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Meetic selon les statistiques

Publié le 09 janvier 2012 par 40centimes @jocelyn_tu

Le 2 janvier apparaissait sur la twittosphère la nouvelle campagne Meetic, menée par DDB après compétition et changement d’agence. Une campagne préfigurant la nouvelle plateforme de communication du site de rencontre.

Pour tenter de me rapprocher le plus possible de l’objectivité je me suis imposé des contraintes de rédactions afin de structurer ma pensée et d’en délivrer une analyse claire à chaque étape. J’espère ainsi éviter le qualificatif du “mauvais joueur” ou du troll. Pardonnez, par avance, la longueur du post.

Le contexte.
Meetic (86% de notoriété spontanée) est le leader incontestable du marché de la rencontre en ligne. Installé depuis maintenant un peu plus de 10 ans, il est presque devenu un nom commun à l’instar d’un Kleenex. Il n’est pas rare de dire “tu as rencontré ton mec sur Meetic” plutôt que “tu as rencontré ton mec sur un site de rencontre ?”.
Meetic, c’est  un acteur qui a changé les mentalités, qui a fait évoluer une époque. Pas tout seul hein, entendons-nous, mais tout de même. Comme le disait si bien son spot “Les règles ont changé” (ce spot est à voir absolument),  Meetic est le symbole des rencontres décomplexées, ouvertes et libres. C’est la marque d’une nouvelle génération, de nouveaux mœurs.
Et contrairement à ce que pourrait laisser croire le nouveau spot de DDB, le premier vecteur de rencontre aujourd’hui… ce sont les sites de rencontre. Devant le travail, les amis etc…
En 2010, 20% des français disent être ou avoir été sur un site de rencontre (source). 18% des célibataires français sont sur un site de rencontre (sous entendu, sont actifs). Un marché immense qui ne cesse de croitre (voir p51)
La rencontre en ligne se segmente en deux grandes catégories : le dating, positionné sur la rencontre libre et le matching qui se positionne sur la rencontre par affinités.
Et Meetic, présent sur les deux, est attaqué de partout. Par la concurrence directe, notamment Edarling, mais aussi par la concurrence niche avec les rencontres communautaires (par religion, opinions politiques etc..).

Problématique.
Comment, en position de leader, peut-on redonner un souffle à une marque qui s’est institutionnalisée et qui ne séduit plus la jeune génération car son image est devenue trop générique et impersonnelle ?

Objectifs.
Meetic est devenu la norme. Ses atouts son sa force de frappe (nombre d’inscrits) et la (relative) sécurité de ses comptes (vérification des comptes).
Mais l’image immatérielle, la part de rêve nécessaire à une telle activité s’est effritée. Meetic n’inspire plus. Il apparait comme un recours. Cet acteur qui était l’emblème d’une génération fier de son pouvoir de séduction, devient, petit à petit, un recours classique et peu enviable. Lui qui a démocratisé la rencontre sur internet, n’est plus cool. Un comble mais un passage obligatoire lorsqu’on est leader.

L’objectif de Meetic est donc de réaffirmer sa vision et sa mission sur un marché encombré et compétitif. La marque veut redevenir un emblème positif de son époque.


La concurrence en face, elle propose quoi ?
Pendant longtemps, on a eu le droit à des pubs ridicules et mal doublées qui nous promettaient un amour magnifique et le coup de foudre assuré.


Mais depuis, Edarling se fait plus qualitatif et commence à venir marcher sur le territoire de Meetic. On reste dans le testimonial et c’est toujours bien niais, mais le témoignage se fait plus sincère et (très) légèrement moins idolâtré.

L’ancien positionnement de Meetic.
La principale erreur que j’ai vu sur certains blogs, c’est la comparaison du nouveau spot avec les anciennes pubs Meetic Affinity. Il est important de le comparer avec les campagnes Meetic et non Meetic affinity qui ne répondent pas aux mêmes cibles et problématiques.
Pour rappel :

 Il faut alors se poser les bonnes questions. Quels sont les leviers de motivation ? Pourquoi, Sabrina, 28 ans, célibataire s’inscrit-elle sur Meetic ? Et pourquoi Monique, 41 ans, séparée y va aussi ?
C’est ici que la marque doit faire un choix. Que cherche les abonné(e)s Meetic ?
Pour Edarling et la majorité de ses concurrents, ils cherchent l’amour. Et souvent celui qu’on nomme le vrai (supposant qu’il y ai des faux).
Pour Meetic, jusqu’ici, on cherchait la rencontre. Tout est dans la signature : “397 belles histoires par jour”. Meetic n’était pas sur l’amour. Finis l’opposition “casé(e)” / célibataire. Plus de jugement, pas de morale. Être célibataire n’est pas nécessairement être seul(e).

Meetic selon les statistiques

Si l’agence avait été TBWA, le pitch aurait été ainsi :
La convention, c’est la promesse de l’amour.
La disruption, c’est la promesse d’une belle rencontre.
La vision : Le bonheur, ce sont les jolies rencontres. Histoire d’un soir, d’une semaine ou de toujours, Meetic s’en moque, il vous promet simplement que les rencontres soient belles. (en jouant sur l’ambiguïté du mot histoire)
Bien que le spot, en cherchant à casser gentiment les codes de la 1ère rencontre, n’illumine pas le paysage publicitaire par son génie, il faut lui reconnaitre un positionnement intéressant. Il est en phase avec son époque. Une époque où le divorce est croissant, les familles recomposées aussi et le nombre de partenaires amoureux en constante augmentation.
Allez, soyons un peu sincère, quand vous venez sur Meetic, vous venez voir la marchandise. L’amour, on verra si ça vient. Vous l’espérez, bien sur, mais après tout, si la rencontre est déjà satisfaisante à d’autres niveaux, c’est déjà ça de pris. Faut rentabiliser l’abonnement quand même.

La nouvelle copy, version Maiwenn.

L’idée est assez simple. La rencontre est traitée en creux.
On ne montre ni le site, ni la rencontre, ni la potentielle relation. Abstraction total de faits (ou de preuves) pour revenir à l’essence de la marque et de sa vision. Très habile dans l’idée.
Car affirmer sa vision, c’est balayer en quelques phrases sur les statistiques l’ensemble des autres moyens ou autres sites de rencontre qui ne partagent pas cette vision.
Un anti conformisme qui tente d’installer à nouveau Meetic comme un choix, plutôt qu’un non choix, par défaut.

L’idée de base me plaît. Mais dans les faits, comment s’exprime-t-elle cette publicité ?

La forme.
Un testimonial… Je ne comprends pas ce choix ! Alors que Meetic est leader des rencontres en ligne, que l’ensemble de ses prises de paroles sont bien codées (et donc identifiées) et que tous les concurrents font du testimonial (Edarling en tête), Meetic opte pour un témoignage ? Peut-on réellement se démarquer de ses challengers en empruntant les mêmes codes ? Meetic qui avait mis des années à bannir ce format, trop moralisateur et féérique pour une génération libérée, s’en va à nouveau dans le “moi je cherche l’amour véritable !”.

Le fond.
Lorsque l’on fait bien attention au spot, on se rend compte que la marque a reculé dans ses choix stratégiques. Pire, elle n’a pas su faire de choix. Parle-t-elle d’amour ou de rencontre ? Elle parle des deux. Pourtant, ce n’est pas la même chose. On ne vient pas sur un site de la même manière lorsque l’on recherche des rencontres et lorsque l’on recherche l’amour… Là où la disruption était parfaite (oui la femme moderne cherche elle aussi, de simples rencontres), la marque revient aux poncifs du secteur. Pire, de l’amour incroyable. En faisant ce non choix, Meetic laisse le champs libre à un concurrent d’instaurer un discours jeune et impertinent qui correspondrait mieux à une génération pleine de paradoxes assumés. Pour caricaturer, la jeune femme a été élevée suite à 68 et 69 et la femme de plus de 40 ans a assez d’expérience pour assumer ses choix.
“Je recherche l’amour, mais pas question de l’attendre naïvement sans profiter de la vie.”
En d’autres termes, c’est Walt Disney vs Marc Dorcel dans votre tête. (Pas sûr qu’elle passe celle-là !)


“Voyez plus grand pour vos rencontres”.
Cela se base sur l’idée que nous aspirons à l’exception, que nous avons en horreur la norme et que, à la différence des autres, le célibataire qui s’inscrit sur Meetic est à la recherche d’une aventure amoureuse extra-ordinaire au sens propre du terme. Soit.
Je conçois que ce soit une idée partiellement vraie. Mais encore faudrait-il que le produit réponde à cette attente. Ne nous mentons pas, Meetic ne vous donne pas ces rencontres “d’ailleurs”. Meetic fait une promesse trop marketée pour une cible loin d’être naïve. En quand bien même l’amour serait l’unique but de l’inscription sur Meetic, peu d’internautes croiraient à cet amour véritable, venu d’ailleurs. Le Club Med (et ses animateurs…) serait presque plus crédible…

La CR.
Reprenons un peu le texte…
“Si on faisait un film de ma vie, personne n’irait le voir ?”
‘Parce que moi je pense, que l’amour, le vrai, il n’en a rien à faire des statistiques”
“Moi je pense que les belles rencontres se font partout, mais surtout ailleurs”

Le script appuie le constat sur le fond. Dans un spot de 47 secondes dont 15 sont consacrées à l’énumération de statistiques et 5 au packshot, près de 20 secondes sont utilisées pour de grandes déclarations sur-vendeuses (overpromise dans la pub) et empreintes d’un conte de fée.

La DA.
Je me pose une question sincère. Est-il possible de combattre les clichés en les illustrant les uns après les autres ? Je crois que oui, lorsqu’on les tourne en dérision. La même agence avait d’ailleurs très bien réussi, il y a quelques années avec GQ.


BILLY IDOL - Eyes without a face (pub GQ) par chrysalis


Malheureusement, ici, le spot ne fait que les montrer, sans aspérité, sans humour, voir sans relief. L’énumération colle au texte.
Ajouter à cela une voix lente, peu enjouée et ça vous donne un spot qui n’inspire pas la joie de vivre.

Conclusion.
En voulant ré affirmer sa vision de la rencontre par la rupture des statistiques, Meetic m’a laissé entrevoir un spot grandiose. Complètement déclaratifs, loin du discours de preuves, Meetic aurait pu s’éloigner de la norme et montrer à tout un secteur que proclamer une vision, c’est inspirer toute une génération. Qu’au-delà du choix rationnel, les célibataires se tourneront vers un site qui les inspire et dont ils pourront se sentir fier d’annoncer la nature lors de la traditionnelle question familiale : “Alors, vous vous êtes rencontrés où ?”
Le combat contre le préjugé, la proclamation de la rencontre étaient de belles idées pour redonner le souffle tant attendu par et pour la marque.
Malheureusement, c’est le conditionnel qui l’emporte dans cette campagne.
La marque s’est perdue dans ses choix stratégiques ne sachant pas statuer sur la promotion de la rencontre ou de l’amour. En s’enfermant dans un témoignage, bien qu’emprunt de beaucoup de réalisme et de proximité, elle s’est alignée sur la norme du secteur. Avec un spot lent, à l’énumération du préjugé plutôt qu’a l’inspiration de la vision, Meetic se prive de la carte créative pour faire rêver. Il reste encré dans un quotidien terne dont il voulait libéré l’individu par quelques phrases poussiéreuses.
À l’image du rôle de Maïwenn dans ses propres films, le spot Meetic est admirablement réaliste mais pèche dans le témoignage en décalage avec l’histoire que l’on aimerait entendre. À un moment, il faut choisir : si je montre des banalités, je ne dois pas en dire, et si je les dis, je ne dois pas les montrer.

Ex : La campagne Gatorade innove par un positionnement marquant et disruptif tout en l’illustrant par des images banales.

Une volonté qui fait flop, même si je tiens à le rappeler, comme à chaque fois que j’émets une critique, qu’il ne s’agit nullement de nier l’énorme travail qui a été réalisé.
Ce jugement n’engage que moi. Et malgré ces critiques, la campagne n’est à mes yeux pas un échec, simplement une déception vis à vis de l’attente de départ.

_ _ _

PS : Dans un soucis de transparence, je tiens à vous dire que mon regard est loin d’être objectif ayant travaillé dans l’une des agences qui a participé à la compétition durant cette période. J’ai très longuement hésité avant de faire cet article. Ne faisant plus partie de l’agence et ce blog étant strictement personnel, cet article n’est en rien intéressé. Il est intervenu suite à plusieurs lectures élogieuses sur la campagne. Des arguments que je respecte entièrement mais auxquels j’ai simplement souhaité répondre. Encore une fois, cette critique ne remet pas en question la qualité de l’agence, DDB, ou de la marque Meetic.

Via : Langue de Pub et Intraitable planneur.


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