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Multidomesticité

Publié le 12 janvier 2012 par Toulouseweb
MultidomesticitéEADS réaffirme ses grandes ambitions américaines.
C’est un curieux néologisme dont l’inspirateur fut Denis Ranque lorsqu’il était PDG de Thales. Il expliquait à qui voulait l’entendre, médias en tête, que son groupe affichait des qualités «multidomestiques», peut-être inspirées de la stratégie de BAE Systems. Traduction : Thales n’était pas uniquement une grande entreprise française, elle se voulait anglaise outre-Manche, américaine aux Etats-Unis, etc. Mais certainement pas apatride, malgré la tentation des observateurs de renvoyer la balle dans son camp.
Avec davantage de diplomatie (on reconnaît là le savoir-faire de Louis Gallois), EADS suit la même voie. Et elle vient de le rappeler à l’occasion des commentaires qui accompagnent la promotion de Sean O’Keefe au poste de président d’EADS North America (il en était précédemment directeur général). Cette «grande pointure» a déjà beaucoup apporté au groupe aérospatial et de Défense européen, après une première partie de carrière au cours de laquelle il a notamment dirigé la NASA, a été secrétaire d’Etat chargé de la Navy, directeur adjoint de l’Office of Management and Budget, etc.
Il est non seulement reconnu par ses pairs mais, alors qu’on pourrait croire que des critiques discrètes sont formulées à Washington en marge de son engagement européen, il a récemment été appelé à la présidence de l’influente National Defense Industries Association. Et c’est là un point remarquable dans la mesure où cette nomination signifie implicitement qu’EADS North America est reconnue en tant qu’entreprise «américaine». Les guillemets ne sont peut-être pas justifiés.
EADS North America injecte chaque année 11 milliards de dollars dans l’économie américaine en même temps qu’elle y emploie, directement ou autrement, un nombre imposant d’emploi. Dans le contexte, la société apparaît résolument transatlantique. Denis Ranque irait plus loin et affirmerait qu’aux Etats-Unis, elle est américaine. Et n’est pas rancunière : en l’absence de tout patriotisme économique (ce qui est devenu impossible), elle aurait vendu son ravitailleur en vol au Pentagone, après l’avoir totalement américanisé (il l’était d’entrée à plus de 50%, il aura été assemblé en Alabama).
En fait, la difficulté psychologique dont souffre EADS outre-Atlantique est sa qualité de seul propriétaire d’Airbus, ennemi mortel de Boeing. On l’a constaté, une fois de plus, précisément à l’occasion de l’affrontement très violent, très politisé, qu’avait provoqué le dossier des ravitailleurs. De plus, EADS a beau être véritablement européenne, quadrinationale, avec, en prime, un siège social aux Pays-Bas, son image est involontairement trop française. C’est un défaut incurable, la perception qu’en a l’Amérique profonde étant tout à la fois négative et, vue d’ici, aux frontières du ridicule. L’actualité le rappelle ces jours-ci : le candidat républicain le mieux placé dans les primaires présidentielles, en préparation de la campagne électorale qui va démarrer, efface soigneusement de son C.V. un séjour d’un an et demi en France. Il est francophone mais le cache comme une maladie honteuse.
Reste le fait qu’EADS, au même titre que Thales et d’autres, a besoin de trouver des débouchés au-delà des limites du Vieux Continent. Côté avions commerciaux, c’est fait. En revanche, c’est difficile en matière de productions militaires, surtout en ces temps de disette budgétaire.
La forte équipe que dirige Sean O’Keefe entrevoit néanmoins des perspectives prometteuses, par exemple grâce à la brillante gamme de produits militaires d’Eurocopter ou encore l’espoir, à long terme, de placer l’A400M au sein de l’USAF. L’année dernière, à Paris, évoquant l’affaire des ravitailleurs, Sean O’Keefe avait tenu des propos très remarqués. A savoir que l’affrontement sur le marché du KC-X, bien que remporté par Boeing, avait permis de fermement positionner EADS aux Etats-Unis, en avait prouvé la capacité à s’y installer sans restriction.
Bien que son style s’inscrive dans un tout autre registre, on ne peut s’empêcher de procéder au rapprochement avec une autre tête d’affiche du groupe, John Leahy, «vedette» d’Airbus, lui aussi citoyen américain devenu citoyen du monde. Tous deux sont planétaires à l’image d’un groupe industriel qui ignore résolument les frontières.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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