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Christianisme ou chrétienté ?

Publié le 21 février 2008 par Fr. Adrien

On prête à Hegel ce mot : « La lecture du journal est la prière du matin de l'homme moderne »; personnellement, je lis plutôt le journal après la prière du matin, mais autant que possible j'essaie de continuer à prier en le lisant. Or ces temps-ci, certain malaise plane sur ma lecture, quand je vois l'actualité saturée de débats sur la laïcité. Débats dont l'écho arrive sur le blog : Aude, dans un commentaire récent, reprochait au fr. Philippe de considérer que « l'Eglise n'est ni un parti ni un lobby ».

« Nous ne devons pas en oublier pour cela notre rôle dans la société. Certains s'offusqueront des propos de notre président sur les religions ou la laicité, je pense au contraire que c'est une formidable opportunité pour rappeler nos racines et nos valeurs spirituelles certes, mais avant tout humaines. »

Deux réactions, qui n'engagent que moi, pour ouvrir le débat.

D'abord, je crois que le débat dans lequel on nous fait entrer est piégé, parce qu'il est évidemment aussi politicien. Il est d'ailleurs normal qu'un responsable politique cherche, par ses discours, le soutien de telle ou telle catégorie de la population ; mais c'est à moi de ne pas être dupe. Comme chrétien, je me fiche éperdument de savoir ce qu'un responsable politique dit penser de l'Eglise ou des chrétiens. Ce qui m'intéresse, c'est ce qui, dans son action, me paraît favoriser la justice et la paix, bref le Royaume de Dieu. A chacun d'en juger en conscience, sans que ce jugement soit brouillé par des considérations de chapelle (l'Eglise n'est pas le syndicat des chrétiens, encore moins du clergé!).

Mais il y a, à mon sens, plus grave que ce petit jeu, et c'est surtout à cela que je veux réagir. Je ne crois pas qu'il y ait des « valeurs » ni une « identité » chrétiennes que nous devions défendre ; notre trésor, c'est la foi au Christ mort et ressuscité. C'est lui que nous devons annoncer, et non les « valeurs » que, légitimement peut-être, on veut y attacher. Et si tout ce que j'associe au Christ (ma sensibilité politique, ma vision de la famille, mes goûts esthétiques, que sais-je?) empêchait un autre homme, qui ne serait pas d'accord avec moi sur ces détails, de rencontrer Dieu ? Comme frère prêcheur, j'avoue que c'est mon angoisse constante depuis les premiers jours ; et je m'efforce de ressembler à l'homme de la parabole qui vend tout ce qu'il possède pour acheter une seule perle fine (Mt 13,45). Le Christ, et le Christ seul, voilà ce que nous devons annoncer. Nous n'aurons pas de trop de ce carême, ni de toute notre vie, pour nous débarrasser de tout le superflu.


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