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Mohamed Salah BEN AMOR commente un poème de Patricia LARANCO.

Par Ananda

Il y a deux sortes de visions cauchemardesques du monde : l’une est provoquée par les  ravages perpétrés par les humains sur terre accusés de pêcher contre la nature et contre eux-mêmes   et la seconde est structurale car elle touche l’essence même de  la matière dont est composé le monde. Et c’est de la deuxième dont il est question dans ce poème où chaque objet  capté par l’œil de la locutrice  ou même par l’un de ses autres sens est d’emblée dénué de toute  qualité normale  de façon à y faire apparaitre  toutes les formes possibles de laideur  qu’on peut résumer dans l’asymétrie , l’amorphie et la difformité  , ce qui suscite la répugnance,   le dégout et  même la peur  : rouille , raideur , tiges de chair , lambeaux, érosion , kystes ... etc . Reste à savoir ce qui se cache derrière cette vision qui fait abstraction totale   de  toute beauté dans l’univers. Il s’agit en général d’un choc  violent avec le monde externe provoqué par une naissance traumatisante et douloureuse   qui laisse  certains  nouveaux  nés incapablestoute leur vie de surmonter cette expérience extrêmement pénible   . Et de cette inadaptation avec le nouvel  environnement perçu comme un enfer  nait un dégout accompagné parfois d’un retour inconscient au paradis perdu qui est la matrice de la mère. Sur le plan stylistique, ce poème vaut surtout par l’accumulation,  du début jusqu'à la fin,  de connotations évoquant cette  " désolation ".

 

 

Mohamed Salah Ben Amor

 

 

 

DESOLATION

Les dents de la rouille hissent leurs odeurs de sel

et les géométries croisent angles de métal ;

au bout quelque part dans le mouillé du matin

une langue de brumeterre

enfin

se perd…

Les clowns raides et les marionnettes étoilées

se cherchent un Palais des Glaces où ils pourront

se mettre au garde-à-vous devant

les éléphants

dans l’obscurité lumineuse des miroirs.

Ici et là des tiges de chair pareilles à

des alfas se font courte échelle

vers le ciel

avec des grâces ma foi proches du frisson

qui distordent et se répercutent sans répit.

L’emprise des formes tend à se relâcher

sur la matière qui incube par lambeaux ;

l’on suggère peu à peu pas à pas

des plis

des lovements nacreux des tâches absentées

absinthées qui ont de Fée Verte la couleur

et la confusion des éléments prend le pas

sur l’ordre en séries de phrases inachevées

qui ondulent en dunes jusqu’à l’horizon.

Les volumes ne sont plus faits que d’érosion,

de sourdes dégringolades au centre du noir 

où leurs kystes bataillent entrechoquent leurs rangs

en puisant dans la nuit

la force de briller.

P.Laranco.


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