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Délinquance: l'échec de Nicolas Sarkozy 2002-2012

Publié le 18 janvier 2012 par Letombe
Délinquance: l'échec de Nicolas Sarkozy 2002-2012

Mardi 17 janvier 2012, Claude Guéant a livré ce qui pourrait être le dernier bilan de Nicolas Sarkozy en matière de lutte contre la délinquance. Le ministre de l'intérieur avait réunit la presse Place Beauvau pour l'occasion. En 2007, Nicolas Sarkozy s'était fait élire sur un grand malentendu statistique: une large frange de l'électorat et de la classe médiatique lui attribua de grandes compétences et de beaux résultats contre l'insécurité.
Cinq ans plus tard, le constat d'un échec est largement partagé. L'imposture a été décortiquée, analysée, démasquée. Et ce dernier bilan 2011 ne change rien, bien au contraire.
Bidonnage
Chaque année depuis cinq ans, la publication des statistiques annuelles de la délinquance est l'objet d'un joli vacarme et d'un bidonnage en règle. C'est l'un des exercices les plus rodés de story-telling sarkozyen. Le ministre en poste, successeur évidemment plus fade d'un Sarkozy devenu Calife, s'échigne à trouver un point de diversion médiatique, d'une part, et globalise des statistiques ce que dénonce son propre office, d'autre part.
En janvier 2008, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'Intérieur, s'amusait sobrement d'être parvenue à réduire le nombre de violences aux personnes. Et le Figaro remarquait que Nicolas Sarkozy, quand il était ministre de l'intérieur, n'avait pas atteint tel résultat !
En janvier 2009, la ministre cache ses mauvais résultats en pointant du doigt vers la « violence de proximité », en baisse de 6%. On ne sait d'où sort le chiffre. MAM cachait ainsi que les atteintes aux personnes physiques avaient à nouveau progressé, pour atteindre +80.000 actes supplémentaires depuis 2002, et que le taux d'élucidation des crimes et délits les plus violents a régressé en 2008.
En janvier 2010, le Monarque était gêné par des violences à l'école.
En janvier 2011, Brice Hortefeux se concentra sur les vols de téléphones portables dans les transports en commun,  ou « la criminalité organisée et la délinquance spécialisée qui recouvre, par exemple, les activités mafieuses, le proxénétisme ou les grands trafics de stupéfiants », sans toutefois que l'on parvienne à reconstituer ses analyses.?
Ce 17 janvier 2012, Guéant préféra la délinquance étrangère. Il faisait d'une pierre deux coups, puisqu'il assure le service après-vente du funeste discours de Grenoble du 30 juillet 2010, où Nicolas Sarkozy avait repris à son compte le parallèle frontiste immigration/délinquance. Début janvier, l'ONDPR avait prévenu qu'il publierait des statistiques par nationalité, pour la première fois... depuis 2006.
Coïncidence ?
La presse n'était plus dupe. Même certains journaux peu suspects d'antisarkozysme confièrent leur scepticisme: Les Echos notait ainsi que « Sarkozy n'a pas réussi à inverser les tendances depuis 2007» en matière de délinquance.
Incompétence
Depuis 2002, la boulimie législative de Nicolas Sarkozy a largement écoeuré, jusqu'à son propre camp. On se souvient comment les députés UMP résistèrent à la énième envie du Monarque, en janvier 2011, de légiférer à nouveau contre la récidive des délinquants sexuels après le drame de Pornic.
Depuis 2007, la multiplication des lois, pour de si mauvais résultats, devrait interroger les esprits: rétention de sûreté et peines planchers en août 2007 (8.000 par an, parmi 2,5 millions de crimes et délits constatés chaque année), filtrage des sites internet Loppsi II, décret anti-cagoule depuis juin 2009, loi anti-bandes, videoprotection prétendument facilitée, légalisation des milices privées, dépistage obligatoire de maladies sexuellement transmissibles, autorisation des contrôles d'identité et fouille sans motif par les polices municipales, etc.
En juillet dernier, la Cour des Comptes avait livré un sévère réquisitoire contre la méthode Sarkozy. Claude Guéant, comme la plupart des snipers habituels de Sarkofrance, avait fustigé une analyse partisane.
Pourtant, la Cour ne jugeait pas du fond, mais de la gestion de la politique de sécurité. Elle dénonça la mauvaise définition des objectifs, l'absence d’objectifs et de systèmes d'information communs entre ministères de l’intérieur et de la justice, et le « manque de maîtrise des moyens budgétaires et humains à l’échelon local »; « une augmentation des effectifs suivie d’une égale diminution » entre 2002 et 2010 ; la dégradation des moyens matériels de la police et l'organisation globalement obsolète et irrationnelle des forces de l'ordre.
Résultats
Au final, les résultats sont mauvais. Le ministre de l'intérieur a pu se féliciter de l'évolution d'un agrégat général, la « délinquance globale », qui ne signifie plus grand chose depuis des années comme le reconnut Guéant lui-même (« ce chiffre additionne des éléments trop divers »). Cette dernière, en 2011, « a baissé pour la neuvième année consécutive. Elle a baissé de 0,34 % soit de près de 12.000 faits. Depuis 2007, cette délinquance générale a baissé de 7,8 % soit de 290.000 faits. Et depuis 2002, elle a baissé de 16,47 % soit de 678.000 faits », alors que dans le même temps, rappela le ministre, « la population française a augmenté de 3 millions 200.000 habitants ».
1. Cette baisse de l'agrégat général est due à la diminution des atteintes aux biens: de 2,534 millions en 2006, ces dernières sont tombées à 2,184 millions en 2011, soit 388.000 actes de moins sur le quinquennat. Et la baisse fut constante. Mais Guéant s'est inquiété, sur 2011, de la recrudescence de cambriolages de résidences. Son prédécesseur Hortefeux nous avait déjà partagé l'inquiétude en 2009. Mais Guéant a lui l'explication: « Cette évolution tient notamment aux raids qui sont commis par les équipes de malfaiteurs venus de l'étranger, notamment d'Europe Centrale et Orientale. Cela m'a entraîné à demander à la Commission Européenne, la mise au point d'un plan spécifique animé par Europol et Eurojust. Cette criminalité est en effet, transnationale. De surcroît, plusieurs pays voisins du nôtre sont touchés de la même façon. »
La statistique doit être secrète, puisque aucun élément d'analyse similaire n'était disponible dans le bilan de l'ONDPR. Ce dernier mentionne d'ailleurs, pour 2011, que « près de 202.000 cambriolages de locaux d’habitation principale ont été constatés par la police et la gendarmerie. Ce nombre a augmenté très fortement sur un an : + 17,1 % par rapport à 2010, soit + 29 501 faits constatés ». Mais l'ONDPR n'évoque aucune « équipe de malfaiteurs venus de l'étranger »...
2. A l'inverse, le nombre des violences contre les personnes a continuellement augmenté depuis 2002 (sauf en 2007... ):  381.000 atteintes aux personnes en 2002, 411.000 en 2005, 434.000 en 2006, 433.000 en 2007 (année électorale), 443.000 en 2008, 456.000 en 2009, 467.000 en 2010, puis 468.000 en 2011 ! La hausse a été de 14% sur la période 2002-2006), puis de 8% de 2007 à 2011. Comme dirait Guéant, ça se stabilise ! 
Le ministre avait une explication, pour calmer l'inquiétude de ses concitoyens: en fait, cette hausse ne serait due qu'aux « violences commises à l'intérieur du cercle familial », dont le gouvernement aurait facilité la dénonciation depuis 2002: « cette augmentation, il faut en avoir conscience, résulte notamment des efforts qui ont été déployés par les pouvoirs publics afin d'inciter les personnes victimes de violences familiales et notamment les femmes, à porter plainte ». Et il ajouta : « même si les statistiques en souffrent, nous ne devons pas regretter, bien au contraire, que ce fléau de la vie familiale soit ainsi révélé au grand jour et puisse recevoir des réponses appropriées. » En d'autres termes, cette délinquance n'a pas augmenté, selon Guéant, elle est simplement mieux mesurée...
On croit rêver... ou cauchemarder. Primo, notons la « cohérence » du ministre: quand les atteintes aux biens baisse, c'est grâce au gouvernement, quand elle augmente, c'est l'effet d'une meilleure comptabilisation... Secundo, le ministre doit disposer de statistiques secrètes puisque les « violences commises à l'intérieur du cercle familial » n'ont pas fait l'objet d'une comptabilisation en tant que tel.
L'ONDPR segmente les violences physiques en quatre segments:

  • Les violences crapuleuses, qui ont baissé de 6.224 de 2006 à 2011. La moitié de cette baisse émane des vols sans armes. 
  • Les violences non crapuleuses, qui ont progressé de 17% en 5 ans, pour atteindre 241.674 actes en 2011 ! Elles ont encore progressé de 0,2% l'an dernier. Elles recouvrent principalement « les coups et blessures volontaires criminels ou correctionnels » (+28.000 en 5 ans), les violences contre l'autorité publique (+3.000 en 5 ans), les maltraitance d'enfants (+5.000).
  • Les violences sexuelles (viols et harcèlements), quasi-stables en 5 ans (23.871 actes l'an dernier, +1.007 en 5 ans). Le nombre de viols et violences sexuelles pour 1.000 habitants est ainsi tristement stable depuis 2006 (respectivement 2,1 et 3,7).
  • Les menaces et chantages (notamment pour extorsions de fonds), qui ont continuellement augmenté depuis 5 ans (+5%, pour 81.000 actes).


3. Les escroqueries et infractions économiques et financières ont suivi une évolution fluctuantes... à cause des méthodes d'enregistrements: 334.000 en 2006, 345.000 en 2007, 381.000 en 2008, 370.000 en 2009, 355.000 en 2010, puis 350.000 en 2011. L'ONDPR prévient en effet: « depuis fin 2009, les règles d'enregistrement d'infractions représentant plus de 70% des faits constatés d'escroqueries et infractions économiques et financières ont varié à plusieurs reprises. Cela explique pourquoi il n'est pas possible de commenter les statistiques annuelles du 3ème indicateur  de l'ONDPR ».
Comment donc Claude Guéant pouvait-il se gargariser d'une baisse de la délinquance générale de « 0,34 % soit de près de 12.000 faits » quand l'ONDPR précise que ses statistiques ne sont pas fiables pour 246.000 actes enregistrés en 2011 ?
4. Le nombre d'infractions révélée par l'action des services suit une évolution erratique: forte hausse entre 2006 (335.000) et 2008 (près de 385.000), puis contraction en 2009 (372.000) et 2010 (358.000); puis un bon de 6% en 2011 (382.000). Parmi elles, on relève 93.000 infractions à la législation des étrangers.
Il manquait à ce bilan une évaluation des taux d'élucidation. La dernière publication date de décembre dernier, à propos de novembre 2011.
Il manquait aussi un commentaire même bref de Claude Guéant sur les mises en examen de proches de Nicolas Sarkozy.

Sarkofrance

Délinquance des étrangers ; pour en finir avec les fantasmes des droites extrêmes.

Attention, Claude Guéant revend du matériel !

Le manque de fiabilité des chiffres de la délinquance


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