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De l’idée de banque

Publié le 14 décembre 2011 par Rhubarbare

Le système bancaire est au coeur de la tourmente qui agite l’économie occidentale depuis 2008: Les modalités de contrôle du secteur bancaire et notamment de l’activité spéculative, qui avaient été mises en place suite aux crises bancaires de 1907 et 1929, disparaissent à partir des années 70 et le monstre spéculatif refait surface dans les années 80 avec les produits dérivés. Le système fractionnaire, permettant aux banques de prêter plusieurs fois plus que ce qu’elles détiennent en dépôt, associé à la recombinaison en 1999 (fin du Glass-Steagall Act) des activités de détail (dépôts et prêts) avec les opérations purement financières (titrisation) a conduit le système bancaire à la folie spéculative et à une gestion profondément opaque voire malhonnête.

Pire encore, le contrôle de nombreuses monnaies fut dans le même temps donné aux banques, celles-ci se retrouvant dans la situation extraordinaire de pouvoir prêter de l’argent qu’elles n’avaient pas (via le système fractionnaire) à un “client” a priori sans risque (l’Etat) afin d’en récupérer ensuite l’intérêt (via l’impôt) aux frais de l’ensemble de la population. Plus belle opération de racket, tu meurs.

Certes, l’argument de l’époque pour sortir la création monétaire du contrôle étatique semblait recevable: si les gouvernements se servent de la planche à billet pour compenser une gestion financière irresponsable, le résultat ne peut qu’être une inflation galopante – et c’était assez bien le cas à l’époque. Mais il eut fallu attaquer le problème à la base plutôt que de transformer le système financier en grand prédateur du monde.

Revenons-en à l’idée de banque: initialement privées (les fameux Lombards…) puis presqu’un commerce comme les autres jusqu’au début du XXème, les banques furent ensuite fortement régulées car reconnues responsable de la crise de 1929.  Aujourd’hui, si on parle des pays en crise (USA et de l’Europe), nous avons une palanquée de grandes banques privées qui font tout (et n’importe quoi) et des liens vers des “banques centrales” très particulières: la Fed aux USA qui n’est qu’un consortium de banques privées et qui, pour l’essentiel, dicte sa volonté au gouvernement américain; de l’autre côté la BCE, sorte d’entité virtuelle déconnectée de toute représentativité démocratique dont la tâche première est le contrôle de l’inflation et dont personne ne sait, au juste, ce qu’elle peut vraiment faire.

Si le constat est que le système financier actuel est dangereux pour les 99% des habitants qui y sont soumis, ce pour la très simple raison qu’il ne fait que servir les intérêts du 1% qui le contrôle, comment le modifier pour qu’il serve les intérêts des 99%? Un exemple très intéressant est celui de la banque du Dakota du Nord (Bank of North Dakota, BND), la seule banque américaine d’Etat. Fondée en 1919 par un vaste mouvement contestataire agraire qui refusait le diktat des banques de New York, elle servait alors comme aujourd’hui à financer des programmes de développement industriels locaux. La banque elle-même est financée par l’Etat du Dakota du Nord car elle reçoit l’ensemble des revenus fiscaux de cet Etat, dont elle investi une partie sous forme de prêts. La banque gère par exemple un large fond de prêts pour les étudiants. La BND, statutairement, n’est pas en compétition directe avec les banques privées: elle participe au financement des banques privées et à de nombreuses opération conjointes par exemple en matière de prêts immobiliers. La BND n’a quasiment pas investi dans les produits dérivés et est actuellement en excellente santé, tout comme l’Etat du Dakota du Nord qui, pourtant encore très agricole et avec une population de seulement 600 000 âmes (très similaire à la Saône-et-Loire en fait..) n’a pas de problème financier.

Une autre approche, à visée différente mais également dans le but de se désolidariser du système bancaire traditionnel, est la banque “peer-to-peer” (P2P) mettant en relation via des sites internet des prêteurs et des emprunteurs. L’activité bancaire se limite alors à définir le risque du projet et le rating du débiteur. Ce système existe en France dans le cadre d’opérations de micro-crédit (par exemple le site Babyloans) mais il explose dans les pays anglo-saxons via des services tels Prosper et LendingClub (Prosper compte plus de 1 million de membres et 282 millions de dollars de prêts en cours pour des valeurs de prêts comprises entre 2000 et 25 000 USD). Certes ce modèle comporte certains risques de défaut de remboursement et implique des taux d’intérêts relativement élevés mais il permet de contourner l’actuelle frigidité du secteur bancaire officiel. Un problème majeur est le calcul du rating (niveau de risque) du débiteur sans s’immiscer dans sa vie privée. De par l’essor de ce marché du “citizen banking”, des techniques sont en développement pour permettre de faire des analyses statistiques sur les mouvements financier d’un débiteur sous forme cryptée, c’est-à-dire sans que l’analyste ait accès à la nature réelle des mouvements.

Le cirque public actuel sur l’austérité et la “règle d’or” ne sont de toute évidence qu’effets de manche pour éviter de s’attaquer au vrai problème: mettre la monnaie au service des populations plutôt que les populations au service des banques. Quitte à avoir des monnaies locales en parallèle avec le système international, et/ou des banques publiques locales de type BND mais dans tous les cas l’urgence est de sortir de la spéculation massive. La leçon avait été apprise voici un siècle, puis oubliée mais Aristote déjà conspuait les spéculateurs (ce qu’il nommait la chrématistique) car il avait bien compris leur effet dommageable sur la “vraie” économie. Sur ce plan, rien n’a vraiment changé en 2 300 ans.

Billet en accès libre sur http://www.rhubarbe.net/ 


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