archaïsme dépassé, le civisme ayant cessé d'être enseigné à l'école depuis 1955 (ce qui explique peut-être pour partie le délitement actuellement de notre société) ... et ceux qui croient en ce retour des valeurs morales et républicaines à l'école ... groupe de personnes dont je fais partie.
Evidemment, ce point fait débat. Pour ceux qui font partie de familles qui ne croient pas en la République française, soit parce qu'ils sont très pauvres et estiment que la République française ne fait rien pour eux, soit parce qu'ils sont fraichement immigrés, pour des raisons économiques et non affinitaires, soit parce qu'ils préfèrent vivre en marge de la société officielle française, de revenus illicites, soit parce qu'ils préfèrent vivre dans la délinquance ... ceux-là, ces familles et leurs enfants, seront opposés à l'enseignement de cette matière. En effet, la morale ... et le civisme derrière lequel elle se cache ... est souvent assimilée, par ceux qui sont du 'mauvais' côté de la société, comme une forme de contrôle social pour 'dresser' les jeunes enfants. Ceux qui n'ont rien à perdre, soit parce qu'ils vivent en marge, soit parce qu'ils ne possèdent rien, ceux-là peuvent n'avoir que faire d'une éducation qu'ils pensent inutiles à leurs enfants, que faire des chaînes que tisse la société pour contrôler leurs enfants.
A l'inverse toutefois, on peut aussi se demander, au-delà de quelques-uns de ces cas, quels parents soucieux de l'éducation de leurs enfants seront opposés à l'enseignement de cette matière ? Il doit être noté également qu'un certain nombre d'instituteurs (ou de professeurs des écoles selon la terminologie nouvelle) s'opposent à cet enseignement, sous prétexte qu'ils enseignaient déjà des règles de vivre ensemble dans leur classe. Mais y a-t-il un rapport, entre ces règles discutées en classe et la morale et le civisme, dont la composante "vie en classe" est une infime partie ? Enseigner le bien et le mal au sens de la société pose-t-il un problème, même si, évidemment, il y a aussi un risque de ne pas pouvoir dissocier dans cette morale l'influence de la religion chrétienne catholique.
Où se situe la limite entre la morale laïque et la morale religieuse ? Mais en même temps, ne faut-il pas rappeler que les étrangers qui ont choisi la France comme terre d'immigration ont choisi un pays de religion chrétienne, et que ceux qui se réclament d'une autre religion, tel l'islam par exemple, conservent le choix de partir s'ils ne veulent pas qu'une morale d'origine chrétienne soit ensigner à leurs enfants. Se pose en effet malgré tout le problème des racines religieuses de la France. Bien que le christianisme y ait été implanté militairement il y a deux mille ans, en même temps que cette religion se diffusait au sein des légions romaines et dans l'empire romain, on ne peut nier les racines religieuses chrétiennes de la France, et que l'islam n'y représente rien, même s'il constitue la religion de millions d'immignants et d'anciens immigrants. Le fait de remonter aux racines pssées druidesques (ou gauloises) de la France ne me semblera pas être de nature à remedier aux problèmes actuellement observés sur ce problème des origines et des racines religieuses de la France, et de l'enseignement de la morale à l'école.
Ce débat sur la place de l'éducation doit accepter d'autres types d'argumentations. Un certain nombre de réflexions assimilent les crêches et les écoles à des appareils de contrôle des enfants. Pour certaines personnes, la société occidentale (mais aussi japonaise) attend des enfants, même à leur plus jeune âge, un respect absolu des règles et de la discipline, dans l'optique d'en faire ultérieurement des citoyens adultes, responsables et obéissants. Mais si on assimile donc l'école à un instrument de contrôle et de formatage des enfants, il devient alors difficile de lui reconnaître une véritable capacité éducative (car éducation et coercition n'ont rien de comparable, l'une créant des enfants puis des citoyens éduqués, libres, ouverts ... tandis que l'autre crée la peur, l'obéissance aveugle et le fanatisme ...).
Réflexion dix-neuf (21 février 2008)
Morale, Normes, Valeurs, Préceptes, Religions et Contraintes

Quelle différence entre préceptes et valeurs ? J'oserai une première analyse, en disant qu'il n'y en a pas, puisque les deux guident des choix. Mais, d'une autre façon, on peut tenter une distinction ... des préceptes guident des actions imposées ou édictées, tandis que des valeurs guident des actions choisies. Les valeurs correspondraient donc à des normes librement choisies, et les préceptes à des normes imposées à l'individu depuis l'extérieur (par la société par exemple).
Le problème né du fait que la frontière est ténue entre normes imposées et librement choisies. Des normes imposées par l'environnement à des individus, par la société, par les proches, peuvent devenir avec le temps des normes librement acceptées par ces mêmes personnes. C'est évidemment le cas dans le cadre de l'éducation des jeunes enfants ; l'éducation consistant à faire assimiler à des enfants des règles que leur apprennent leurs parents ou le milieu éducatif, jusqu'à ce qu'il paraisse naturel à ces enfants d'appliquer ces règles, sans y réfléchir.
Mais la morale est-elle une norme librement choisie ou une norme imposée ? La morale est-elle un ensemble de valeurs ? Evidemment, ce n'est pas le cas. Une norme morale est beaucoup plus contraignante qu'une simple valeur, c'est-à-dire une norme librement acceptée. Et pourtant, si la morale était simplement une norme imposée à chaque individu et non une norme acceptée ... dans le tréfonds de son être intérieur, dans son for intérieur, nul individu n'appliquerait volontairement de normes morales. Les normes morales ne seraient alors appliquées qu'en public, et en aucun cas en privé. Or, tel n'est pas le cas.
La plupart des gens applique dans leur vie de tous les jours des règles morales, en public comme en privé, voire dans la solitude. Les normes morales sont donc intériorisées par la plupart d'entre nous, de telle sorte qu'elles sont acceptées et appliquées sans discussion par chacun d'entre nous, mis à part un certain nombre de délinquants, qui ne reconnaissent ni règles morales ni règles sociales. Cette acceptation tacite est la faute de l'éducation que nous ont imposé nos parents, la société, l'école, et l'église ... enseignement ou éducation qui repose sur la répétition et l'apprentissage de règles et de valeurs, pour que l'enfant considère comme siennes un certain nombre de règles qui représentent pour ses parents et ses enseignants la bonne éducation, les bonnes manières, un bon comportement. De sorte que les règles morales sont intériorisés par la plupart d'entre nous et sont appliquées naturellement, sans qu'il soit besoin de nous contraindre pour cela.
L'une des seules limites d'une telle méthode d'assimilation, c'est lorsque l'usage habituel affronte des ordres de justification différents. Par exemple, dans le cas où un individu rencontre un autre groupe social ou humain qui applique des normes morales différentes, ou qui a déjà renoncé à certaines normes morales (par exemple des groupes où la drogue circule librement). Le risque, c'est que par souci d'intégration dans un tel groupe, un individu peut être tenté d'abandonner ses propres normes morales (pour finir par tuer une autre personne afin d'être intégré dans un groupe que l'on souhaite intégrer quel qu'en soit le prix à payer). Un autre ordre de justification peut être le plaisir. Il peut alors y avoir conflit entre une norme morale contraignante, et le bonheur procuré par le plaisir d'une action immorale, puis la culpabilité pour avoir agit contrairement à la morale. On peut aussi bien traité de sexe, de drogue ou de meurtre ... Le plaisir pouvant être assimilé à une déviance par rapport à une norme.
Dans un tel cas, il y aura alors rejet des normes morales communément acceptées, et conflit avec des normes autres. Ce sera alors la société qui tentera de contraindre l'individu en rupture. Mais parle-t-on alors ici d'un individu amoral, immoral, ou associal ? Lorsqu'un individu agit simplement à l'encontre des règles morales sans dévier des règles sociales, peut-on imaginer qu'il puisse être rappelé à l'ordre par la société, à moins simplement qu'il en subisse les conséquences dans ses relations avec ses proches et ses connaissances.
Nota : Lire au sujet de la place de la morale à l'école les articles suivants du Monde du 21 février 2008 ...
1. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4960@51-1013456,0.html
2. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4957@51-1013456,0.html
3. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4958@51-1013456,0.html
4. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4959@51-1013456,0.html
5. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4961@51-1013456,0.html
6. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4962@51-1013456,0.html
7. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4963@51-1013456,0.html
8. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4964@51-1013456,0.html
9. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4965@51-1013456,0.html
10. http://www.lemonde.fr/web/articleinteractif/0,41-0@2-3224,49-1014311@45-4966@51-1013456,0.html
Réflexion dix-huit (20 février 2008)
Peut-il exister une morale laïque ?

A l'origine, la morale fut fondée/construite par des philosophes grecs qui se placaient en marge de toute religion. Socrate, Platon, Aristote fondèrent une morale qui s'inscrivait dans la cité grecque, dans la polis, dans le démos. Cette morale sera ensuite remplacée en Occident à l'époque médiévale par la morale chrétienne, issue des écrits de Saint Thomas d'Aquin. Les écrits des philosophes grecs antiques ne seront redécouverts que bien plus tard, laissant la philosophie occidentale être fortement influencée par la morale chrétienne.
Aujourd'hui, n'est-il pas possible de dire que les morales individuelles de nombre d'entre nous, la façon dont nous vivons nos vies, en fonction de nos principes moraux, sont essentiellement construits en référence aux préceptes moraux chrétiens, et non pas de préceptes laïcs hérités des philosophes des Lumières ou des penseurs grecs antiques ? D'une certaine façon, par la faute du catéchisme catholique !
André Comte-Sponville pose que la génération qui eut vingt ans dans les années 1985-1995 peut être appelée la génération morale, par opposition à la génération précédente, celle qui eut vingt ans dans les années 1968-1975, qui rejetait la morale et ne croyait qu'en la politique.
Je me retrouve en effet dans cette analyse. Je crois essentiellement en la morale, que ce soit pour guider mes choix ou guider ma vie, et je ne crois pas en la politique, que j'estime pervertie, inaccessible et truquée. Mais cela ne veut pas dire que tout ce que je fais soit moral ... Cela veut simplement dire que je juge mes actes et ceux des autres en fonction de cette morale, et donc que je reconnais agir parfois de manière immorale, à mes propres yeux.
Etre immoral lorsque l'on souhaite agir de manière morale a-t-il un sens ?
Réflexion dix-sept (18 février 2008)
D'où vient la morale ?

Malgré tout ce qui a pu être écrit à ce sujet par des milliers de philosophes depuis trois millénaires, il peut paraître amusant qu'il soit toujours possible de s'intéresser à la morale, à ce qu'elle est, à ce qu'elle peut signifier et d'où elle vient.
Aucune réponse sur la morale ne semble aujourd'hui certaine, définitive.
- La première de ces questions concerne l'existence du bien et du mal, du permis et de l'interdit ?
- Une seconde question concerne le problème de l'existence d'une morale universelle ... ou à l'inverse de la pluralité des morales ... ce que l'ami Connaissance nomme ... des morales de troupeaux.
- Par complément, certains philosophes se sont interrogés sur la forme éventuelle que pourrait prendre une telle morale universelle ... Serait-elle minimale ou maximale au sens que lui donne Michael Walzer ...
- Et quelle est sa position historique et comment peut-on l'appréhender ? Correspondrait-elle au plus petit dénominateur commun entre toutes les morales ... Ou bien a-t-il existé une morale primordiale de l'espèce humaine, dont seraient issues toutes les morales actuelles ?
- Une cinquième question concerne l'origine de la morale (ou des morales) ... La morale repose-t-elle sur les sentiments, sur la raison (encore appelée par Kant la rationalité), ou sur un sens inné, une capacité génétique ...
- Une sixième question complète cette interrogation en s'intéressant aux rapports entre la morale et la société. La morale est-elle issue d'une éducation par la société ? Ou trouve-t-elle sa source ailleurs ?
En soi, d'immenses questions restent toujours à l'état de réflexions, d'interrogations, même si, philosophes après philosophes, chacun d'entre eux a cru et a estimé, depuis trois millénaires, que tout avait été dit et expliqué sur la morale, et qu'il avait fait le tour définitif de la question, sans qu'il ne reste plus rien à expliquer. Un peu à la manière de Fukuyama qui écrivit sur la fin de l'histoire.
Saucratès

Mes précédents écrits sur la Morale
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/01/sur-la-morale-un.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/08/21/sur-la-morale.html


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