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Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Publié le 03 février 2012 par Donquichotte

J. A. Bertrand

« Commandeur des Incroyables et autres Honorables Correspondants »

Ph.-J. C., dans Le Monde des Livres,  critique ce petit bouquin et titre son article « Un manuel de sagesse ». C’est un titre un peu abusif.

La raison, écrit le critique, échoue à comprendre l’homme.

Et il cite Bertrand: « Dans l'état actuel des choses, il n'est pas raisonnable de prétendre connaître le sens de la vie. Par conséquent, il ne serait pas davantage raisonnable de prétendre que la vie n'a pas de sens. » Et la sentence de tomber : « Nous vivons. Sans trop savoir comment. Nous avons pour le moins un problème de mode d'emploi. » (ce meilleur moment d’écriture arrive à la page 50)

Et dans ce livre, ajoute-t-il, je trouverai une réflexion portant sur « la fin du monde indien des Grands Lacs ».

Voilà ce qui m’a intrigué surtout et j'ai acheté le livre de Bertrand.

J’y ai trouvé un texte qui a été rempli-bourré-un-peu-enflé de trois histoires-faits-divers. Comme on peut en découvrir beaucoup d’autres sur Internet.

J’ai eu du mal à lire ce livre jusqu’au bout, - des faits divers on en connaît tellement, et même de plus atroces ; et sur internet, on en découvre des milliers d’autres – mais « la fin du monde indien », une fresque « miniature et magistrale », écrit Ph.-J. C., me réservait quelques surprises. Je sais, l’histoire des Indiens d’Amérique est bien connue et documentée aujourd’hui, mais quand même. C’est peut-être parce que je ne connais pas assez bien mon Histoire du Québec, sans doute. On peut consulter le portail des Autochtones au Québec, on y trouve la carte des réserves amérindiennes dans la province de Québec:

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».
Indien Micmac au Québec

Voilà (aux pages 79 à 123 du livre de Bertrand) qui achevait heureusement ma lecture. Voyons certains faits relatés par Bertrand :

Amherst

Le gouverneur anglais Jeffrey Amherst  eut une idée radicale pour régler la question indienne en Amérique : « supprimer les Indiens ». Il fit alors distribuer aux Indiens Delaware en 1763 des couvertures infectées de petite vérole. C’était tout simple : une sorte de guerre bactériologique, de nombreux villages indiens disparurent tout aussi simplement.

L’autre bonne idée du genre fut de distribuer – quatre-vingt mille litres pour la seule année 1803 – du mauvais whiskey et du rhum aux indiens. On le sait, rappelle Bertrand, « l’enzyme hépatique permettant de métaboliser est chez les Indiens faiblement actif ». D’où leur incapacité à boire raisonnablement, ils sont ivres tout de suite. Et les dommages collatéraux, immenses.

Ils y croyaient

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Le chef Yellow Shirt

Les Indiens, voyant les Anglais voyager si facilement vers l’Angleterre, - des bateaux arrivaient et partaient avec une telle fréquence – ont cru que ce pays ne devait pas être très loin. Ils décidèrent d’aller là-bas vendre leurs fourrures directement aux Anglais (sans les intermédiaires qui ne cessaient de diminuer les prix).

« Pendant des mois, en secret, ils accumulèrent peaux et fourrures et améliorèrent leur flotte de canoës. Et, un jour, toute la population de la tribu, à l’exception des jeunes enfants, des vieillards et des malades, prit la mer. À peine étaient-ils parvenus au large qu’un ouragan se leva. D’énormes vagues recouvrirent les frêles embarcations. Seul un petit nombre de rescapés réussirent à nager en direction d’un navire qui les recueillit. C’était un négrier anglais. Ils furent vendus aux enchères, quelques jours plus tard, sur un marché aux esclaves des Antilles ».

Bertrand a relevé que, « en 1730, un quart des esclaves américains étaient des Indiens ».

Les Iroquois ont inventé la démocratie en Amérique? Et oui...

Les Iroquois – habitant des maisons longues : « Haudenosaunees » - sont pour moi, les membres de la tribu indienne la plus cruelle d’Amérique ; ils ont massacré tant de gens, on nous l’a appris comme ça dans nos cours d’histoire du Québec, dont les pères missionnaires jésuites Jogues , Brébeuf, Lallemant, Goupil etc...

Et pourtant, rappelle Bertrand, ce sont ces mêmes indiens – leurs cinq nations forment une confédération - qui « ont renoncé au cycle de violences qui durait depuis des siècles. Fondée sur des principes moraux, la confédération est ainsi devenue la première démocratie américaine. Benjamin Franklin qui leur a rendu visite retiendra l’idée de nations fédérées et s’inspirera de la Grande Loi iroquoise, Gayanashagowa, pour la constitution des Etats-Unis ».

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Anecdote moderne - au goût d'aujourd'hui - 

Une des tribus iroquoises, les Mohawks, a fait parler d'elle au Québec en 1990 lors de la Crise d'Oka.

Extrait de Wikipedia: "Les Mohawks dont la signification est « mangeur d'homme » dans la langue de leurs ennemis héréditaires, les Algonquins, mais dont le vrai nom est « Kanienkehaka » signifiant « peuple du silex », sont appelés Agniers en français et Maquas en Nouvelle-Néerlande, sont l'une des six grandes nations iroquoises, qui sont, d’est en ouest : les Tuscaroras, Sénécas, Oneidas, Onondagas, Cayugas et Mohawks. Le nom iroquois est un mot algonquin qui signifie « serpent venimeux ». Les six nations préfèrent s’appeler « Haudenausee » qui signifie « Peuple de la maison longue ». La crise d'Oka est une crise politique qui opposa la nation mohawk aux États québécois et canadien, durant l'été 1990 (11 juillet - 26 septembre). La crise demandera l'intervention de l'armée canadienne".

Le souvenir que le Québécois garde de cet épisode, c'est que les Mohawks, appuyés de leurs alliés américains - dits les Warriors; cela fait plus guerrier, et présente un air plus méchant - ont tenu tête à l'armée canadienne pendant plusieurs semaines, et soulevé une sorte de sentiment pro-indien à l'échelle internationale. Nous, les Québécois, étions les "méchants" dans toute cette histoire.

Ces photos ont fait le tour du monde...

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

Discours du chef indien Seattle (en 1854): « Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

La photo qui a ému le Monde entier

L'auteur soutient que très vite cette photographie, celles du bas, a servi le puissant dispositif interprétatif légitimant l'usage de la répression à la faveur de la criminalisation du résistant amérindien.

Le souvenir qu'on a souvent voulu retenir des événements de Kanesatake-Oka et de Kahnawake, celui d'une confrontation entre des «guerriers» amérindiens érigeant des barricades et les forces de l'ordre chargées de rétablir la paix, s'est cristallisé dans la photographie du face-à-face opposant un jeune soldat de l'armée canadienne et un warrior masqué et armé l'injuriant.

Voir le site "Crise d'Oka" qui présente la chronologie de l'événement.

Mais on va quand même les massacrer, et tous les autres

Ce qui va aussi étonner les Américains, nous sommes alors en 1879, et plus particulièrement son chef, Washington, qui a envoyé son général Sullivan pour détruire le territoire de la Confédération iroquoise, c’est de découvrir la prospérité des villes abandonnées par les Iroquois au fur et à mesure qu’ils arrivaient pour les détruire. Ils découvrent aussi que les indiens ne sont pas si hostiles ni si sauvages qu’on le dit. « Ceux-là possédaient des chevaux, des chariots, des vaches et vivaient mieux que pas mal de fermiers américains... Tout sera détruit. On brûlera jusqu’aux arbres fruitiers ».

Nous sommes alors dans l’après-guerre d’indépendance (1875) qui a été couteuse, et les Américains sont ruinés. On veut s’approprier toutes les terres des Indiens. « La haine du rouge est  à son paroxysme. C’est le début des grandes carrières de tueurs d’Indiens ». Dont, Harrison qui fit détruire Prophertstown, ce qui va l’aider à arriver à la présidence ; dont Sheridan, héros nordiste pour qui « le seul bon Indien est un Indien mort » ; dont Andrew Jackson, autre futur président ; dont George Armstrong Custer etc...

Le discours du chef indien duwamish Seattle

Ces guerres contre les Indiens cessèrent un temps - si court -  avec le traité de Point Elliott, ou le chef Seattle prononce un discours mémorable (1855) dont voici un extrait

« Grâce à votre dieu, le flux de votre peuple enfle de jour en jour. Il submergera bientôt tout notre pays. Notre peuple, lui, est en train de décroître rapidement comme les mortes-eaux qui se retirent, irréversiblement (...) La nuit de l’Indien promet d’être profonde (...) Que l’homme blanc soit juste et traite mon peuple avec bienveillance, car les morts ne sont pas sans pouvoir. Mort, ai-je dit ? Il n’y a pas de mort. Seulement un changement de mondes ».

On trouve bien ce discours sur Internet, mais aussi ceci...

CE MAGNIFIQUE DISCOURS EST UN FAUX 

« Hélas, ce texte est un faux. 
Chef Seattle est l’un des premiers «prophètes manufacturés» 
de l’âge médiatique (…) Mais cette supercherie médiatique 
ne doit rien retirer, bien sûr,
 ni à la stature historique de Seattle, qui fut un grand Chef, 
ni aux idées des défenseurs de l’environnement. » 

Seattle (nommé See-ahth), Chef des indiens Duwamish et Suquamish, prononça en effet en 1854, et dans sa propre langue, une célèbre oraison à l’adresse d’Issac Steven, Commissaire aux affaires indiennes venu proposer aux premiers habitants du Nord-ouest un « arrangement territorial ». On n’en connaît aujourd’hui le contenu que par une transcription, parue trente trois ans plus tard dans le Seattle Sunday Star le 29 octobre 1887 sous la signature du docteur Henry Smith (qui semble avoir bien connu son modèle). Elle n’a que quelques phrases en commun avec la trop éloquente profession de foi qui s’est répandue depuis sur les posters, les pochettes de disques et les livres d’enfants.

Monsieur Bertrand aurait pu mentionner tout cela dans son livre.

« Le chaînon manquant » ?

J’adore, - je devrais sans doute dire tout simplement que j'aime bien - la conclusion de ce livre, moi qui recherche toujours le chaînon manquant entre les deux oreilles de l’homme, ou plus précisément, entre le corps et l’esprit :

"Mais nous savons bien, Commandeur et Honorables correspondants, que l'Homme n'a pas encore eu lieu. Ce n'est que le miracle de l'espérance. L'idée d'une extase. / Nos savants cherchent depuis longtemps le fameux chaînon manquant qui nous inscrirait définitivement dans la lignée des grands singes, le fin mot de l'Évolution. / Mais nous sommes ce chaînon manquant / Nous attendons le miracle de l'homme. / Et que notre ombre grandisse".

Ce livre, c’est mon sentiment, a pu être écrit à partir de récits rapportés sur Internet ; cela n’enlève pas la valeur du texte, bien écrit, et aussi, alimenté d’une réflexion sur la vie, sur l’homme, sur sa raison qui n’arrive toujours pas à comprendre tout ce qui lui arrive; mais le texte est simple, l'auteur retrace trois histoires, voilà, il ne peut prétendre à plus que ça.

Je ne connais de cet auteur, J.A. Bertrand, que ce livre. Alors, j’ai cherché sur le net, et j’y ai trouvé cette critique de son livre... J’aime  pas les autres, qui est, semble-t-il, « une véritable récréation, qui, contrairement à son titre,  raconte avec humour,  finesse et une jolie tendresse les années de "formation"  de Jacques A. Bertrand... »

Je n’ai pas lu ce livre mais j’y ai trouvé un extrait qui m’incite à le faire :

« Je n’ignore pas que lorsque vous trempez, ne serait-ce qu’un orteil, dans l’océan de l’humour, vous n’êtres plus pris au sérieux que par quelques lecteurs d’élite, mais je tiens à introduire ici un très court paragraphe théorique. Tout discours critique sur l’autobiographie, l’autofiction, le narcissisme et le nombrilisme, opposés au prétendu vrai roman, relève de la plus haute fantaisie. L’imagination des plus grands créateurs, si ce n’est celle du Créateur lui-même, est très limitée. Elle consiste essentiellement à réunir deux ou trois éléments qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer pour créer une idée, une image, une molécule, une sentence nouvelle. On peut tirer quelque chose de distrayant et d’instructif en juxtaposant deux mots qui, séparément, sont à peine crédibles dans les dictionnaires. Mais l’essentiel est ceci : tout roman est nécessairement biographique, fondé sur des éléments d’expérience ou d’observation transposés. Inversement, l’écriture n’étant jamais qu’une forme de transposition, toute biographie est un roman. Et l’autobiographie est vraisemblablement la forme de littérature la plus romanesque.) (Pages 39-40) »


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