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La valse aux adieux de Milan KUNDERA

Par Lecturissime

La valse aux adieux de Milan KUNDERA

♥ ♥ ♥ " Si quelque chose m'a toujours profondément écœuré chez l'homme, c'est bien de voir comment sa cruauté, sa bassesse et son esprit borné parviennent à revêtir le masque du lyrisme."

La vie de pourrait se résumer en deux temps : auteur dissident en Tchécoslovaquie , il devient, en 1975, une figure importante de la vie littéraire française et internationale. Dissident, Kundera ne l'a pas toujours été : inscrit au Parti communiste, les premiers écrits de cet étudiant en littérature, en esthétique et en cinéma s'inscrivent dans une vison marxiste du monde. Pourtant, le et la poésie sensible d'ouvrages comme 'Le Dernier mai' ou ' Monologues ' ne tardent pas à l'éloigner du réalisme socialiste prôné par le . Ce n'est qu'à partir des années 1960 que sa critique se fait plus virulente : ' La Plaisanterie ' et ' Risibles amours' incarnent avec force le souffle de liberté qui s'exprime lors du printemps de , auquel il participe activement. Déchu de sa nationalité tchèque , la France lui réserve un accueil chaleureux et il devient enseignant à l' université de Rennes et à l' EHESS de Paris . C'est dans la langue de Molière qu'il signe ses plus grands succès dont son chef-d' oeuvre : 'L' Insoutenable légèreté de l'être', paru en 1984. Il y poursuit sa réflexion sur la parole, l'illusion et la condition humaine, ainsi que sur l'éternel retour nietzschéen. Cet ouvrage contient également sa définition du ' ', devenue une référence. Analyste de son propre travail, Milan Kundera signe plusieurs écrits théoriques comme ' L'Art du roman' , qui le place parmi les plus grands penseurs contemporains de la littérature. Le 24 mars 2011, l'auteur de 'L' Insoutenable légèreté de l'être' voit ses oeuvres complètes publiées dans la prestigieuse collection de . Il en est le seul écrivain vivant à faire son entrée dans La . Kundera canonisé côtoie désormais et , et Molière, Goethe et Conrad. (Source : Evene)

Dans une ville d'eaux au charme suranné, huit personnages s'étreignent au gré d'une valse qui va en s'accélérant : une infirmière ; un gynécologue fantaisiste ; un richard américain (à la fois saint et don ) ; un trompettiste célèbre ; un ancien détenu, victime des purges et sur le point de quitter son pays... Un ' songe d'une nuit d'été '. Un ' vaudeville noir '. Les questions les plus graves y sont posées avec une blasphématoire légèreté qui nous fait comprendre que le monde moderne nous a privés même du droit au tragique.

Cette valse nous entraîne dans un tel tourbillon que l'on ne peut que succomber au charme des destins des habitants de cette petite ville d'eau. Mais une fois l'ivresse passée, reste un faisceau de réflexions qui s'épanouit dans l'esprit du lecteur et instillent leur philosophie .

Si le thème de la tromperie est au cœur du roman, bien d'autres ramifications philosophiques s'offrent à nous.

Un nouveau regard porté sur elle illumine la belle Mme Klima aspirée tout à coup par la liberté : elle se demande si son mari n'est pas juste auréolé par la jalousie et non pas par l'amour :

" La jalousie possède l'étonnant pouvoir d'éclairer l'être unique d'intenses rayons et de maintenir les autres hommes dans une totale obscurité. "

Jakub cherche sa liberté dans l'apprivoisement de la mort, se promener avec un cachet de poison lui permet de maîtriser sa vie. Mais n'est-ce pas là encore qu'une illusion ? Ce petit cachet bleu va l'amener à s'interroger sur la vie et le mort, mais aussi sur le meurtre... La vie et la mort restent intrinsèquement liés.

De même que sont irrémédiablement liés les doubles thèmes de l'avortement et la fécondité.

" Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne pourrai jamais dire avec une totale conviction : l'homme est un être merveilleux et je veux le reproduire."

Faut-il mettre au monde un enfant dans un contexte politique plus que bancal. Ce contexte n'est guère développé, mais la menace sous-jacente reste bien présente. Derrière la futilité de certaines scènes ou de certains dialogues se cachent une tragédie en cours :

" Une blonde s'adapte inconsciemment à ses cheveux. Surtout si cette blonde est une brune qui se fait teindre en jaune. Elle veut être fidèle à sa couleur et se comporte comme un être fragile, une poupée frivole, une créature exclusivement préoccupée de son apparence, et cette créature exige de la tendresse et des services, de la galanterie et une pension alimentaire, elle est incapable de rien faire par elle-même, elle est toute délicatesse au-dehors et au-dedans toute grossièreté. Si les cheveux noirs devenaient une mode universelle, on vivrait nettement mieux en ce monde. Ce serait la réforme sociale la plus utile que l'on ait jamais accomplie. " (p. 56) " L'automne commence et les arbres se colorent de jaune, de rouge, de brun ; la petite ville d'eaux, dans son joli vallon, semble cernée par un incendie. Sous le péristyle, des femmes vont et viennent et s'inclinent vers les sources. Ce sont des femmes qui ne peuvent pas avoir d'enfants et elles espèrent trouver dans ces eaux thermales la fécondité.
Les hommes sont ici beaucoup moins nombreux parmi les curistes, mais on en voit pourtant, car il paraît que les eaux, outre leurs vertus gynécologiques, sont bonnes pour le coeur. Malgré tout, pour un curiste mâle, on en compte neuf de sexe féminin, et cela met en fureur la jeune célibataire qui travaille ici comme infirmière et s'occupe à la piscine de dames venues soigner leur stérilité ! C'est ici qu'est née Ruzena, elle y a son père et sa mère. Échappera-t-elle jamais à ce lieu, à cet atroce pullulement de femmes ? "

Du même auteur : L'insoutenable légèreté de l'être

La valse aux adieux , Milan Kundera, traduit du tchèque par François Kérel, Folio, juillet 1978, 363 p., 7.30, euros

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