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Evidoute

Publié le 05 février 2008 par Thywanek
Evidoute : n.m. de évi qui sert de début racinien à des mots aussi différents que éviction, évidence, évider, éviter, éviscérer, évier, et de doute qui veut dire qu’on est pas sur, qu’on est pas en dessous non plus, mais que justement du fait qu’il est dramatiquement certain que tout est irréversiblement différent on a du mal à se décider. Du fait, en quelques sorte, que les évis divergent, le doute nous habite. C’est en tout cas un commencement d’explication.
En règle générale, supérieure donc aux règles caporales, colonelles, lieux tenantes, sergentes et plus encore simples troufionnes, évidoute exprime bien qu’il y a quelque chose qui plane, mais on ne sait pas pourquoi, et pas trop quoi en faire, et damnation dans les situations extrêmes où on brûle de se décider et où en même temps certaines perspectives nous glacent. Ce qui a pour effet de provoquer de ces chauds effrois dont les services de la santé privée s’enrichissent et dont les services de la santé publique sont encombrés.
Et dont les professionnels de la santé mentale s’emparent et se régalent. Les gourmands !!
Pour comprendre l’acception à géométrie variable de ce mot il convient en tout état de cause de se défaire de pas mal de certitudes et d’autant d’hésitations.
L’éviction de l’évidence évidée d’une éviscération évitée dans l’évier provoque légitimement un évidoute.
De l’évidence de l’évier évincé d’une éviscération évitée naît également sans surprise un évidoute.
L’évier éviscéré d’une éviction d’évidence évitée ne laisse pas de nourrir tout autant un évidoute.
L’évitement évident de l’éviction de l’évier éviscéré entraine, c’est bien normal un irréfragable évidoute.
L’éviscération de l’évidence à l’éviction de l’évier évitée convaincra d’entretenir un certain évidoute. Et accessoirement d’entretenir aussi un peu mieux ce fameux évier.
Etc … Etc … Me direz-vous … Et vous n’aurez pas forcément tort, évidoutement.
Moins métaphysiquement on aura compris que l’évidoute se ramasse fiévreusement en un mélange de choses sûres, (pointure 44), et de passoires. En d’autres termes d’une pompe relativement assurée et d’un filet de protection. Parfois même d’une botte martiale et d’un filet à provision. Au niveau le plus audacieux de ce mélange on trouvera aussi de la conviction bornée et de l’indécision maladive.
Aussi est-ce un mot à ne pas utiliser à tort et à raison.
La médecine ne peut pas tout.
Traditionnellement convaincu que ce ne soit pas impossiblement opportun jusqu’à ce que ça devienne nécessaire d’y croire avec modération, je vous propose quelques illustrations de ce mot.
Usuellement il est assez courant qu’un individu moyennement constitué de tout ce qui fait qu’on ne le confondra peut-être pas avec un poisson rouge, sauf transpoissonisme* plus ou moins latent, et qui aurait la prétention de se rendre d’ici à là-bas ambitionnant de la sorte de couvrir une distance contrariant le projet de la parcourir à pied en moins d’une semaine, pauses comprises, tendra à se demander si en prenant le train ça ne serait pas mieux. Or s’il s’avère qu’en fait le questionnement se double d’une interrogation sur le bien fondé d’aller d’ici à là-bas, compte tenu de savoir s’il faut qu’il y soit attendu ou pas, réellistiquement ou pas, et quoiqu’il en soit quelle importance cela revêt selon qu’il fait un temps pluvieux ou plus clair, la cristallisation d’un évidoute sera difficilement exempte de le hanter d’une certitude égale à ses hésitations, ou d’une perplexité comparable à son assurance.
Extrait du livre des très riches heures du Chanoine Sarkrolexy : alors que la Sainteté dument gourmettée se lamentait dans les bras de la Gardeuse de sots, Madame Rachidati, se plaignant amèrement de subir dans sa courbe de popularité une trajectoire semblable à celle qu’effectue un emballage usagé vers sa fatale poubelle, il soupira à un moment, et murmura : « Rachy, j’ai un évidoute … » Affolée d’apercevoir un tréfonds de désespoir chez ce robuste chef de marketing, Madame Rachidati s’exclama : « Vous ! Un évidoute !?! Vous !?! Plus forcément sur d’être certain à tous les coups !?! Oh Nooon ! … … … »
Un long hululement de justice crépusculaire s’échappa de la pièce pour envahir tous le palais. C’était poignant. Madame Yade, qui passait malencontreusement par là, reçu un grand coup sur la tête, mais on ne sut pas tout de suite d’où cela provenait. C’était Madame Bruni qui munie de sa guitare en plomb surveillait les entrées du conseil restreint qui se tenait en secret derrière la porte, et qui avait confondu Madame Yade avec Madame Bachelot.
Rapportée par un délateur dont je tairai jusqu’au nom de l’entreprise qui gère le canal de l’ancienne première chaine de télévision française, cette divertissante petite blague du très primesautier Monsieur Hortefeu, qui s’occupe avec le zèle paponesque qu’on lui découvre sans surprise, de la politique de l’immigration, de l’identité nationale, des quotas cérébraux et qui s’occupera peut-être un jour de coopération quand il aura fini de colorier le mot collaboration. Alors qu’on lui offrait pour le nouvel an un lot de clandestins sans papiers joliment terrorisés, délicatement recroquevillés sur leur tas de nippes ridicules, et délicieusement suintant par leurs prunelles dilatées d’une frousse carabinées, (si l’on ose dire …), Monsieur Hortefeu, devant la nombreuse assistance de ses amis policiers, sembla pris, tout à coup, d’une curieuse retenue : observant notamment les yeux effondrant de douceur apeurée de l’un des tout jeunes enfants, il paru plonger dans un abîme de compassion, un tendre sourire naissant sur sa bouche, une larme même dépassant le barrage rigoureux de son regard responsable : l’assistance fit silence. Et dans ce silence, d’une voix émue, Monsieur Hortefeu dit : « Mesdames, Messieurs, je me sens pris d’un évidoute … » Puis il ne pu se contraindre davantage et cacha son visage dans ses mains. Les « Oooh ! », les « Noon !... », « Ben … » et autres exclamations feutrées et ébahies fusèrent alors parmi les personnes présentes. « Mais nooon !!! … J’décooonne !!! » Repris alors l’amusant responsable gouvernemental, redécouvrant sa face hilare de gamin farceur. « Allez !! Virez-moi tout ça !!! Et vite !!! Ha ! Ha ! Ha ! » Et il éclata de rire, tout content de son effet, et l’assistance toute heureuse de voir à quel point on avait là, dans cet humour raffiné, une preuve évidente de cette humanité ministérielle si injustement contestée, rit avec lui de bon cœur, tandis qu’on emmenait prestement le lot de clandestins ahuris, en se dépêchant, pour ne pas rater le prochain charter.
*Prochaine entrée de ce dictionnaire analphabétique.

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