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Comment Sarkozy détruit 18 mois de "présidentialisation"

Publié le 03 février 2012 par Juan
Le jeu devient étrange. En 2007, le candidat Sarkozy avait réussi sa « transformation ». Du « J'ai changé » prononcé une trentaine de fois lors de son discours de campagne jusqu'au débat du second tour de la présidentielle, il était parvenu à créer l'illusion d'être ouvert, calme et tolérant. Nous savions qu'il en était rien, mais une large fraction des 53% de l'électorat exprimé qui vota pour lui dut attendre quelques ... heures pour découvrir que Sarkozy se voulait Monarque et restait agité comme toujours. Un dîner au Fouquet's, une escapade dans un yacht de milliardaire, et hop, voici un quinquennat marqué par un indécent Bling Bling !
Pour 2012, le futur-déjà candidat Sarkozy s'était  « re-présidentialisé »: de prises de distance en déplacements thématiques, il voulait se forger l'image d'un chef d'Etat, au-dessus des partis et courageux dans la tempête économico-financière qui nous entoure. Il n'en était rien, mais il y travaillait beaucoup.
Depuis une dizaine de jours, il semble pourtant agir comme si ces dizaines de mois d'effort sur lui n'avaient plus d'importance.  Faut-il qu'il soit aux abois pour se comporter ainsi.
Jugez plutôt la séquence qui se déroule sous nous yeux depuis le début de la semaine.
Inquiet
Mardi, Nicolas Sarkozy convoquait précipitamment près de 400 députés et sénateurs UMP pour une séance de motivation expresse dans la salle des fêtes de l'Elysée. Il se lâcha contre François Hollande, espérant bien que chacun des parlementaires présents, de Twitter aux plateaux de télévision ou de radio, s'évertue à répéter les petites phrases.
Mercredi, en Conseil des ministres, le voici qu'il menace quelques ministres.
Jeudi, il fit semblant de sourire à l'interpellation d'un ouvrier, sur un chantier de l'Essonne, sur sa propre candidature. Il est candidat, mais il ne pouvait répondre qu'un laconique « on se comprend ». La veille, il avait encore confier une salve de petites phrases qu'il voulait répétées. Il avait peur, comme le Figaro, de ses mauvais sondages.
Un journaliste de l'Obs estimait récemment qu'il s'agissait d'une façon pour forcer l'agenda médiatique et replacer l'attention sur sa modeste personne. La tactique est effectivement évidente. Mais ces fausses confidences à répétitions dessinent surtout un sale portrait du Monarque, à mille lieux de l'image qu'il s'est patiemment attaché à construire depuis 18 mois. 
Méprisant
Dans la soirée, c'est à nouveau François Hollande qui eut droit aux honneurs verbeux du Monarque. D'après Nathalie Schuck du Parisien, Sarkozy recevait quelques élus proches (Valérie Rosso-Debord, Franck Riester, Bruno Retailleau, Eric Ciotti).
Contre Hollande, l'attaque fut sans finesse: «  il a tiré toutes ses cartouches, sa déclaration de candidature, son premier meeting, son projet, sa grande émission. Qu'est-ce qu'il lui reste ? Pouf, il se prend de la farine sur la tête ! » Ou encore: « Les socialistes ne peuvent pas gagner avec ce programme. Tous ceux qui sont sûrs de gagner une élection l'ont toujours perdue ».
Ces bons mots amusaient une galerie plutôt réduite.
Devant des ouvriers du bâtiment, dans l'Essonne jeudi, Nicolas Sarkozy parle de sa fille, de son humeur, de la météo et de sa candidature. Le candidat était en spectacle puisqu'il y avait des médias spectateurs. Certains journalistes restaient lucides. 
Narcissique
Sur lui-même, Nicolas Sarkozy cherchait les compliments. Quitte à se les donner.
Publiquement, il joue la modestie, le président dont l'expérience a durci et calmé les ardeurs. En coulisses, on redécouvre un agité narcissique.
« C'est pas mal d'être là où j'en suis en n'étant pas candidat. Il y a quatre mois, on me contestait le leadership à droite avec Villepin. Après, on m'a contesté le leadership au centre avec Borloo, dont on disait qu'il serait devant moi. Tout ça est déblayé. J'ai fait l'unité de la famille ».
A propos de son intervention télévisée de dimanche, il fut énorme : « Seize millions, c’est énorme! J’ai pris des risques, il y avait des films sur les autres chaînes »... Quel risque !
Menteur
Laurent Wauquiez, son jeune premier de la lutte contre le cancer social, a aussi mouillé sa chemise pour louer la grandeur de l'action de son mentor. Jeudi 2 février 2012 sur BFMTV/RMC, il a assuré que « rien n'aurait été possible sans l'engagement du président » pour sauver Lejaby... Fichtre ! Que s'était-il passé ? Et bien, selon Wauquiez, Nicolas Sarkozy aurait été utile pour « activer des outils de politique de l'emploi, notamment de formation et de reconversion professionnelle... et à chaque fois son action a été déterminante »... L'exercice de langue de bois était parfait.
Qu'était-il arrivé à l'usine Lejaby d'Yssingeaux ? Un généreux entrepreneur s'était enfin proposé de reprendre l'établissement et ses 93 salariés. Vincent Rabérin est PDG de la Sofrema, installée dans l'Allier. Pourquoi cet investissement ? Son principal client est LVMH, et Bernard Arnault l'a assuré de « lui allouer, au cas où sa proposition aboutirait, un plan de charge de plusieurs années, assurant le maintien des emplois sur place ». Et le patron de LVMH ne s'en cache pas, bien au contraire: « Nous sommes fiers aujourd'hui de faciliter le sauvetage des emplois du site d'Yssingeaux et de contribuer ainsi à la bataille pour l'emploi en France ». On comprend mieux ce que sous-entendait Laurent Wauquiez. « Nicolas Sarkozy l'a voulu, Bernard Arnault l'a fait » commenta Nicole Vulser du Monde.
Si l'on doit se réjouir pour les employé(e)s de l'usine, on peut aussi s'interroger: la politique industrielle version Sarkozy se limite-t-elle à l'activation électoraliste du carnet d'adresses du Monarque ?
Déstabilisé ?
A quelques proches, il a aussi confié combien il était heureux qu'on parle de ses propositions et non de celles du candidat Hollande. La remarque était délicieuse. Son déplacement en Essonne, largement médiatisé, ne fit pas illusion.
Ces propositions sur le logement restent tardives, à quelques semaines du scrutin présidentiel. Et elles furent dénoncées de toutes parts. L'envoyé spécial du JDD en Sarkofrance notait ainsi: « Opposition politique, représentants des collectivités locales et promoteurs se sont élevés contre ce plan, jugé "inefficace" et "déraisonnable" avant sa présentation courant février au Parlement.»
Jeudi soir, Nicolas Sarkozy avait laissé son premier collaborateur Fillon expliquer combien il regrettait quelques échecs de ce quinquennat. « Bien sûr, nous n'avons pas tout réussi, bien sûr qu'il y a eu des espérances que nous avons déçues, bien sûr la crise a bousculé un certain nombre des réformes que nous voulions engager »...
On apprit aussi qu'Emmanuelle Mignon, l'ex-rédactrice - ou présentée comme telle - du programme de 2007, allait rejoindre la campagne de Nicolas Sarkozy.


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