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Les vagues de Virginia WOOLF

Par Lecturissime

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« Quand une tremblante étoile apparaît dans le ciel clair, j’en viens à penser que seul l’univers est plein de beauté, et que nous ne sommes que des reptiles dont la luxure souille même les arbres. »

L’auteur :

Virginia Stephen a grandi dans une famille recomposée dont le père, à la personnalité fantasque mais illustre, sera longtemps le modèle. Elevée dans une atmosphère très cultivée, Virginia développe très tôt une personnalité angoissée avant même que la mort prématurée de sa mère ne l'entraîne sur la pente de la dépression. Avec ses frères et sa soeur, elle fréquente rapidement les milieux artistiques, et à la mort de son père, son rythme créatif s'accélère. Elle est l'auteur de romans, comme 'Mrs Dalloway' ou 'La Chambre de Jacob' qui, en rupture avec les règles classiques littéraires, se veulent des tableaux 'impressionnistes' des méandres de l'âme. Elle a aussi, grâce au soutien permanent de son mari, Léonard Woolf, édité de grands auteurs étrangers, comme Fiodor Dostoïevski ou Freud. Mais sa souffrance psychique est trop forte, Virginia Woolf se suicide en 1941.

L’histoire :

Publié en 1931, Les Vagues se compose d'une succession de monologues intérieurs entrecroisés de brèves descriptions de la nature. Chaque personnage donne sa voix et se retire dans un mouvement rythmé qui évoque le flux et le reflux des marées. « J'espère avoir retenu ainsi le chant de la mer et des oiseaux, l'aube et le jardin, subconsciemment présents, accomplissant leur tâche souterraine... Ce pourraient être des îlots de lumière, des îles dans le courant que j'essaie de représenter ; la vie elle-même qui s'écoule. » (Présentation de l’éditeur)

Ce que j’ai aimé :

Virginia Woolf transcrit ici des courants de conscience avec un art de l’esquisse parfaitement maîtrisé. La pensée pure des personnages afflue à la surface des pages nous menant par contrebalancement dans les profondeurs de l'âme et de l'identité des êtres. Se découvre alors un monde complexe, tissé de mille fils inextricablement entremêlés, un monde dans lequel les êtres ne peuvent communiquer, condamnés à rester prisonnier de leurs mots, de leurs pensées, de leur incapacité à créer des liens.

L'évolution des personnages au fil du temps nous parle des échecs qui apparaissent quand la vie coule sans qu'on s'en aperçoive, et de la difficulté de trouver son identité, si identité il y a.

Les interludes lyriques ponctuent superbement ces pensées soumises aux aléas du temps qui passe :

« Sur la maison, le soleil déversait des rayons plus larges. La lumière toucha quelque chose de vert au coin d’une fenêtre, et en fit un bloc d’émeraude, une grotte du vert le plus pur, tel un fruit dénoyauté. La lumière aiguisait le rebord des tables, des chaises, et ourlait de délicats fils d’or les nappes blanches. A mesure que le jour croissait, les bourgeons éclatèrent çà et là, dépliant brusquement leurs fleurs veinées de vert palpitantes comme si l’effort fait pour s’ouvrir les avait mises ne branle, et leurs frêles battants frappant contre leurs parois blanches fit un vague carillon. Les choses se fondaient, perdaient doucement leur forme ; on eût dit que l’assiette de porcelaine s’écoulait, et que le couteau d’acier devenait liquide. Et, tout le temps, le bruit des brisants retentissait, pareil aux grands coups sourds de bûches tombant sur le rivage. »

« Maintenant, je mesure la farine, je fais des confitures. Le soir, je m’assieds dans le fauteuil et je tends la main vers mon ouvrage ; j’entends mon mari ronfler ; je relève la tête quand le passage d’une charrette met dans les vitres le reflet d’une lanterne, et je sens les vagues de ma vie se presser, se briser contre moi comme autour d’un tronc d’un arbre. Et j’entends des cris, et je vois d’autres vies flotter comme des brins de paille autour des piles d’un pont, tout en faisant courir mon aiguille à travers mon calicot. »

 

Un très beau roman qui nous mène aux portes de la conscience...

Ce que j’ai moins aimé :

C’est une lecture difficile, qui demande concentration et abnégation pour une plongée en apnée dans les affres de la conscience...

« Pour lire ce poète, il faut mettre de côté ses antipathies, sa jalousie et surtout ne pas l’interrompre. Il faut avoir beaucoup de patience, et des soins infinis, et laisser venir à la surface les découvertes de la lumière, qu’il s’agisse de pattes d’araignée délicatement posées sur une feuille ou de l’eau qui gargouille dans un malpropre tuyau d’égout. Rien de doit être rejeté avec crainte, avec horreur. (…) et c’est ainsi (tandis que ces gens continuent leur conversation) qu’on laisse descendre son filet de plus en plus loin de la surface, pour le retirer ensuite avec précaution, et ramener à la lumière ce que ces hommes et ces femmes ont dit, et en faire un poème. »

Premières phrases :

« Le soleil ne s’était pas encore levé. La mer et le ciel eussent semblé confondus, sans les mille plis légers des ondes pareils aux craquelures d’une étoffe froissée. Peu à peu, à mesure qu’une pâleur se répandait dans le ciel, une barre sombre à l’horizon le sépara de la mer, et la grande étoffe grise se raya de larges lignes bougeant sous sa surface, se suivant, se poursuivant l’une l’autre en un rythme sans fin. »

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Du même auteur : La promenade au phare

Autre : Enfance de nathalie SARRAUTE

D’autres avis :

Lecture commune avec Keisha et Flo

Télérama 

Les vagues, Virginia Woolf, traduction de Marguerite Yourcenar, Le livre de poche, Biblio romans, 288 p., 1982, 6 euros


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