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Internet aura-t-il une influence sur le résultat de la présidentielle ?

Publié le 06 janvier 2012 par Variae

Le débat vient de (re)partir dans la blogosphère politique : quelle influence du web sur le résultat du 6 mai ? Marronnier blogosphérique, qui recoupe une autre angoisse récurrente du blogueur, celle de ne servir, en fait, à rien. Marronnier peut-être, mais marronnier utile, puisqu’il contrebalance et interroge une autre tarte à la crème – celle, que l’on trouve pour le coup dans la bouche des professionnels du web, sur la toute-puissance politique d’Internet.

Internet aura-t-il une influence sur le résultat de la présidentielle ?

Le principal problème de cette question est qu’elle est mal formulée. Je ne sais pas ce que c’est que « Internet ». A la rigueur, je le savais en 2007. Mais aujourd’hui, quand – pour prendre quelques chiffres – les Français passent en moyenne près d’une heure par jour sur le web, ont passé la barre des 20 millions sur Facebook, et sont même 3 millions sur un réseau aussi pointu que Twitter, je ne sais plus. Ou plus exactement : je sais que la différence web / « monde réel » est de moins en moins pertinente. Parce que le premier est de moins en moins un compartiment à part, et de plus en plus une donnée structurante, du second. L’internaute, c’est moi, c’est vous, c’est (presque) tout le monde. Internet ne va donc pas avoir « une influence » sur la présidentielle : Internet va être le milieu ambiant, ou au minimum une partie du milieu ambiant, dans lequel va se construire la décision des Français. A partir de là, on peut voir que les questions posées sur l’efficacité du web politique ne sont que la déclinaison de problématiques générales de l’action militante. Quand mon confrère blogueur @jegoun s’interroge sur l’impact d’un billet de blog (qui le lit, qui en reparlera à ses proches?), je lui réponds que le militant qui diffuse un tract, ou colle une affiche, ou essaie de convaincre un ami de vive voix, se heurte en réalité aux mêmes interrogations. La question du support (octets contre papier) est donc beaucoup moins pertinente que celle du comment – comment convaincre, mobiliser, répercuter, etc.

Ceci étant posé, je vois deux travers et illusions dont il faut absolument se départir.

Premièrement, ce que j’appelle l’effet aquarium ou effet « Truman Show ». Qui consiste à confondre, par métonymie et réduction, « Internet » dans sa largeur et sa pluralité, et une partie d’Internet, par exemple la blogosphère ou les sites d’information. Je lisais récemment qu’un internaute sur deux vient sur Internet sans but précis, si ce n’est se détendre. Il faut être réaliste : il ne sera pas touché ou atteint par des argumentations politiques classiques ou des débats idéologiques internes et hyper pointus. Il est utile et important que le militant numérique quadrille le terrain du « web politique », mais il ne doit jamais oublier cet impératif : trouver les moyens de parler à son cousin ou collègue qui est bien sur Facebook, mais qui l’utilise pour diffuser ses photos de soirée ou garder le contact avec sa famille. Sans jamais évoquer Hollande ou Sarkozy. Pour dire les choses simplement, Truman doit sortir de son décor de cinéma, et parler au vaste monde extérieur … sur le web.

Deuxièmement, l’effet entonnoir. Qui consiste, pour un responsable politique, à se laisser entraîner sur des formes de communication, et des segments du web, de plus en plus pointus, mais de plus en plus réduits en termes d’audience et de représentation de la société. Il est grisant et finalement pas si compliqué de cartonner sur Twitter ou Tumblr : on travaille sur un bassin de population suffisamment réduit pour être appréhendable, et on récolte les encouragements et les louanges des geeks et autres technophiles enthousiastes. C’est très bien, et l’expérience montre qu’une polémique sur Twitter peut avoir des répercussions jusque dans la presse nationale. Oui mais … le principal outil de communication des « gens » reste bien le mail. Et pour beaucoup également, « viralité » ne rime pas avec des applications web extrêmement élaborées, mais avec de bonnes vielles chaînes de mails qui se répercutent d’internautes en internautes … En ce domaine, le mieux peut être l’ennemi du bien. Et il faut faire systématiquement attention à tenir les deux bouts de la chaîne, à contenter à la fois le Twitter-addict très exigeant en matière d’innovation web, et l’internaute épisodique qui vient seulement de s’inscrire sur Facebook.

L’enjeu est finalement simple : passer du « web politique », à une conception politique du web.

Romain Pigenel


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