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Mémoire d'un saccage : souvenons-nous pour mieux nous y préparer.

Par Vindex @BloggActualite
Mémoire d'un saccage : souvenons-nous pour mieux nous y préparer.-Le drapeau Argentin-

Actuellement, et certains de nos précédents articles vous en informent, le monde traverse une crise économique, financière et monétaire d'une extrême gravité, génératrice d'une grande instabilité.

Je vous propose le visionnage d'un reportage très intéressant qui dépeint relativement bien les errements économiques qu'a pu connaître l'Argentine jusqu'en 2002 dans un documentaire intitulé : « Mémoire d'un saccage » (réalisé par Pino Solanas en 2003).

Comment Dette Publique, corruption, et politiques de rigueur ont enfoncé l'Argentine dans une situation si grave ? Comment l'Argentine s'en sort-elle actuellement ? Ces évènements peuvent-ils se répéter dans d'autres pays ?

Les vidéos en question

Mémoire d'un saccage : 1/8

Mémoire d'un saccage : 2/8

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Résumé

La République Argentine est un pays d'Amérique du Sud ayant connu son indépendance vis-à-vis de l'Espagne en 1816, et dont la langue nationale est l'Espagnol, la monnaie nationale le Peso et la capitale Buenos-Aires

Ce reportage nous explique que, tout comme actuellement, l'une des causes de la crise économique réside dans l'accroissement de la dette souveraine, contractée en Argentine dès 1824 auprès d'une banque commerciale britannique.

Le problème s'aggrave avec la dictature militaire de Jorge Videla de 1976 à 1983, qui creuse cette dette (à un montant total de 45 milliards de dollars) à des taux usuriers, et accepte même de reprendre à son compte la dette de grandes entreprises privées (à hauteur de 23 milliards de dollars, constituant ainsi plus de la moitié des dettes dues alors par l'État Argentin).

D'une manière tout à fait illégitime donc, le public prend en charge une dette privée : de cette façon, les dettes contractées par des banques filiales à l'encontre des particuliers argentins étaient prises en charge par l'État, alors que la jurisprudence des tribunaux argentins de l'époque estimait que ce rôle appartenait aux sociétés mères.

Il en est de même encore actuellement en France, puisque l'État est garant en dernier ressort, à hauteur de 100 000€ par compte-courant, des dettes contractées par les établissements bancaires à l'encontre de tout un chacun (puisqu'au fond, lorsque vous ouvrez un compte en banque, celle-ci vous doit l'argent qui y figure, bien que celui-ci soit virtuel : ce n'est qu'une promesse d'argent).

La suite de l'histoire de cette dette n'a été qu'un accroissement continu de celle-ci, puisqu'elle se fondait sur des taux d'intérêts trop élevés (qui ont grimpés sous la présidence Menem jusqu'à 50% l'an), une parité artificielle entre peso et dollar et un effet dit de « bicyclette financière » qui permet des placements très rentables mais aggravant la dette du pays.

La conjoncture s'aggrave, et dans les années 1980' la dette publique argentine s'élève à 130 milliard de dollars : la dette étant d'origine publique mais contractée auprès du secteur privé, elle se perpétue car la masse monétaire qui en résulte (censée financer l'économie et la croissance) est inférieure à celle nécessaire au remboursement du prêt (c'est-à-dire le capital ainsi que les taux d'intérêts).

Malgré la tentative de l'invocation de la théorie de la dette odieuse (qui consiste à estimer qu'une dette n'est publique que lorsqu'elle est contractée au nom du peuple et pour son bénéfice, et qui fut par exemple invoquée pour le Costa Rica en 1923), la proposition de dénonciation de la dette argentine n'est pas retenue par le Président Alfonsin en 1984, lesquel démissionne en 1989, Carlos Menem prenant sa suite, élu car très apprécié notamment pour sa personnalité de tribun.

Le nouveau Président lance alors une politique d'inspiration libérale : instauration de la parité 1 peso = 1 dollar (politique monétariste visant à contenir l'hyperinflation d'alors, mais alourdissant encore les déficits commerciaux car constituant un véritable handicap au plan de l'exportation en terme de compétitivité de l'industrie argentine et inversant les tendances en matière de politique commerciale du pays), politiques de privatisation très poussées, vagues de licenciements massifs dans le secteur public, le tout sous les recommandations de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International.

Problème étant, ces privatisations se feront sans aucune garantie : ni inventaire, ni bilan, d'où une aliénation du patrimoine public au secteur privé dans son intérêt propre à une valeur moindre que la valeur nominale (par exemple, alors que Petrobras estime la valeur de l'entreprise Gas del Estado à 25 milliards de dollars, celle-ci est cédée pour seulement 2,5 milliard de dollars).

Cette politique que le documentaire qualifie de néo-libérale n'est cependant pas purement libérale : elle fut surtout la garantie de la pérénisation d'un étatisme privé et privilégié luttant pour ses seuls intérêts et composé principalement de l'establishment politique (bien aidé par les médias, les fonctionnaires et certains juges) et des multi-nationales bénéficiant de richesses colossales à moindre coût, dérégulant la concurrence et créant de l'instabilité sur les marchés.

Les politiques procèdent ensuite à un « échange » : la dette fut échangée sur le marché contre du patrimoine public (un peu sur le modèle français de l'assignat sous la révolution) vendu à seulement 15% de sa valeur nominale et émis par des bons du trésor. Bon nombre d'entreprises ont fait l'objet de plans de restriction (licenciements) pour ensuite être transférés au secteur privé, voire même à des entreprises étrangères qui sont publiques dans leur pays de résidence (France Telecom). Il en fut donc ainsi pour l'eau, l'aviation civile, … .

Même le pétrole a fait l'objet de cette politique, alors qu'il s'agit d'une richesse essentielle pour une Nation.

Le comble se situe cependant ailleurs : toutes ces entreprises privatisées continuaient de bénéficier de subventions du gouvernement Argentin, financées par des emprunts auprès de la Banque Mondiale (à charge du remboursement de nouveaux intérêts évidemment).

La classe politique dans son ensemble a participé à ce désastre : l'union radicale (gauche) comme le parti justicialiste (droite), ne tenant pas les promesses électorales avancées et passant au besoin des alliances politiques entre partis d'opposition et de gouvernement, dissimulant ainsi mal un bipartisme parfois de façade, alimenté par des financements politiques électoraux douteux en l'échange de faveurs envers les milieux influents (groupes industriels puissants, fonctionnaires, juges, médias).

En 1998, la dette est estimée à 170 milliard de dollars, et le Président De la Rua démissionne en 2001 suite à l'insurrection populaire du 20 Décembre. En 2003, Nestor Kirchner est élu Président de la République. Sa propre femme sera ensuite élue en 2007 puis de nouveau en 2011.

L'après crise : entre croissance et difficultés persistantes

Selon diverses sources on peut effectivement estimer que la crise économique est en partie passé en Argentine (après, tout de même, un recul de 66% du PIB entre 1998 et 2002 en dollars US !).

Comme nous le montre ce reportage télévisé, la politique économique argentine a été revue dans l'optique non d'une austérité mais d'une relance économique par la consommation, seule à même de résoudre les problèmes d'une dette publique d'une telle ampleur.

Bien que le taux de croissance soit de 7,5% en 2010, et peut-être plus encore en 2011, il convient toutefois de relativiser cette situation, dépeinte de manière si (trop) favorable par ce reportage.

En effet, si le taux d'inflation officiel est de 7,7% en Argentine en 2009 (voir ici), bon nombre d'informations semblent indiquer qu'il est en réalité beaucoup plus important (comme c'est indiqué là ou encore dans cet article), ce qui signifierait dès lors que les prix augmenteraient plus rapidement que la valeur de l'économie argentine, d'où un réel problème sur la durée.

De plus un plan d'aide avait été demandé par l'Argentine en 2010 au FMI.

On peut aussi remarquer qu'un reportage d'arte (9 ans après la crise) établit d'énormes inégalités persistantes entre les diverses populations vivant en Argentine et une pauvreté encore extrême et bien présente.

Cela peut-il arriver en Europe ?

La crise des dettes souveraines a été largement évoquée ces derniers temps en Europe, et l'on peut se demander si effectivement le désastre économique qu'a connu l'Argentine peut se répercuter dans des pays plus développés.

On peut estimer que les pays Européens sont peut-être mieux armés contre des plans d'austérité aussi radicaux : certes il a été proposé que l'Europe impose une grande rigueur budgétaire (cela est plus ou moins le cas formellement et juridiquement il a été proposé que les budgets nationaux soient approuvés par la Commission Européenne), mais il est à noter, au moins en France, que les services publics restent très présents et que s'ils subissent pour certains une privatisation (et ce du fait de l'Europe) on peu tout du moins être certain que ces privatisations ne peuvent être aussi sauvages qu'elles l'ont été en Argentine, et qu'elles ne peuvent en tout état de cause permettre de « brader » les services publics à une valeur moindre que leur coût réel : ceci est garanti par le Conseil d'Etat.

D'aucuns ont également estimé que le FESF (Fonds Européens de Sécurité Financière, complété par le Mécanisme Européen de Stabilité et le FMI) permettrait le refinancement d'États européens soumis à des difficultés d'emprunts sur les marchés. Problème étant ce fonds ne règle pas le problème : il ne fait que le reporter, et on peut ajouter que ce fonds, n'étant finalement financé que par des pays de la zone €uro, tente d'établir une solidarité des pays les moins en difficulté envers les autres pays, précipitant les premiers dans la faillite des seconds. Ce fonds ne pèse d'ailleurs finalement qu'assez peu (1000 milliards d'€) aux côtés du total de toutes les dettes souveraines de la zone €uro (8000 milliards d'€).

En Argentine, la dette publique actuelle est de 160 milliards d'€ pour 2009 (soit 45% du PIB) et avait atteint. Ce taux de dette est beaucoup plus important dans bien des pays de la zone €uro (en Italie, en France, …). Ceci constitue une menace réelle pour les économies européennes, qui pourrait en effet voir les taux d'intérêts des emprunts augmenter, d'où un refinancement de plus en plus difficile de notre économie, conditionné par des plans de rigueur destinés à rassurer les marchés sur la capacité de remboursement (ce qui n'est cependant pas garant d'une croissance économique dans un tel contexte).

Autre « avantage » dont l'Argentine disposait il y a quelques années (et encore maintenant) : elle avait le contrôle de sa monnaie pour pouvoir jouer sur les mécanismes économiques (soit en premier lieu pour surévaluer, soit ensuite en dévaluant), ce qui n'est pas notre cas, la politique monétaire européenne n'étant pas décidée par les États en fonction de leurs besoins et de leur système économique propres, mais par la Banque Centrale Européenne. Là encore un tel manque de pouvoir pourrait-être préjudiciable pour prendre de réelle décisions.

Que dire au sujet de l'inflation ?

Celle-ci semble a priori assez faible en Europe (bien que toujours trop élevée du fait que les économies connaissent pour la plupart la récession) : 2,416% pour l'année 2011 dans la zone €uro (attention, ce n'est qu'une moyenne annuelle : la tendance des derniers mois se situe autour de 3%).

Cela dit nous ne sommes pas, nous non plus, tout à fait à l'abri d'une hyperinflation telle qu'à pu le connaître l'Argentine. En effet, lorsque certains États devront faire face à de nouvelles échéances, il est possible que la Banque Centrale Européenne intervienne pour racheter les dettes souveraines en « monétisant la dette » par rachat de titres d'obligations de dettes souveraines.

Cette politique pourrait avoir des conséquences néfastes en terme de stabilité des prix, puisqu'alors la masse monétaire en circulation serait considérablement augmentée, d'où une baisse de la valeur de la monnaie (et ce dans l'ensemble des pays usant de celle-ci) et donc une hausse des prix en conséquence, comme le démontre bien cet article.

Pour conclure

Les temps à venir en termes économiques s'annoncent extrêmement inquiétants : la crise des dettes souveraines provoquera très certainement des troubles majeurs à cause de l'actuel modèle de création monétaire (par le crédit, donc laissé au seul secteur privé depuis 1973 en France et depuis 1992 dans toute l'Europe) qui a aboutit à une création abondante de promesses ne se fondant pas sur leur équivalent en richesse réelle, d'où un rééquilibrage par appauvrissement généralisé.

Il n'est pas improbable que de nombreux États fassent défaut dans un avenir proche (que ce soit de façon partielle ou totale : c'est déjà arrivé de nombreuses fois en réalité) d'où un manque de capitaux et une récession majeure.

Pour aller plus loin

-Création monétaire : l'argent-dette ; money – le film.

-Revenir à la réflexion de Maurice Allais.

-Crise économique argentine.

Rémi Decombe.


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