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Barnes&Noble;, dans la tourmente, veut offrir un avenir au Nook

Par Ebouquin

La conjoncture n’est pas bonne pour Barnes&Noble. Le libraire américain historique vient de publier, une fois de plus, des résultats en deça des prévisions de l’entreprise. Dans la foulée, l’action de l’entreprise s’effondrait de 20% pour s’établir difficilement autour de 12$. Malmenée sur les marchés depuis plusieurs mois et avec un modèle en difficulté depuis des années, cette annonce semble avoir fait perdre le reste de confiance de ses actionnaires dans l’entreprise..

Pourtant, Barnes&Noble va “bien”. Le Nook rencontre un succès inespéré et la librairie a annoncé des ventes records, portées par la nouvelle Nook Tablet et le Nook Color. Grâce à cette division numérique performante, Barnes&Noble est le seul acteur qui tient tête à Amazon aux Etats-Unis. Mais face à cette situation, le PDG de Barnes&Noble, William J. Lynch, s’apprête à tenter la manoeuvre de la dernière chance : sauver la division Nook l’écartant de Barnes&Noble pour lui permettre de trouver les financements nécessaires à son développement, que Barnes&Noble ne peut plus lui donner.

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Barnes&Noble reprend des couleurs dans le physique, mais le numérique coûte cher

Crédits : Engadget

Même si les bénéfices ne sont pas au rendez-vous pour l’entreprise, Barnes&Noble continue de voir ses chiffres de vente augmenter. La librairie en difficulté (sur le livre papier) devient  profitable grâce à une diversification (vente de journaux, ouvertures de cafés dans les boutiques etc.). B&N a beaucoup travaillé pour améliorer ses boutiques (700 boutiques à travers les Etats-Unis) et les bénéfices continuent de croître.

Barnes&Noble profite de la disparition de ses concurrents dans la distribution de produits culturels (Borders) notamment en rachetant des espaces de vente de choix, laissés vacants.B&N est un affaire qui se rétablit progressivement, après plusieurs années d’une situation plus qu’inquiétante. Mais alors, pourquoi les médias  dressent-ils un tableau si catastrophique ?

Sur le plan comptable, la situation est moins enviable. L’investissement dans la division Nook est colossal et se compte en centaines de millions de dollars. D’après son PDG, B&N entre 200 et 250 millions de dollars par an dans l’écosystème Nook. Cet investissement permet à la division Nook de croître de 70% par an et de 113% pour ce qui est de la vente en ligne de contenus numériques (livres mais aussi applications).

Pourtant, les estimations tablaient sur des ventes atteignant un volume de 1,8 milliards de dollar pour le trimestre alors qu’elle n’étaient que de 1,5 milliards (-17%). B&N explique cette différence par une surestimation des ventes du Nook Simple Touch lors des prévisions du trimestre précédent. Non pas que le produit se soit mal vendu, mais le libraire américain avait simplement surestimé ces chiffres (la concurrence avec d’autres readers peut aussi expliquer cette déconvenue). Même si les produits Nook se vendent par millions et que cela correspond à autant de clients pour son écosystème numérique, la rentabilité n’est pas là, un élément très gênant pour une entreprise comme B&N, aux actionnaires très exigeants.

L’objectif : permettre au Nook de s’émanciper et calmer l’actionnariat

Une chose est sûre, Barnes&Noble aura réussi son coup en annonçant vouloir se séparer de sa division numérique. Tout la presse a fait l’éloge de ces produits quant à leur qualité et porteur de renouveau pour la librairie. Certains y voyaient déjà un rachat du Nook par Google (cf. article sur Forbes). L’emballement médiatique a aussi dramatisé la situation (cf. The Washington Post). En effet, William Lynch a précisé, tout au long de sa tournée médiatique, que B&N est encore au stade de l’exploration et qu’aucun planning de cession n’est fixé et aucun repreneur potentiel n’a été contacté.

On peut trouver plusieurs raisons derrière cette décision de faire un spin-off du business Nook.

Tout d’abord, envoyer un signal positif aux actionnaires du groupe. Barnes&Noble pourrait tout à fait continuer à investir dans la division Nook (notamment grâce à ses capacités d’emprunts d’un milliard de dollars) mais ses dirigeants ne souhaitent pas alarmer les marchés. Si le numérique (y compris la vente en ligne sur Barnesandnoble.com) est l’avenir de l’entreprise, ce secteur d’activité n’est toujours pas rentable depuis sa création. Ainsi, les actionnaires craignent que ces investissements se fassent à vide… Ainsi, une spin-off permettrait de faire entrer de l’argent frais, rémunérer l’actionnariat et se décharger d’une partie des coûts de développement de l’écosystème Nook.

D’un certain point de vue, l’écosystème Nook n’est pas apprécié à sa juste valeur en étant rattaché à Barnes&Noble. Pour son patron, la division Nook est sous-évaluée en raison de son lien avec le libraire. Certes il s’agit pourtant du reader de B&N mais aussi distribué ailleurs que dans ses librairies (notamment chez Best Buy, Walmart, Target etc.) et cet écosystème prend progressivement ses distances par rapport à son créateur.

Crédits : CNBC

Aujourd’hui, l’écosystème Nook représenterait 13% du marché des ereaders (étude I.H.S iSuppli publié par le New York Times), se plaçant à la deuxième place sur le marché américain, loin derrière Amazon (67%). L’exploit du Nook est remarquable puisque tout les autres acteurs se partagent les miettes (les 20% de part de marché restantes). De plus, B&N peut capitaliser sur une gamme de tablettes lowcost solides, le Nook Color et la Nook Tablet. Toujours d’après cette étude, Barnes&Noble aurait vendu 2 millions de tablettes au 4ème trimestre contre 5 millions pour Amazon. Pas mal pour entreprise qui fait un chiffre d’affaire quatre fois plus petit qu’Amazon…

Même si Barnes&Noble compte se séparer de sa division Nook, les interactions entre les boutiques physiques et tout les aspects de l’écosystème de lecture perdureront. On perçoit donc l’ampleur du travail, celui de réaliser une scission sur mesure, âprement négociée avec tout nouveau partenaire. William Lynch ne souhaite pas perdre le Nook, qui restera l’écosystème de lecture numérique utilisé par Barnes&Noble, mais veut lui permettre de décoller dans les meilleures conditions.

Parmi les prochains objectifs, le lancement de l’écosystème Nook à l’international (à commencer par le Royaume-Uni puis le reste de l’Europe) est sûrement le plus important. Depuis plus d’un an, Barnes&Noble s’intéresse sérieusement à l’Europe, et le lancement du Kindle à l’international n’a fait qu’augmenter l’envie du libraire d’aller croiser le fer avec son concurrent sur d’autres marchés. Un cabinet de recrutement prestigieux avait d’ailleurs été mandaté pour rechercher une éventuelle équipe dirigeante pour Barnes&Noble Europe.

Un tel déploiement nécessite des ressources importantes et le Nook ne pourra s’implanter dans nos contrées qu’au prix d’une campagne de communication de première importance (ou un partenariat stratégique). Si Barnes&Noble est connu des clients américains, la marque ne l’est pas pour la plupart des européens. Exporter l’écosystème Nook sera une entreprise coûteuse (mais très bénéfique pour la concurrence en Europe) qu’une spin-off pourrait permettre.

Kobo vs. Nook : des similitudes

Barnes&Noble reproduit ici un schéma réalisé il y a quelques mois par Indigo Books avec la vente de… Kobo (cf. notre précédente analyse). Le distributeur canadien Indigo ne pouvait plus fournir à Kobo les ressources suffisantes pour son déploiement et a donc cédé l’entreprise à Rakuten, leader asiatique du commerce en ligne, et son compte bancaire bien fourni. Indigo continue d’utiliser Kobo comme plateforme de lecture numérique, mais elle n’a plus d’action dans la société. D’ailleurs, à l’occasion de cette vente, Indigo avait réalisé un plus value de plusieurs dizaines de millions de dollars, tout en permettant à Kobo de poursuivre son développement et de jouer dans la cour des grands.

B&N pourrait aussi sortir gagnant de cette spin-off : en créant un nouvelle entité mais tout en restant actionnaire, B&N conservera son partenariat privilégié et son rôle d’initiateur, et favorisera de nouveaux partenaires apportant des ressources financières et des nouvelles compétences. En revanche, impossible de dire quel entreprise B&N a dans son viseur, ni quelles sociétés pourraient être intéressées par l’écosystème Kobo. Mais une chose est sûre : l’univers Nook pourra conserver sa place de numéro 2, se lancer sur de nouveaux marchés et cela, pour le plus grand plaisir des utilisateurs de cette plateforme de lecture.


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