Magazine Journal intime

Où il est question d’une colère, de crottin et d’un ciel superbe!

Par Vivresansargent

Lundi 23 du mois de Janvier de l’année 2012 :
La colère m’habite (je f’rais bien un jeu de mots mais je tiens à rester tout public) ! Et pourquoi donc suis-je en colère te demandes-tu (si t’es normalement constitué!) ? Dans mon dernier article (que tu as relu cinq fois en te disant à chaque fois : « mais comment fait-il ?) j’ai évoqué le cas de la brebis 42. Comme tu as une mémoire de poisson rouge, je te remets au parfum, copain ! Depuis samedi cette brebis ne peux plus se relever. Suite à un problème au niveau de ce que tu n’a pas, le cerveau, elle a perdu son sens de l’équilibre et reste planté au sol comme les avions de chez Air France, chaque année, pendant les fêtes. C’est triste et pathétique. On l’aide à se relever mais il n’y a rien à faire, elle ne tient pas debout.

Ce matin, avec Jean-Yves, on a pu que constater l’étendue du smilblick. Elle a dû rester toute la nuit à la même place. Les traces laissées par ses pattes sur le sol et surtout, sa laine souillée de ses excréments, ne laissaient pas de place au doute. Je ne comprends pas. Pourquoi Jean-Yves ne fait-il rien ? Je lui demande le programme pour les jours à venir. Il me répond qu’il n’y a rien à faire. Il n’y a rien à faire !!! On va la laisser là, à crever dans sa merde. On va la laisser mourir de soif et de faim en constatant chaque matin qu’elle est un peu plus près de la mort que la veille ! Et le véto, peux pas venir le véto ! Non, trop cher qu’il me répond le Jean-Yves. Je lui dis qu’alors, on doit la tuer nous même ! Il me dit que « si je veux, je peux la tuer » ! Je lui réponds que non, je ne veux pas « spécialement » la tuer cette brebis. Je lui réponds qu’on ne peux pas rester comme ça sans rien faire ! Et là, tranquille, il me dit que je peux la tuer, écoute bien ça, à coup de masse !!!
Mais c’est toi qui es à la masse hey, Jean-Yves ! Tu m’a pris pour un tueur de brebis ! Bon d’accord, des fois je fais le malin, je roule des mécaniques et parfois même j’ouvre ma grande bouche, mais de là à choper la masse et à masser c’te p’auve bête, y’a un monde !
Donc la brebis, pendant que j’écris ces lignes, continue son agonie, car le vétérinaire, c’est trop cher, super ! Voilà donc pourquoi je suis en colère !

Mardi 24 Janvier :
La période actuelle, dans les fermes où grandissent des chèvres ou des brebis, est une période intense, une période forte, une période clef. A chaque jour son événement heureux. Une brebis a mis bas dans la nuit et a donné deux petits, une autre un et une autre trois. Ça bêle (et Sébastien) dans tous les coins.
C’est beau la vie qui débarque sans crier gare. Nous donnions à manger aux brebis avec Marie (une nouvelle WWOOFeuse) lorsque tout à coup, la brebis devant nous, largue une masse blanche et gluante à nos pied, ou presque. C’est une mise bas. Ce truc blanc et visqueux qui dégouline n’est autre qu’un petit agneau tout petit et tout mignon. La mère mange les restes du placenta. Chacun son trip ! Ce repas pris sur le dos du petiot constitue le premier contact de la mère avec son petit. Ce moment est cruciale. Quelques mères abandonnent leurs petits à ce moment là. Si la maman ne gloutonne pas ce truc immonde, ça craint. En ce qui concerne la brebis 26 (qui se porte nettement mieux que le brebis 42…), elle gloutonne, elle lèche, elle nettoie son petit. Tout va bien. Il commence même à se lever sur ses frêles pattes et cherche les mamelles de sa  m’man. Bienvenu Lulu !

C’est un moment fort que nous venons de vivre Marie et moi. Seul le hasard est responsable de cette expérience. Le hasard a même décidé de contraster fortement la scène. En effet, cette naissance a eu lieu à un mètre de la Brebis 42 qui se meurt. Peut être pour nous redonner le sourire et nous apprendre que quoi qu’il arrive, la vie gagne toujours et que la vie continue. Pour nous apprendre que la vie c’est l’amour et que l’amour c’est la vie. Que rien n’arrête la vie que rien n’arrête l’amour. Eux deux forment un tout et ce tout, sans même forcer, sans même y laisser une goutte de sueur, perce les montagnes, couche les arbres sur ses pas et fend les océans. Il fonce bille en tête sans jamais s’arrêter, jamais ! Merci le hasard.

Mercredi 25 Janvier :
Le pain grille sur la cuisinière, le porridge au lait de chèvre chauffe gentiment. La confiture de kiwi est sur la table. La confiture de pèche est sur la table. Le beurre est sur la table. Une casserole remplie d’eau chaude est sur la table. Une cafetière Italienne est sur la table. Un panier de fruit est sur la table. Le miel est sur la table. C’est le petit déjeuner !
Un fond de musique rempli l’air de notes et le pain qui grille rempli l’air d’une douce odeur…devine de quoi….de pain grillé, t’es trop fort !
Jean-Yves nous raconte qu’il connaît un type qui connaît un type qui lui connaît le pote de son oncle et qui est un grand Yogi ou je ne sais quoi. Il nous raconte que ce monsieur, traverse les rivières sans se mouiller. Il sépare les eaux comme son pote Moïse ! Il nous raconte régulièrement des histoires de ce genre. D’où le loufoque dans son appellation de « propriétaire-médium-guérisseur-loufoque-thérapeute de la ferme ».
L’autre jour, il nous a raconté que l’ami d’un ami, du fils de la mère fouettard qu’est cousin de celui qu’il connaît parce qu’il est le frère du pote du mec qu’est son cousin, lisait dans les pensées et que même, d’abord, il pouvait lire les pensées des dix personnes dans la même pièce que lui et que même après, il est fatigué, normal Chantal !
Le petit déjeuner est terminé, ouf.
Aujourd’hui, on part dans le champ des chevaux. La mission du jour est de ramasser les bouses avec une pelle. Le champ est miné ! Nous sommes six à travailler. Guillaume, un jeune de homme de 15 ans en apprentissage, est le bienvenu parmi nous. On avance tranquillement et de brouette en brouette, on remplie la remorque. Le plus pénible se trouve dans la pente du champ. Au moins 15%. Quand la brouette est pleine de crottin, il faut la ramener au tracteur puis la basculer dans le godet et ensuite quand le godet est plein à son tour, il est vidé dans la remorque. Le boulot est harassant. Quand tu crois qu’il est terminé, le boulot, tu te détends un peu et tu penses, sourire aux lèvres au bon et chaud repas de midi. Mais, comme « Pec citron », quand y’en a plus, y’en a encore ! La remorque est vidée dans la cour de la ferme et le gros tas, que dis-je, l’immense tas, l’affreux tas, le puant tas trône au milieu du domaine. Il faut faire une autre petite chose avant d’aller déjeuner. Il nous faut déplacer ce putain de tas, là-bas (où tout est neuf), à une distance de…12 mètres. Il n’y a pas grand chose de plus pénible que de déplacer un gros tas de seulement quelques mètres. Si tu me crois pas (hey, t’vas voir ta gueule à la récré), fais-le, tu verras ! Ils veulent faire un compost dans le jardin derrière  la maison. On déplace donc le gros tas.

Jeudi 26 Janvier : (cette date mérite une belle police de caractère en gras / italique!)
Tu veux savoir pourquoi cette date mérite une belle écriture en gras / italique ! Tout simplement parce qu’aujourd’hui, j’ai revu Quimper ! Ça te semble ne pas mériter une belle écriture ! C’est parce que tu ne connais pas Quimper, hey grand fou! Quimper est particulière. Quimper est dotée d’un charme qui te remue le corps. Quimper a ce petit quelque chose en plus. Si seulement tu connaissais Quimper comme je connais Quimper, tu serais ravi de retrouver Quimper ! J’étais si ému de retrouver Quimper que si elle m’avait arraché un cheveu, elle aurait senti mon cœur battre au-dedans tant il battait fort, secouant mon corps tout entier.
Je laisse là Quimper et Quimper me laisse las.
Si la ville de Quimper organise un jour, le championnat du monde de : « je mets le plus de fois possible le mot Quimper dans un paragraphe », je m’inscris (13 fois pour moi, vas-y, vérifie, zombie !) !
Vendredi 27 Janvier :
La brebis 42 a traversé le tunnel et est passé de l’autre côté…

Samedi 28 Janvier:
Ce matin, la peau du visage rougit à toucher les – 2 degrés de l’air de cet hiver qui se décide, enfin, à s’installer. Le lever du soleil promet une belle matinée. Les couleurs et les formes sont splendides. Planté au milieu de la cour de la ferme, je prends quelques instants pour regarder les nuages. Je fais de grands signes. Je salue le ciel avec l’espoir secret que lui aussi me regarde. Peut être même qu’en me voyant il va se dire un truc du style : « Tiens ! Là-bas, il semble que la matinée va être bonne ! Il a l’air tout joyeux le gars ! »

La voiture est pleine à craquer, on part au marché ! Le moteur peine à monter en température. La buée s’installe dans l’habitacle et plus ça va et plus on Ivoirien (facile!). Au moment de tourner à droite, direction la ville, et de tourner le dos aux rouges nuages, je passe les doigts sur ma vitre pour les admirer une dernière fois. En faisant ce geste, je me rends compte (qu’on est toujours…) que dans le même temps, je salue de nouveau le ciel ! Pourvu qu’il ne me prenne pas pour un fayot ou pour un vulgaire dragueur. Pourvu qu’il ne disparaisse pas dans un réflexe teinté de pudeur ou de colère. Je stoppe donc mon geste car d’autre doivent profiter de ce spectacle matinal.

Une fois sur la place du marché, on déballe le tout et cinq minutes plus tard, on est prêt, on attend le chaland. Ça caille. Une cliente approche. « Bonjour ! » qu’on lui dit en cœur. « Bonjour ! » qu’elle répond dans un sourire. « Je vais prendre un pain de 1 kilo au potiron ! » Et nous, comme on est pas chiant, on lui emballe un pain aux reflets orange. Ça caille.
On discutaille avec les voisins, on papote avec les clients, on caresse les chiens des clientes, on se souhaite une bien bonne journée, on se sourit, on encaisse les sous (on est pas venue pour trier des boulons quand même!), on dit qu’il va faire beau, on dit que le pain est fait « maison » et qu’il est pétrit à la main, ça caille toujours, Jean-Yves nous raconte une de ses histoires, Charlotte et moi on en crois pas un mot, on dit que le pain se « tient » très longtemps, on rigole à une blague toute nase de Michel, on se frotte les mains pour les réchauffer, bref, on fait le marché !

Dimanche 29 Janvier :
Encore un cadavre. Ce matin, c’est une chèvre que je dois mettre dans une brouette. La brouette fait office de corbillard et le hangar désaffecté, de morgue. Cette chèvre, Kalimathy, a mis bas hier, pendant que l’on était au marché et, ça s’est mal passé. Elle a mis au monde un premier chevreau, qui lui va bien, et au moment d’expulser le deuxième, les problèmes ont commencés. Le petiot était coincé et la mère geignait. Maria, affolé et en larmes, est allé demander de l’aide au voisin. Apparemment, c’était le bordel, plein de sang. D’après Maria, le voisin a mis la main à la pâte, pour aider la chèvre à expulser son petit. Le petit est sorti. Le petit était déjà mort. La mère, à notre retour, était toute bizarre. Au moment de la traite, elle était seule dans son coin, le regard vide, mauvais signe.
Ce matin, je découvre donc Kalimathy morte, son petit jouant sur son corps froid, inconscient du drame dont il est victime. La suite de la matinée, après mon footing dominical, a été pénible. Marie-Thérèse, stressé à bloc, vitupérant des ordres sans queue ni tête, Maria en pleure, Charlotte et moi ballotté au gré des invectives de la Marie-Thérèse, un moment pénible, oui, un moment pénible.

Beaucoup de vie, beaucoup de mort. Beaucoup d’actions, beaucoup de sensations. Je me demande si dans chaque ferme c’est la même chanson. Demain, lundi, je vais dans une autre ferme, dans le Morbihan, à 60 kilomètres d’ici. Le village se nomme Saint Caradec-Trégomel. Là-bas, il y a également des chèvres, je vais pouvoir, rapidement, avoir de quoi comparer. Je doute quand même du fonctionnement de cette ferme-ci ! Je suis pas fermier mais, mon instinct me dit, que ça déconne un max !
Dans la prochaine ferme, en plus des chèvres, ils cultivent du safran. Je m’intéresse au safran depuis quelques semaines. Je vais donc pouvoir découvrir cette culture et j’en suis ravi !
Dans cette autre ferme, je vais retrouver Mathilde, qui était ici la semaine dernière, je ne débarquerai donc pas en terre totalement inconnue.
La session d’auto-stop de demain commencera bien car Jean-Pierre, qui est venu nous donner un coup de main, vendredi, pour la confection du pain, c’est proposé pour m’avancer un peu sur la route. Merci Jean-Pierre !

L’aventure continue donc.

Voyagez plus pour vivre plus !


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