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J.Edgar (2012) de Clint Eastwood

Publié le 12 janvier 2012 par Flow

J.Edgar. (réalisé par Clint Eastwood)

Clint II, le retour.

 

 

Je croyais Clint Eastwood définitivement perdu après le dispensable Invictus et le mauvais Au-delà. Pourtant, avec son nouveau film, le papy du cinéma prouve qu'il a encore de beaux restes.

 

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Biopic sur la vie de J.Edgar Hoover, illustre directeur du FBI, de 1924 à 1972 soit 48 longues années, le film s'attache à montrer la vie privée de l'homme au travers de quelques affaires publiques.

Technique parfaite.

Eastwood est un technicien hors pair. Il manie sa caméra comme on manie une voiture de course: avec classe et dextérité. Toujours là où il faut pour épouser la psychologie de son personnage, il nous permet de réellement pénétrer sa psyché torturée. De plus, le filtre bleu-gris affublé aux deux époques (années 20/30 et 60) donne une impression de faux noir et blanc rappelant que le film décrit des évènements passés mais ancrés dans un temps immuable, inamovible. Comme la personnalité de Hoover.

L'interprétation parfaite d'un DiCaprio au top (et méconnaissable en vieux roc qui s'effondre) ne fait que confirmer la qualité d'un film de premier choix.

Le voyage intérieur.

Je n'aime pas les biopic. Ce genre qui a le vent en poupe ces dernières années répète constamment le même schéma et les mêmes conclusions vouées aux mêmes interprétations de grandeur/décadence. Comme si les grandes personnalités de ce monde étaient aussi lisses que la peau d'un bébé. Le portrait dressé par Eastwood de cette figure américaine est autrement plus subtil. Il offre là un des plus remarquables personnage de fiction de ces dernières années (la véracité de son Hoover étant portée à interprétation).

D'une psychologie sommairement dégrossie -l'homme est déterminé, maniaque du rangement et mauvais dragueur- Eastwood pendant deux heures va procéder à sa création en images. Le postulat du réalisateur est risqué tant l'immersion dans le film s'en voit fortement compliquée. La superposition des deux époques dans un va et vient constant et presque invisible (cf le paragraphe précédent sur l'absence de différences visuelles entre les époques) donne le tournis. L'homme est animé d'une foi inébranlable en son pays, en son combat contre le crime en la création du FBI cette force incorruptible et droite qui ne rend des comtes à personne. Il se crée un mur d'apparences (le poids des agents du Bureau) renforcé par l'absence de fiabilité de sa mémoire. Ses souvenirs (qu'il dicte) sont le moteur de l'action mais ils sont faussés par sa perception. Le personnage vit dans une forteresse immaculée (représentation de son esprit) où personne n'est invité à entrer mis à part son bras droit (et amant?) Clyde Tolson et sa secrétaire à diverses reprises.

Bien évidemment, nous sommes (avec une grande pudeur) également invités à pénétrer son esprit. Et à mesure que le film passe, sa carapace se fissure et laisse apparaître ses fêlures. Tout d'abord, cette mère castratrice à l'origine de sa sexualité troublée (travestissement, rapports avec les femmes) puis cet amour refoulé pour son compagnon, ou encore sa droiture qui cache une corruption à peine déguisée (il fait chanter les présidents pour rester au pouvoir) et enfin cette impossibilité d'évoluer (paranoïa, racisme, peur du communisme à l'aube des changements des années 70).

Eastwood s'efforce et parvient à construire une psychologie dense et plurielle pour son personnage avec une application rare.

Interprétations.

Il m'est venu deux idées d'interprétations au cours de la projection. Je les partage avec vous mais elles ne sont pas prouvées, c'est juste mon cerveau qui vagabonde. Dans la dernière scène de repas entre les deux hommes, Hoover m'a fait penser à Eastwood. Son ami se rend compte qu'il est dépassé par la nouvelle génération et ce dernier s'énerve en observant la vieillesse de son compagnon. Lui qui refuse que le temps l'emporte sur sa personne. Alors qu'il est temps de se retirer, il continue coûte que coûte. C'est touchant et ça permet de poursuivre la thématique de Million Dollar Baby et de Gran Torino. La fin et la transmission.

A d'autres moments, je voyais Hoover comme une représentation des USA. Attachés à des valeurs dépassées et à des représentations du monde obsolètes. Condamnés à vivre de manière immuable à l'heure où le monde se transforme.

Un film riche, présentant un des meilleurs personnages de ces dernières années, pour un résultat à la hauteur des ambitions du réalisateur. A n'en pas douter, le retour gagnant de Eastwood après deux opus mineurs. Lancez-vous sans hésiter.

Note:

Pastèque de premier choix


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