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La perte du triple A, "l'échec de Nicolas Sarkozy" pour François Hollande

Publié le 14 janvier 2012 par Letombe

perte triple La France a perdu sa note financière AAA, la meilleure possible, désormais abaissée d'un cran, à AA+, avec perspective négative, a confirmé, vendredi 13 janvier au soir, l'agence d'évaluation Standard and Poor's. Le candidat du Parti socialiste à l'élection présidentielle réagit à cette dégradation dans un entretien exclusif au Monde.

En quoi le président de la République et son gouvernement sont-ils selon vous responsables de la perte du triple A ?

Le président sortant avait fixé comme un "objectif", et même comme une "obligation", la conservation du triple A. Une fois encore, la promesse n'a pas été tenue. La dégradation de la note française s'explique par un déficit public bien plus élevé que celui de l'Allemagne (5,5 % du PIB contre 1 %), un écart de compétitivité en notre défaveur (75 milliards de déficit de la balance commerciale contre 160 milliards d'excédent outre-Rhin) et une croissance quasi nulle dans notre pays. Cette sanction signe l'échec de son quinquennat.

François Baroin estime pourtant que la France conserve une "excellente notation"...

Je ne veux jamais disqualifier mon pays. Mais je constate que, depuis plusieurs mois, les marchés avait anticipé la dégradation de la note, puisqu'ils avaient exigé un taux d'intérêt sur nos obligations d'Etat de 3,1 %, contre 1,75 % pour l'Allemagne. Le plus grave, c'est que notre position en Europe va s'en trouver affaiblie : nous sommes les seuls, avec l'Autriche, à perdre le triple A. C'est la première fois, depuis que les Etats sont notés, que la France décroche par rapport à l'Allemagne. Nous ne sommes plus en première division.

M. Baroin jure qu'il n'y aura "pas de nouveau plan de rigueur". Le croyez-vous ?

Qui peut croire, alors que la croissance va être de 0,5 % au lieu des 1 % affichés, que nous pourrons atteindre l'objectif de réduction de nos déficits à la fin de l'année ? D'autant moins que le coût de notre dette va être alourdi par la perte du triple A. Si le principe de sincérité était respecté par le pouvoir actuel, il devrait présenter au parlement une loi de finances rectificative. Or il s'y refuse, tout en annonçant des hausses d'impôt comme la TVA. Ce qui ne peut qu'ajouter à l'inquiétude des Français.

Ne sera-t-il pas plus difficile de vous opposer aux "réformes de structure" du gouvernement ?

Le gouvernement avait justifié sa réforme des retraites, dont chacun sait qu'elle est injuste et qu'elle n'est pas financée, au seul motif de préserver le triple A. Cet argument vient de tomber. Et ce n'est pas en bousculant le financement de la protection sociale et en en improvisant un nouveau bricolage fiscal que le président sortant va rassurer les marchés. Il a déjà perdu leur confiance, ainsi que celle des Français. En matière de politique économique et budgétaire, ce qui compte, c'est la cohérence et la stabilité. Tout ce qui a manqué depuis 2007.

Jean-Luc Mélenchon lance un appel à "résister" à "la guerre de la finance contre la France". Le suivez-vous ?

Dominer la finance est nécessaire et c'est pourquoi je propose des mesures sur les produits dérivés, les comportements des banques et la fiscalité sur les transactions financières. Mais une façon de retrouver notre souveraineté, c'est aussi de nous désendetter, afin de pas avoir à solliciter les marchés dont nous dénonçons par ailleurs la trop grande influence.

Marine Le Pen enregistre 21,5 % des intentions de vote en défendant une sortie de l'euro. Quel enseignement en tirez-vous ?

L'extrême droite prospère toujours en période de crise. Plutôt que de dénoncer ses électeurs, je préfère démontrer que ces solutions seraient nuisibles à ceux-là mêmes qu'elle prétend défendre. La sortie de l'euro signifierait, pour la France, des taux d'intérêt deux ou trois fois plus élevés qu'aujourd'hui pour une dette qui se trouverait mécaniquement renchérie de 20 à 30 %. Le résultat, ce serait l'asphyxie.

Si vous êtes élu, la reconquête du triple A constituera-t-elle un objectif ?

Mon objectif, c'est de redonner confiance à la France. Elle dispose de nombreux atouts, une démographie dynamique, une épargne abondante, une productivité élevée, qui rendent possible le redressement. A la condition que la justice soit au cœur de nos choix. Des efforts seront à demander, surtout à ceux qui ont reçu le plus durant le mandat qui s'achève.

Cette annonce ne rend-elle pas la production de votre projet plus délicate encore ?

Non, car je l'avais anticipée. C'est sur la durée du prochain quinquennat que j'ai à faire mes propositions. Les premiers mois seront consacrés au redressement, au rétablissement des comptes publics et à la politique industrielle. Ensuite, nous pourrons retrouver des marges de manœuvre pour redistribuer ce que nous aurons créé. Tout sera fait pour la croissance et c'est pourquoi je veux revoir l'accord européen pour lui ajouter cette dimension.

Anticipez-vous une aggravation de la crise européenne ?

Dans ce moment, chacun doit faire preuve de responsabilité et de sérieux. La situation est trop grave. Rien n'est réglé dans la zone euro. Seize sommets de la dernière chance pour en arriver là ! La meilleure façon de protéger la France, c'est de faire l'effort de redressement dans la justice et de mettre en place au niveau européen les instruments pour vaincre la spéculation. Dans cet esprit, je relancerai l'idée d'une agence publique européenne de notation.

Propos recueillis par David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder

http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/


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