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Le Danemark européen (1/2)

Publié le 13 janvier 2012 par Egea

Le Danemark vient d'annoncer qu'il levait deux de ses trois exemptions du traité de Maastricht, dont celle sur la défense (mais pas celle sur l'euro) (voir billet de Bruxelles 2). Une telle déclaration est un signe pro-européen qui détonne par rapport à la défiance traditionnelle danoise envers l'Europe. Ce qui motive deux billets sur la question, le premier évoquant les racines géopolitiques de la géopolitique du Danemark, le second sur les conséquences géopolitiques de cette décision.

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1/ Au sens strict, le Danemark ne fait pas partie de la Scandinavie : toutefois, l'histoire de la Suède, de la Norvège et du Danemark est si mêlée qu'on peut accepter de l'y inclure. D'ailleurs, la Scanie (partie méridionale de la Suède) fut sous domination danoise jusqu'à 1658. La fin de la puissance régionale danoise date d’ailleurs de la guerre de Trente ans, qui se conclue par les traités de Westphalie.

2/ Si les Danois sont les lointains ancêtres des Normands, s'ils ont colonisé des terres lointaines (îles Feroë, Groenland), s'ils se sont disputés avec leurs voisins scandinaves, l'histoire moderne du Danemark prend forme avec l'éveil des nationalités, après les campagnes napoléoniennes. Le Danemark balance alors entre une question continentale, et un attrait océanique. C'est dû principalement à sa situation de presqu'île, et de contrôle des détroits de la Sund.

3/ La question continentale vient bien sûr de la pression allemande : En effet, d'une part le Danemark devient une monarchie constitutionnelle en 1849. C'est aussi l'époque ou le Schleswig, le Holstein et le Lauenbourg s'agitent, à l'instigation de la Prusse. Une première guerre en 1852 voit la Prusse défaite, mais une seconde, en 1864, voit la cession des trois duchés (c'est le début de l'ascension prussienne, suivie de Sadowa en 1866 puis de Sedan en 1870). Cela entraîne la neutralité danoise au cours des deux guerres mondiales. A l'issue du traité de Versailles, un plébiscite au Schleswig fait revenir la partie nord du duché au Danemark. Mais l'invasion nazie en 1940 confirme l'importance de ce voisinage allemand.

4/ Est-il surprenant, alors, que le Danemark adhère dès 1949 au traité de l'Atlantique nord ? Il s'agit là de l'autre dimension danoise, celle de la solidarité anglo-saxonne, plus anglo que saxonne. L'héritage viking joue un rôle, certes. Mais c'est également le souvenir d'une alliance assez ancienne avec l'Angleterre, peut-être due à la solidarité de pays protestants et commerçants. Elle se transforme en solidarité transatlantique avec les États-Unis, nouveau partenaire. Plus que pour tout autre pays, l'OTAN est pour le Danemark le moyen de "Keep the German down, the American in and the Russian out".

5/ Cela justifie la défiance envers la construction européenne : distance au moment du traité de Rome en 1957, l'adhésion un peu réticente à la CEE en 1973 (avec l'Angleterre), un traité de Maastricht signé avec des options d'exemption, dites "opt-out" (1992) ou un référendum négatif sur l’euro (2000), et un soutien des Américains au moment de la grande crise transatlantique en 2003.

6/ Aussi, est-il intéressant de noter la déclaration récente d'abandon de deux des clauses opt-out : celle sur la participation aux affaires intérieures et justice (réintégration partielle), et celle sur la défense (réintégration totale). En revanche, le Danemark conserve son exemption de l'euro.

Nous verrons prochainement les raisons géopolitiques de cette annonce.

O. Kempf


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