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Cirque du Soleil et Magie (Part 2)

Par Raoulvolfoni

(Lire ce post avant sinon, forcément, c’est nettement moins clair)

La soirée sera donc pire que je le craignais.

Pas de jeu, pas de boisson alcoolisée (à Las Vegas, chaque joueur boit autant de verres qu’il en demande, gratuitement nonobstant le tip que la serveuse constamment dragouillée par les plus maladroits mérite largement de percevoir), juste du cirque. Le spectacle sera nécessairement meilleur (moins pire serait plus exact) que les souvenirs de mon enfance, très présents à cet instant, j’ai en conscience, nous sommes à Las Vegas.

Nous voici installés dans une salle immense, un mélange de l’Opéra Bastille et d’un multiplex CGR (pour la couleur, la texture et la profondeur des sièges surtout, les genoux bien calés sous le menton donc), la lumière s’éteint, le spectacle commence, je n’aime pas le cirque (et pas trop la pénombre non plus).

Les premières notes retentissent et … les mots me manquent tant la sensation est incroyable. De mes cinq sens, aucun n’est épargné par l’emprise mélancolique de cette musique qui ferait instantanément craquer le plus valeureux d’entre nous (et je suis loin d’être celui-là). Un son cristallin, une puissance envoutante, je ferme les yeux et me laisse emporter … en un instant

L’émotion est palpable parmi nos rangs de killers de l’actionnariat, des dividendes et des stock options. Chacun épie l’autre pour voir en lui le reflet de son propre visage (suis-je aussi décontenancé et touché par cette grace que mon voisin, l’autre con de Mr Machin). La réponse est oui et plus personne ne bouge. Le boss jubile, il maîtrise ses effets (l’éternel différence entre les boss et les autres, les boss ont déjà vu le spectacle).

Nous sommes sortis de la salle sans un bruit (après le tonnerre d’applaudissements), radieux, heureux, presque normaux. Le Cirque du Soleil a vu arriver une meute de loup, l’a lavée, brossée, rassurée et en a fait un troupeau d’agneaux, un peu perdus. C’est sans doute ça la magie du cirque, la magie de l’art. La ménagerie n’est pas sur scène, elle est dans la salle.

Bien des années après, c’est ce passage d’introduction qui me reste le plus intensément gravé en mémoire. Un moment de magie comme je n’en ai jamais connu depuis (ni avant d’ailleurs) qui, à sa réécoute me procure toujours la même sensation. Tout le spectacle a ainsi été du même niveau, un savant mélange d’acrobaties, de beauté, de précision, de passion (j’écoute le disque en écrivant ces quelques lignes ce qui ralentit sensiblement ma vitesse d’écriture mais propulse mon vagabondage d’esprit).

Bien sûr, le Cirque du Soleil ne comprend aucun clown blanc, ni chèvre déguisée en lion, il n’y a d’ailleurs aucune ménagerie, c’est de l’art dans sa plus élégante expression.

J’ai depuis vu de nombreux spectacles sans jamais ressentir la même plénitude que ce soir là. La surprise de l’instant peut être, mon appréhension du monde du cirque surement, la magie sans aucun doute. Ma vision du cirque a probablement été modifiée à jamais mais le plus important est, je crois, que j’ai mieux compris le pourquoi de l’itinérance de ces petites troupes familiales. Il y a une notion de liberté de mouvement, de parole, d’expression qu’on ne retrouve que dans le cirque. Malgré ses codes et ses rituels, le cirque reste une aventure dont la finalité est un partage qui m’a échappé une grande partie de ma vie.

Cette représentation de O au Bellagio m’a marqué à jamais et sans doute ouvert les yeux sur bien plus que mon approche simpliste et cartésienne du cirque. Je crois y avoir aussi appris les méfaits de l’apriori et l’importance du partage (même si j’avais quelques notions, merci papa, merci maman). Des valeurs qui, dans mon monde d’argent et d’actionnaires n’avaient pas cours.

Je parle de ça aujourd’hui car le Cirque du Soleil se produira en décembre 2012 à Bercy avec un spectacle intitulé Alegria et j’y serai. Je ne revivrai sans doute pas cette magie d’il y a dix ans mais je passerai une soirée magnifique et je ne peux qu’inciter ceux qui souhaitent rêver un peu d’en faire de même.

Les billets sont relativement abordables (chacun sait que je n’aime pas le cirque) et le prix comprend un petit plus que chacun peu même ramener chez soi, il y a du soleil dedans.


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