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Les 500 signatures : coups tordus et petits arrangements

Publié le 31 décembre 2011 par Alex75

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Nous sommes à l’heure actuelle, en plein tour de chauffe présidentiel, en « début » de campagne électorale. Mais c’est aussi la période de la chasse aux signatures, à savoir ce parrainage indispensable pour être présent sur la ligne de départ. Alors Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP a été très clair, sur ce plan, ayant ainsi demandé aux élus du parti majoritaire, de n’apporter leurs parrainages, qu’au candidat de l’UMP et un certain nombre d’autres candidats connaissant ou en tout cas, disent qu’ils connaissent des difficultés : Christine Boutin, Nicolas Dupont-Aignan, Philippe Poutou ou encore Marine Le Pen.

En effet, c’est un rituel à chaque présidentielle, la chasse aux signatures. Même les verts s’y adonnent. Il y a les chasseurs d’élevage, PS et UMP, mais aussi Parti communiste, et l’on soupçonne le malin Mélenchon de s’être rapproché, acoquiné avec lui, au sein du Front de gauche, avant tout pour son excellent réseau d’élus locaux-ultime trace de sa gloire passée. Traditionnellement, le candidat du Front National souffre « mille morts » dans cette épreuve. Jusqu’au dernier jour, lors des échéances passées, Jean-Marie Le Pen n’était pas sûr de pouvoir se présenter. Il en avait été empêché en 1981. On le soupçonnait ces derniers temps, d’en rajouter un petit peu, dans la mise en scène médiatique de sa quête. Mais sa fille, elle aussi, a du mal. L’élu local est un oiseau rare au FN, et le petit maire apolitique et démocrate, une proie de plus en plus surveillée par les médias. Les grands partis et surtout par le président du conseil général de son département, qui pourrait lui supprimer les subventions, dont il avait justement besoin pour restaurer sa petite église ou sa salle polyvalente.

Jusqu’en 1958, le président de la République était élu par les députés et les sénateurs élus en congrès, par la constitution de la IVe République. Le parrainage des élus est le relicat de ce privilège du passé. Quand l’élection au suffrage universel fut instaurée en 1962, le nombre de parrainages était de cent, soit une formalité. En 1974, pour éviter la multiplication des candidatures fantaisistes, ce nombre fut porté à 500, dans le cadre de la constitution d’un corps arbitral. Et la formalité devint alors un stratagème. On soupçonne les Mitterrandiens d’avoir donné un coup de main au candidat du Front national, pour la campagne de 1988. On sait qu’en 2002, les Chiraquiens distribuèrent généreusement les parrainages au candidat d’extrême-gauche. Bien leur en prit, ils furent débarrassés de Lionel Jospin, avant le second tour. La même année, Charles Pasqua prétexta le manque de signatures pour renoncer à se présenter.

Pour 2012, les deux grands candidats ont tiré les leçons du passé. C’est verrouillage à tous les étages. Christine Boutin, Nicolas Dupont-Aignan à droite, sont privés d’oxygène. Villepin semblerait se déballonner, plus ou moins. A gauche, l’extrême-gauche tire sérieusement la langue. Il est vrai, ce procédé des 500 signatures est aussi une assurance démocratique, du moins en apparence. Car il convient de le remémorer, de le replacer dans son contexte historico-politique, le général de Gaulle avait, avant tout, imposé l’élection au suffrage universel, pour arracher la vie politique française à la domination des partis -« ce fameux régime des partis », qui faisait et fait toujours sa popote peu ragoûtante dans son coin, à l’origine de l’instabilité parlementaire sous la IVe République, dans un contexte d’après-guerre et de décolonisation-, pour établir un contact direct entre un homme et un peuple. Chassé par la porte, les partis sont ainsi rentrés par la fenêtre des parrainages. Et le système des primaires bientôt adopté par tous, donnera encore plus de poids politique et démocratique, aux grandes formations partisanes. Ce qui fait, que l’on pourrait en conclure, que le système n’est plus vraiment démocratique, mais plutôt oligarchique. Un candidat comme Hervé Morin, qui est évalué à 0,5 % par les sondages(!), pourrait aisément se présenter, alors que Marine Le Pen, crédité de 18 % des intentions de votes, pourrait en être écarté…

Des candidats originaux ou iconoclastes, comme l’écrivain Renaud Camus ou l’ex-patron du Cran, Patrick Closés sont éliminés d’avance. Certes, ce dispositif des 500 signatures est bien évidemment, une protection et un garde-fou, contre les candidatures les plus fantaisistes. Mais pour retrouver l’inspiration initiale du général de Gaulle, il faudrait supprimer les parrainages d’élus et les remplacer par ceux du peuple. Des millions d’électeurs, à la place de quelques centaines de notables. Mais qui osera.

  J. D.


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