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Nouvelle étape par Pierre Moscovici

Publié le 25 décembre 2011 par Letombe

Hollandeinvestiture11.jpg2011 s’achève, et avec elle la « drôle de campagne » entamée depuis le verdict des primaires socialistes, le 16 octobre. Avec l’arrivée de 2012, va s’engager, dès les premiers jours de l’année qui vient, une nouvelle étape, celle de la confrontation politique décisive qui, 4 mois plus tard, conduira à l’élection d’un nouveau Président de la République. Avant de couper quelques jours – pour dormir, lire, réfléchir, accumuler des forces – je veux revenir sur ce passage.

Nos primaires ont trouvé leur public, rencontré un succès imprévu – personne, en vérité, n’attendait trois millions de votants – leur vainqueur enfin : François Hollande, que j’ai soutenu

Quelle année politique incroyable, pour les socialistes, que 2011 ! Il y a un an, la candidature de Dominique Strauss-Kahn paraissait sinon imparable, du moins vraisemblable, nos primaires, encore dans les limbes, suscitaient le scepticisme, les challengers – à l’exception de François Hollande – n’étaient pas légion. Une étrange course de lenteur semblait s’être engagée, chacun jouant à « attendre le retour » du favori, avec agacement parfois, avec impatience souvent, avec stoïcisme aussi. On sait dans quelles circonstances ce scénario – dont la vraisemblance ne se vérifiera jamais – s’est fracassé. Nos primaires sont sorties du schéma possible de la confirmation, leur caractère décisif et indécis s’est affirmé, une véritable campagne s’est déroulée, avec ses protagonistes, divers et talentueux, avec ses thèmes – le nucléaire, la culture, l’éducation, la maîtrise des finances publiques, la mondialisation… – avec ses débats. Elles ont trouvé leur public, rencontré un succès imprévu – personne, en vérité, n’attendait trois millions de votants – leur vainqueur enfin : François Hollande, que j’ai soutenu. De surcroît elles ont débouché, instantanément, sur le rassemblement, qui nous avait manqué en 2006. Bref elles furent, de bout en bout, un succès, et nous ont alors placé dans un état de grâce puissant et précoce.

Depuis lors, après l’investiture, forte et réussie, de François Hollande, s’est ouverte une période plus complexe, plus délicate à gérer aussi, qui a pu ici et là susciter des interrogations, en tout cas des commentaires. Ce moment, à vrai dire, était plus que prévisible, logique. Il était en effet impossible de partir, 6 mois avant l’échéance, en campagne d’emblée, fleur au fusil, pied au plancher. Il fallait nécessairement en passer par une phase de parachèvement du rassemblement – les relations entre le candidat et le parti permettent aujourd’hui l’unité parfaite de la campagne – de constitution des équipes – dont j’ai été en partie responsable, en tant que directeur de campagne – de travail sur le fond – par exemple, 20 pôles thématiques sont aujourd’hui au travail, réunis par plusieurs centaines d’experts, pour alimenter le projet présidentiel. Reconnaissons aussi que ls circonstances ne furent pas des plus faciles. L’accord entre le Parti socialiste et EELV, s’il était nécessaire à la culture de coalition voulue à la fois par François Hollande et par Martine Aubry, n’est pas né dans la facilité – prétendre le contraire serait mentir. Le Président sortant, de son côté, a joué à outrance de son statut pour se camper, dans une période de crise, comme un capitaine mal aimé mais courageux et compétent, volant de G20 surplombé par le séisme politique grec en sommets de la dernière chance, pour finalement atterrir sur un projet de traité étroit et punitif, assorti d’une perte probable du « triple A » français.

La charge de la droite fut violente, odieuse, souvent vulgaire, à l’image de ses porteurs

Parallèlement, la droite s’est lancée, en meute, dans une entreprise brutale de discrédit politique de la gauche et personnel de François Hollande. Comme si nous étions, au fond, une force illégitime, accessoirement peu sensible à l’intérêt national et pourquoi pas anti-française, dirigée par des incapables, indignes de l’exercice du pouvoir, voire par des irresponsables. La charge fut violente, odieuse, souvent vulgaire, à l’image de ses porteurs – parmi lesquels Nadine Morano et, plus surprenant, Laurent Wauquiez, se sont disputés la palme de la virulence. Il s’agit là, sans doute, d’un simple apéritif, d’un vague avant-goût de la campagne que prépare une droite qui considère l’Etat comme sa propriété naturelle, et qui fera tout pour conserver son monopole. Le choc, destiné à impressionner, à blesser, fut toutefois rude. Cette attitude a son avantage – nous savons, au moins, ce que sera la stratégie, frontale, désespérée au besoin de la droite. Elle a aussi son revers – elle dégrade le débat public, elle l’abaisse et ce faisant l’attire sur le terrain du plus brutal. Nous voilà, en tout cas, prévenus : la campagne de 2012 ne sera pas une partie de plaisir, mais un combat de tranchées, sans retenue ni égards. La gauche socialiste devra, à l’occasion, forcer sa nature : sans tomber dans les travers de nos adversaires, sans patauger comme eux dans la boue, nous ne laisserons rien passer !

Malgré cette offensive, les fondamentaux politiques n’ont pas changé : le désir d’alternance reste dominant

Et pourtant, malgré ces circonstances plus difficiles, malgré cette offensive, les fondamentaux politiques n’ont pas changé : le désir d’alternance reste dominant. Les enquêtes d’opinion, certes, ne donnent plus des premiers tours rêvés – à 35 %, voire 39 % pour François Hollande : nous savions qu’un retour à des chiffres plus réalistes s’imposerait. Mais il demeure, quels que soient les instituts, nettement en tête, et écrase dans tous les sondages le président-candidat au second tour, par un écart de plus de dix points – le score moyen est de 57%/43 %. Rien, en fait, n’a bougé, l’ascension de Nicolas Sarkozy, complaisamment mise en scène par certains médias, est tout sauf irrésistible – son discours de Toulon, notamment, parce qu’il était anxiogène et sans souffle, a fait un flop retentissant. Cette stabilité est la marque d’une défiance persistante et profonde envers le chef de l’UMP : une majorité de Français, définitivement sans doute, n’en veut plus. Elle témoigne aussi d’une confiance forte faite à François Hollande, qui a su tenir bon sur ses convictions – il l’a signifié sur le nucléaire, sur le siège de la France, au Conseil de sécurité de l’ONU, sur l’Europe – et dont la solidité, comme l’empathie, rassurent et entrainent.

Une campagne réussie a ses rythmes : la machine est prête, le candidat a un cap, des idées claires, un rapport établi avec les Français, les choses vont naturellement s’accélérer

Chacun sait, pourtant, que l’attente est forte, et qu’il faut, dès la rentrée, passer à une autre phase, tout aussi sereine mais plus offensive, bref monter en puissance. Une campagne réussie a ses rythmes : la machine est prête, le candidat a un cap, des idées claires, un rapport établi avec les Français, les choses vont naturellement s’accélérer. Je ne veux pas ici dévoiler nos batteries : cela n’aurait pas de sens. Mais quelques évidences s’imposent. Nicolas Sarkozy, tout d’abord, a beau tenter une dernière manoeuvre d’illusionniste, prétendre qu’il a changé, qu’il est enfin devenu Chef d’Etat, afficher sa culture littéraire et sa sagesse nouvelles, peut-être même s’épancher et se repentir : il n’échappera pas à son bilan, fait d’une explosion de la dette et du chômage, d’une panne de la croissance, d’un échec cuisant sur la sécurité, d’une montée insupportable des injustices. Nous saurons le lui rappeler : la perte du « triple A », hier « trésor national », aujourd’hui simple apport technique dont la dérobade ne « serait pas un cataclysme », pour reprendre l’expression d’Alain Juppé, est à cet égard tout un symbole.

Nous mènerons aussi campagne sur nos thèmes, pour faire davantage encore lever un espoir, sans lequel il n’y a pas d’élection porteuse de sens et d’avenir. François Hollande, en vérité, a sa cohérence depuis longtemps. Il a adopté, très tôt, une attitude responsable : les comptes publics devront, par respect de nos engagements internationaux, pour élargir aussi nos marges de manoeuvre et promouvoir les services publics, être redressés. Mais cela se fera dans la justice, fiscale, sociale, territoriale. Et le redressement du pays, par la priorité donnée à l’éducation et à la jeunesse, par la volonté de transformer la donne énergétique, par l’engagement de réindustrialisation de la France, sera conduit avec force. Ses propositions, bien sûr, seront précisées et développées : l’élection présidentielle est, avant tout et surtout, une confrontation d’idées, de valeurs, de projets. En 2012, face à la révolution conservatrice du sarkozisme, ce sera le cas, plus que jamais. Enfin, une campagne victorieuse suppose une mobilisation de toutes les forces attachées au changement : il y aura, dans notre démarche, de la ferveur, de l’enthousiasme, de la proximité. Notre candidat ira donc vite, fort, constamment, à la rencontre des Français.

En 2011, j’ai écrit un livre dont le titre, « défaite interdite », reste pour moi – comme ses analyses d’ailleurs – valides : pour la France et pour les Français, pour la gauche elle-même, nous avons un devoir de victoire

Comme vous, j’attends que 2012 soit l’année du changement et de l’espoir retrouvé. J’y travaille avec confiance, avec sérénité, mais aussi avec vigilance – en demandant aux esprits chagrins, aux commentateurs anonymes et pessimistes, de se souvenir qu’une campagne est aussi une bataille psychologique, où la cohésion et la solidarité sont décisives et que, comme l’écrivait Jules César, « la discipline est la force principale des armées » –. En 2011, j’ai écrit un livre dont le titre, « défaite interdite », reste pour moi – comme ses analyses d’ailleurs – valides : pour la France et pour les Français, pour la gauche elle-même, nous avons un devoir de victoire. Après 10 ans de droite, dont 5 années de sarkozisme, 24 ans après la réélection de François Mitterrand, je souhaite ardemment que, le 6 mai, apparaisse sur nos écrans le visage d’un deuxième Président de la République socialiste, François Hollande. J’y consacre et y consacrerai toutes mes forces. En attendant de vous retrouver, je vous souhaite, ainsi qu’à vos familles, à ceux que vous aimez, à vos proches, de bonnes fêtes et une heureuse année 2012.


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