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Transsibérien - Dominique Fernandez

Par Ivredelivres

A travers la steppe 

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« L’expérience du Transsibérien abolit toute distinction entre soi et le monde, par une dilatation de l’individu à l’infini » 
 

J’avoue, j’ai un faible pour Dominique Fernandez, son Tolstoï m’a beaucoup plu et j’ai craqué pour son dernier livre : Transsibérien.

Il faut dire qu’en le feuilletant en librairie que suis tombée sur cette phrase « Ce récit, je m’en excuse, sera farci de lectures et relectures » ce qui fut une incitation très forte.

En 2010 Dominique Fernandez a participé à un voyage dans le cadre de l’Année Franco-Russe, un voyage mythique en Transsibérien.
Avec une pléiade d’autres auteurs et journalistes, à bord de wagons aux couleurs des deux pays.

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« Le Transsibérien quitte chaque jour Moscou, gare de Iaroslavl, à 16H50 »  le bout du voyage est sur la quai de Vladivostok quelques 9000 km plus tard. 

L’auteur se fixe quelques règles pour ce journal de voyage : pas question d’être « aveugle et bêtement enthousiaste » mais rester vigilant, observer, s’interroger, critiquer si nécessaire mais à la manière d’un amoureux de la Russie. 

L’auteur a prévenu, les références littéraires seront nombreuses, l’occasion pour le lecteur de se plonger dans un bain de littérature russe de Tchekhov en route pour Sakhaline, Dostoïevski en route pour la Maison des morts, en passant par Tolstoï et ses récits du Caucase ou Gorki, celui des récits d’enfance, avant qu’il encense la construction du Belomorkanal

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C’est aussi le voyage vers le Goulag de Chalamov ou Soljenitsyne car « Très rare sont les ouvrages qui parlent d’une autre Sibérie que celle des prisons, des camp, des travaux forcés ».

Mais la Sibérie c’est aussi l’aventure, la toundra glacée, l’impétuosité de l’Ienisseï, le « silence du Baïkal » ou le fleuve Amour.

Les étapes du voyage sont une litanie de noms qui font rêver : Nijni-­Novgorod, Ekaterinbourg, Omsk, Novossibirsk, Irkoustk, Krasnoïarsk.........

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        Irkoutsk et ses maisons de bois


« Des rivières, des tourbières, des étangs coupent l’immense forêt. Pas une maison, pas un homme, pas une automobile, pas un animal. Un monde s’étend devant nous, aussi neuf qu’à son origine La plaine, les arbres, le ciel, toujours la plaine, toujours les arbres, toujours le ciel, dans une suspension du temps qui ouvre la porte sur l’éternité ».

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La Bouriatie

A chaque étape, voyage officiel oblige, c’est une succession de réceptions en fanfare, de dîners, de rencontres plus ou moins contraintes avec des russes, de spectacles, de visites, de conférences.

Les conditions matérielles sont très bonnes comparativement au voyageur lambda, une provodnitsa à leur service exclusif pour assurer la vie à bord, cette employée est chef du samovar qui trône en tête de wagon toujours prête à délivrer les verres, le thé, le sucre et faire abaisser les marches du wagon à chaque arrêt.

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une provodnitsa

La traversée occasionnelle du wagon de troisième classe remet les pendules à l’heure russe, l’inconfort réservé au « prolétariat d’esclaves » soulève l’indignation de Dominique Fernandez.

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une page de pub 

Au gré des étapes et visites organisées on passe d’un conservatoire de musique à une représentation du Barbier de Séville à l’Opéra dEkaterinbourg, on apprend que Rudolf Noureev est né dans un wagon du Transsibérien. Parfois les visites sont décevantes et les rencontres ou les échanges avortés. Mais il y a aussi des moments de grâce comme cette rencontre avec des lycéens qui se livrent à un jeu littéraire franco-russe à faire pâlir d’envie n’importe quel enseignant. 

Moment d’émotion que celui où Irina une des accompagnatrices russes lui propose « d’aller déposer des fleurs au pied du monument élevé à la mémoire du poète Ossip Mandelstam » c’est la dernière image qu’emporte Dominique Fernandez, la statue de celui qui écrivait

« Fourre-moi plutôt,  comme un bonnet, dans la manche de la chaude pelisse des steppes sibériennes ».

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j’ai aimé ce voyage mais je n’ai pas tout à fait tout dit. Si la littérature russe est largement présente la française ne l’est pas moins et de Théophile Gautier à Balzac , d’Alstophe de Custine à Alexandre Dumas, nombreux sont les français qui ont écrit sur cette Sibérie. Il invite aussi à la lecture d’Andréï Makine le sibérien le plus français qui soit. 

En vrai amoureux de la Russie l’auteur rend le voyage passionnant, deux carnets de photos accompagnent parfaitement le texte. 

Vous vous dites peut-être qu’il y a un grand absent dans toutes ces évocations, LE héros de la Sibérie, le courageux, le téméraire Michel Strogoff ...ce n’est pas un oubli, ce sera pour la prochaine étape.

Le Livre : Transsibérien - Dominique Fernandez - Photographies de Ferrante Ferranti - Editions Grasset 2012

 

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LES COMMENTAIRES (1)

Par droug
posté le 01 mai à 10:25
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A propos de Transsibérien. L’intérêt du livre de DF réside certes dans sa dimension littéraire revendiquée. N’y cherchez pas un remake du Guide du Routard ou un banal « compte-rendu de voyage en Sibérie ». Les conditions « privilégiées » dans lesquelles DF a voyagé, et qu’il reconnaît, lui ont interdit l’expérience authentique du « Transsibérien ». Qu’il ait choisi ce titre pour son ouvrage me paraît donc relever de la supercherie. Ayant voyagé en 2ème et 3ème classe sur le même parcours, *je suis indigné par l’indignation de DF *!! Il faut certes y supporter l’inconfort et la promiscuité, avec pour dédommagement – comme le concède tardivement DF – « la bonhomie volubile du partage » et la « confraternité des victuailles ». Mais écrire : « les malheureux expédiés au goulag devaient être traités à peine plus durement » me semble relever de la malhonnêteté intellectuelle. Quant au « prolétariat d’esclaves », j’aimerais bien avoir une analyse sociologique des voyageurs de troisième classe ; je crains bien que le prolétariat n’y soit guère représenté et que la majorité des sardines qui s’y entassent ne soit issue de la classe moyenne inférieure : les billets sur de si longs parcours restant sans doute relativement onéreux pour le « Russe de base ». Les assertions définitives dont DF saupoudre son récit, du genre : « même l’anglais, passé l’Oural, est inconnu »; « le train vers la Sibérie reste un supplice pour cette plèbe » ; « ce thème de la victime expiatoire court […] dans les profondeurs de la pensée russe » ; « aimer la musique est aussi naturel pour un russe qu’aimer l’air qu’il respire »; « peuple pour qui la musique est aussi consubstantielle que l’eau dont il se désaltère » … me paraissent indignes du niveau auquel l’érudition incontestable de l’auteur pourrait le maintenir. NB : j’ai dénombré pas moins de huit références explicites à Michel Strogoff dans le livre de DF (je tiens les numéros de page à la disposition des victimes de la lecture en diagonale); je ne vois donc pas en quoi il serait le « grand absent de ces évocations » !!??

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