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[Europe - Veille antifasciste] Marine Le Pen, invitée d’honneur au bal de l’extrême droite européenne à Vienne – LeMonde.fr

Publié le 30 janvier 2012 par Yes

Marine Le Pen lors d'un meeting à Bordeaux le 22 janvier dernier.

Marine Le Pen lors d’un meeting à Bordeaux le 22 janvier dernier.REUTERS/REGIS DUVIGNAU

Vienne Correspondante – C’était son premier bal à Vienne, mais aussi l’occasion de resserrer ses contacts avec d’autres dirigeants de l’extrême droite européenne. La candidate du Front national (FN) à l’élection présidentielle française, Marine Le Pen, était l’hôte de marque, vendredi 27 janvier dans l’ancien palais impérial de la Hofburg, du fringant Heinz-Christian Strache, chef du Parti de la liberté (FPÖ), qui affiche son ambition de devenir chancelier d’Autriche.

Avant de valser avec les étudiants “combattants”, adeptes de duels virils au sabre, la présidente du FN, en longue robe noire, a dû attendre que les forces de police aient éloigné des milliers de manifestants décidés à perturber la soirée. Ceux-ci avaient répondu à l’appel de SOS Mitmensch (SOS Racisme), des Verts et d’organisations liées au Parti social-démocrate ou aux Eglises. M. Strache a dénoncé une “atteinte à la dignité humaine” des invités, parfois pris à partie dans la rue par les protestataires.

Le bal des corporations estudiantines à Vienne est toujours un événement controversé. Principal réservoir de cadres du FPÖ, les Burschenschaften (de Bursch, jeune homme) comptent environ 4 000 membres, engagés leur vie durant dans des fraternités dont les noms – Aldania, Vandalia, Gothia, Silesia – cultivent une germanité mythique. L’une d’entre elles, Olympia, est considérée comme proche du néonazisme, mais a su conquérir des positions influentes : par exemple celle occupée par Martin Graf, troisième vice-président du Parlement autrichien, où il a reçu vendredi la délégation du FN.

Cette année, les polémiques étaient d’autant plus vives que l’organisation du bal coïncidait avec le 67e anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. Le président de la République, Heinz Fischer, et des représentants de la communauté juive ont commémoré l’événement lors d’une cérémonie sur la place des Héros, au pied de la Hofburg. L’ancienne résidence d’hiver des empereurs d’Autriche abrite le siège de la présidence, mais toute une aile du bâtiment est louée pour des conférences ou des réceptions. “Peut-on imaginer qu’un extrémiste comme (Jean-Marie) Le Pen aille danser au palais de l’Elysée ?”, s’est indigné le député Vert Karl Öllinger.

Le ton est encore monté quand, il y a quelques semaines, le comité autrichien de l’Unesco a accepté comme “bien culturel immatériel” une liste des “bals viennois” sur laquelle figurait celui de l’extrême droite. L’écrivain Elfriede Jelinek, Prix Nobel de littérature, a aussitôt exigé la démission du comité national de l’Unesco pour cette “honte infligée à l’Autriche”. Ce dernier s’est contenté d’annuler sa décision, et de regretter son étourderie.

La société de gestion du centre de conférences s’est exposée pour sa part aux foudres du FPÖ en annonçant qu’elle refusait de louer à l’avenir les salons de la Hofburg aux Burschenschaften. “Mais le FPÖ va revenir au pouvoir (comme entre 2000 et 2005), a prédit, sur un ton menaçant, l’un de ses dirigeants, le général à la retraite Wolfgang Jung, et alors on verra bien si cette société ne change pas d’avis.”

Un sondage, publié le 27 janvier par le quotidien Kurier, place le FPÖ, avec 28 % des intentions de vote, au même niveau que le parti social-démocrate, le SPÖ, qui gouverne avec les chrétiens conservateurs de l’ÖVP (tombés à 23 %). Et dans les préférences des Autrichiens, M. Strache talonne le chancelier Werner Faymann (SPÖ).

MME LE PEN RETROUVE SES PARTENAIRES DE L’ALLIANCE EUROPÉENNE POUR LA LIBERTÉ

C’est dans ce climat que Marine Le Pen, qui avait tenu avant l’été 2011 une conférence de presse au Parlement européen aux côtés de M. Strache, a choisi de faire son apparition à Vienne. Elle y a retrouvé, au cours d’un dîner de travail, ses partenaires de l’Alliance européenne pour la liberté (AEL). Fondée fin 2010, cette plate-forme rassemble des formations eurosceptiques d’extrême droite, à l’image du FN, du FPÖ et du Vlaams Belang flamand, et des souverainistes de la droite conservatrice, comme l’UKIP britannique.

Des nationalistes slovaques étaient également attendus à la réunion de Vienne, à laquelle participait le député Kent Ekeroth (Démocrates suédois). Le point de convergence de l’AEL, selon le chercheur français Jean-Yves Camus, est “une défiance envers l’islam”. Le Jobbik hongrois se rattache à un tout autre courant, marqué par de l’antisémitisme et une hostilité contre la minorité tzigane : sans crainte de se singulariser en Europe, il a ainsi organisé à Budapest, fin 2011, un rassemblement de soutien à l’Iran des mollahs, pour le défendre contre les “menaces israéliennes”.

Mme Le Pen n’a, au contraire, jamais caché qu’elle voudrait être reçue en Israël, afin de casser l’image radicale du Front. Peut-être a-t-elle reçu, entre deux valses, des conseils de M. Strache, qui s’est fait inviter, en décembre 2010, par l’extrême droite israélienne : son défunt prédécesseur, Jörg Haider, n’y était jamais parvenu.

Joëlle Stolz

Marine Le Pen, invitée d’honneur au bal de l’extrême droite européenne à Vienne – LeMonde.fr.


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