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Liss nous parle du dernier roman de Tchicaya U Tam'Si

Par Gangoueus @lareus
Il est parfois difficile de justifier pourquoi un auteur nous touche plus que les autres. Difficulté qui s’accroît quand cet auteur est très peu connu du public. On a le sentiment d’être une sorte d’extra-terrestre qui vend un projet que beaucoup ont trouvé désuet. Pourtant Tchicaya U Tam’Si reste l’un des meilleurs romanciers francophones qu’il m’ait été donné de lire, même si les spécialistes diront que l’essentiel est dans sa poésie.
Liss nous parle du dernier roman de Tchicaya U Tam'Si
Mon rythme de vie très lié à ma relation avec le livre explique la difficulté que j’ai avec le genre de la poésie qui exige de la part du lecteur une certaine disponibilité. Si on rajoute le faite que la poésie que j’ai lu de Tchicaya U Tam’Si est très ancrée dans le contexte de son écriture, à savoir les indépendances africaines et sa fascination pour des figures marquantes comme Lumumba, on a là les éléments de ma distance avec cette poésie.
Par contre le roman de Tchicaya U Tam’Si, genre que l’auteur a travaillé sur la fin de sa vie pendant les années 80 est très riche et forte. D’abord par le recul sur le sujet, à savoir le Congo colonial et postcolonial, que cet intellectuel qui vécut la majeure partie de sa vie en exil porte. Une distance à la fois géographique et temporelle. Alors qu’au moment où il se lance dans la prose, la génération qui le suit avec Henri Lopès, Tierno Monémembo, Sony Labou Tansi, Alioum Fantouré ou Williams Sassine
décortiquent la faillite des élites et des potentats ayant hérité de la structure des pays indépendants, Tchicaya U Tam’Si se propose d’évoluer à contre-courant de cette mouvance et revisitant cette Afrique colonisée et mouvant ses personnages dans ce contexte, au début du 20ème siècle, pendant les deux guerres, après la seconde guerre mondiale, aux indépendances. On voit au fil des pages, toujours dans le contexte de la saga familiale, le lien au colon, les consciences se construire au gré des grands épisodes de ces périodes. On voit aussi ce Congo là au travers de personnages très variés qui souvent entourent le lignage conducteur et qui révèlent la vie, la danse, la mode, les mœurs, la passion, l’ethnie, la politique, la lutte sur cette époque qui reste relativement méconnue. Je pense d’ailleurs que la dimension historique et intime qu’y fait la force la série des romans de Tchicaya U Tam’Si. Si je m’arrête là, je délaisse le style poétique de l’auteur congolais qui se prend au roman. Hors, c’est la principale raison qui doit nous amener à découvrir les textes romanesques de Tchicaya U Tam’Si : son esthétique poétique. Enfin, et c’est assez étonnant pour un auteur ayant vécu si longtemps de ses terres, c’est l’auteur congolais dont les romans sont les plus ancrés dans la culture kongo. De mon point de vue. Une oralité accompagne ses textes, la spiritualité de ces personnages est beaucoup plus ancrée et assis dans ces cultures.
Ces fruits si doux de l’arbre à pain est son dernier roman. Paru à titre posthume. Liss Kihindou en fait un magnifique portrait. On retrouve là encore la saga familiale. Un roman où Tchicaya U Tam’Si démontre magnifiquement si beaucoup habite le Congo, au bord de la Seine, le Congo l’habitait profondément.
Liss Kihindou présente Tchicaya U Tam'si par Mouyeke
Tchicaya U Tam'Si : Ces fruits si doux de l'arbre à pain
Editions Seghers, Paris, 1ère parution en 1987, 327 pages

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