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L'origine des crises économiques actuelles

Publié le 07 février 2012 par Vindex @BloggActualite
L'origine des crises économiques actuelles

Nous vivons en ce moment et depuis un certain des temps des crises économiques à différentes échelles temporelles et géographiques, dans différents domaines de l’économie. Au-delà de la crise des subprimes de 2008, ou encore de la crise des déficits publics de 2011, nous connaissons une crise globale récurrente depuis plusieurs décennies, plus ou moins marquée selon le contexte mondial et les cycles économiques.

Au-delà également des cycles économiques (de Juglar, de Kondratieff) qui eux aussi montrent une certaine alternance entre crise et prospérité, notre but est surtout d’étudier les crises économiques actuelles (la crise dans ses différents aspects) et d’en expliquer les causes possibles. Il faut aussi faire le lien entre les aspects de la crise : comment ne pas voir une corrélation évidente entre mondialisation et financiarisation de l’économie ?

En quoi existe-t-il un contexte de crise depuis une quarantaine d’année et quelles causes systémiques à cette conjecture peut-on évoquer ?

Nous nous situons sans aucun doute dans un système monétaire, financier et bancaire bien particulier, qui influence l’économie depuis plusieurs décennies vers la mondialisation, qui elle-même provoque un bouleversement des économies (en particulier occidentale) dont les systèmes sociaux, arrivés en soutient à la consommation, souffrent de plus en plus.

Notre système financier, monétaire et bancaire est né il y a environ 40 ans et fait suite au système de Bretton Woods, lui-même lancé en 1944 par les accords du même nom. Ce système faisait du dollar la seule monnaie convertible en or, la monnaie de réserve mondiale et la monnaie étalon.

Mais à partir de 1971, un évènement fait basculer le système monétaire dans une nouvelle ère.

En effet, le 15 août 1971, Richard Nixon décide de mettre fin à la convertibilité en or des dollars. Le billet vert, qui constituait à l’époque une monnaie devient alors seulement une devise (pour faire la différence entre les deux, voici des vidéos : http://www.youtube.com/user/EconomieNet?feature=g-user-lik#p/u/70/EIssx0-WQe8 et http://www.youtube.com/user/EconomieNet?feature=g-user-lik#p/u/52/Qc7WpQdIZcQ puis http://www.youtube.com/user/EconomieNet?feature=g-user-lik#p/u/53/g9iubSM3W0g) déconnectée de toute richesse physiquement existante. Cette décision, prise dans un contexte de guerre froide avait pour but de supprimer le garde-fou du change-or qui empêchait les Etats-Unis d’imprimer autant de dollar qu’ils le souhaitaient dans la course aux armements contre l’URSS. Elle fit suite également au refus de la BUBA (Deusche Bundesbank) d’accepter encore des dollars, ce qui revenait à financer l’inflation américaine.

Une fois le verrou du change-or supprimé, un problème se posa. En effet, le régime de change fixe entre les devises qui étaient jusqu’alors de rigueur ne pouvait plus continuer. Dans ce système, les devises sont toute fermement tenues à la devise de référence (qui était alors le dollar) mais peuvent par accords être ajustées. Comme cette devise, à partir de 1971, peut fluctuer, une transition fut faite vers un régime de change fluctuant. Le taux de change entre les devises est fixé par un marché spécialisé et les transactions qui y ont lieu et non plus par un accord bilatéral ou collectif entre des Etats. Ainsi, le cours des monnaies change chaque jour. Ajoutons que le dollar est resté monnaie de réserve, ce qui était pourtant contesté par la BUBA ou encore le général De Gaulle en son temps.

Le problème est que ce régime de change ne fut jamais vraiment étudié avant son instauration de fait. Seuls Milton Friedmann (libéral) et James Meade (socialiste) avaient défendu le régime de change flottant. Ils voyaient en ce système la possibilité de limiter la spéculation, de mener une politique monétaire sans contrainte, de faire circuler les capitaux. En réalité, des critiques ont suivi l’instauration de ce régime, car les déséquilibres ont persisté et car tous les pays n’ont pas pu mener une politique monétaire : il fallait avant tout pouvoir disposer d’une monnaie crédible aux yeux des acteurs économiques. De même, l’apparition d’un marché nouveau, celui des devises, a augmenté la sphère financière et n’a pas épargné une augmentation de la spéculation. Robert Mundell critique les résultats de ce système, qui a abouti selon lui à plus de volatilité, à des taux d’intérêts non harmonisés, à une spéculation croissante (notamment pas les attaques contre les devises) et à une instabilité financière structurelle. Aussi, il souligne le fait que ce système a engendré plus d’épisodes de crises financières et monétaires. Maurice Allais fut lui aussi très critique face à ce système de changes flottants.

Dans le même temps, pour s’adapter à ce système et tenter de mettre en place de nouveaux garde-fous, des lois ont tenté de réguler la création monétaire et l’inflation. Ce fut le cas le 3 janvier 1973 avec la loi Pompidou-Giscard en France, qui avait pour but d’interdire à l’Etat d’emprunter de l’argent à la banque de France. Une telle loi est faite pour renforcer la discipline budgétaire nécessaire dans ce cadre nouveau et limiter l’inflation. Telle ne fut pas vraiment le cas et pour plusieurs raisons.

Tout d’abord parce l’inflation correspond non seulement à une augmentation des prix, mais aussi plus largement à une croissance de la masse monétaire. Le fait que les Etats empruntent désormais de l’argent sur les marchés financiers à des taux plus importants que s’ils ne le faisaient à leur banque nationale participe à une création monétaire plus abondante. C’est d’autant plus vrai que les banques ont dès lors pris en charge la création monétaire. Elles le firent simplement par le crédit en inscrivant des chiffres sur leurs ordinateurs dès qu’elles accordaient un crédit. Par exemple, lorsqu’une banque crée 10 000 euros en accordant cette somme à un particulier, elle le fait simplement en créant de l’argent, et non pas en prélevant cette somme dans ses fonds propres. De même, cette somme créée n’est effacée que lorsqu’elle est remboursée. Entre temps, par le système des réserves fractionnaires, la banque inscrit cette somme à son bilan qui grossit et lui permet de prêter (ou plutôt de créer) toujours plus (car les banques peuvent en fait prêter environ 10 fois ce qu’elles ont en fonds propres). Tout cela entraîne une croissance énorme de la masse monétaire, correspondant à une montagne tout aussi importante de dettes.

Ensuite parce que cette loi comptait sur l’effet dissuasif des taux d’intérêts pour inciter l’Etat à adopter une discipline budgétaire. Le problème est que dans les mêmes années survinrent des crises économiques liées aux chocs pétroliers. Ceux-ci ont entraîné une inflation importante contre laquelle la loi de 1973 n’a pas pu lutter. Elles ont aussi été à la cause de la mise en place de certaines politiques d’Etat pour soutenir la consommation et l’activité économique (en crise), ce qui a entraîné le début de l’endettement inexorables de nombreux Etats. Ainsi, l’endettement des Etats nous amène à une situation où les dettes s’appuient les unes contre les autres, construisant une pyramide fragile de dettes. Les Etats se prêtent entre eux-mêmes, ce qui fait que l’endettement des Etats est systémique : les Etats sont interdépendants dans leur endettement. Regardez ainsi ce graphique qui montre bien comment les Etats se prêtent entre eux : http://www.bbc.co.uk/news/business-15748696.

Traitons maintenant de la mondialisation de l’économie. Il s’agit d’un processus historique relancé après 1945. Il tend à développer les échanges de biens et de services au niveau international, à décloisonner les barrières économiques et commerciales, à favoriser le développement d’un marché mondial et d’une finance internationale.

Avec les innovations technologiques, la mondialisation a contribué à faire baisser les coûts du transport et de l’information, favorisant donc une nouvelle redistribution des activités économiques au niveau mondial. Cela a notamment permis aux entreprises de s’installer plus facilement à l’étrangers (pour faire des économies d’échelles) tout en étant à proximité du marché (le coût des transports diminuant toujours plus). La mondialisation s’est en réalité installée sans réelle précaution. Elle a permis à de nombreuses entreprises de délocaliser leurs activités vers des pays sous-développés ou en voie de développement pour profiter des normes sociales et environnementales peu contraignantes. Cela a donc entraîné une rapide désindustrialisation des économies occidentales, notamment de la France, où elle ne représente plus que 15,6 pour cent du PIB contre plus de 26 pour cent en 1978. Ainsi la mondialisation a amené à une nouvelle division internationale du travail, inévitable, puisque des mains-d’œuvre aux conditions sociales différentes étaient en concurrence.

Ce processus de mondialisation aboutit aussi à une globalisation de la concurrence économique, quelque soit les conditions économiques et sociales des pays, d’autant plus avec une politique de dérégulation et de désengagement de l’Etat dans l’économie pour tenter de lutter contre la crise de ces mêmes Etats. Ainsi le contrôle de l’Etat sur les capitaux, les acteurs économiques, les politiques économiques s’est amoindri. Cette mondialisation se caractérise aussi par les investissements toujours plus transnationaux et la constitution de firmes transnationales. Ces firmes transnationales ont une importance croissante. Au nombre de 43 060 selon des chercheurs suisses de l’école Polytechnique de Zurich, elles contrôlent l’économie mondiale. En effet, 737 sociétés contrôlent 80 pour cent du PIB mondial et même 147 concentrent 40 pour cent de ce chiffre et 75 pour cent des échanges commerciaux. Ces firmes forment selon les mêmes chercheurs une sorte de super entité économique. Dans ces firmes, les trois quarts appartiennent au secteur financier, qui détient donc la majorité du PIB mondial. Cette concentration diminue la concurrence réelle et augmente le risque systémique.

Dans ce contexte, le système social français, financé par l’activité, fut déséquilibré. Il a fallut plus d’argent (pour aider plus de chômeurs suite aux délocalisations), à partir d’un nombre d’actifs qui augmentaient peu. Aussi le vieillissement de la population a augmenté le nombre de retraités par rapport au nombre d’actif. L’Etat a donc toujours plus emprunté sur les marchés financiers pour maintenir ce système, qu’il aurait été difficile d’alléger ou de supprimer dans un contexte économique et social morose (dû aux chocs pétroliers et diverses crises) et dont une éventuelle suppression n’aurait pas suffit au vu d’un tel dumping social exercé par les pays du sud.

Cette mondialisation des échanges, a été favorisée par le développement plus ou moins important d’organisations continentales et internationales, comme l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce, qui fait suite au GATT en 1994), l’Union Européenne (union douanière, économique, en partie monétaire et politique, qui fit suite à la CEE à partir du traité de Maastricht de 1992), l’ALENA (le libre échange nord-américain effectif depuis 1994)… Ces organisations font régner la liberté des échanges, luttent contre le protectionnisme plus ou moins important de certains Etats par des sanctions financières.

Enfin, nous pouvons évoquer une lente mais sûre financiarisation de l’économie. Celle-ci est le résultat des deux grandes évolutions que nous avons évoquées avant : la mise en place d’un nouveau système financier et monétaire, et l’installation progressive de la mondialisation. Tout cela a poussé à des politiques dites « néo-libérales », contre l’intervention de l’Etat dans l’économie et pour une dérégulation financière, parfaitement dans la logique de la mondialisation (dans laquelle les Etats ont moins de pouvoir sur l’économie) et du système financier et monétaire (plus fluctuant).

Dans La crise mondiale d’aujourd’hui, en 1998, Maurice Allais explique les similitudes entre la crise de 1929-1934 et la crise qui selon lui a commencé en Asie en 1997. Il évoque un système financier et monétaire instable, une spéculation énorme sur les monnaies et les actions, le financement à long terme par des emprunts à court terme et la création et la destruction des moyens de paiement par le crédit. La crise actuelle selon Maurice Allais a cependant un facteur aggravant : la mondialisation (qui entre temps s’est développée) entraîne une extension du nombre de pays concernés par une telle situation économique, et en décuple le potentiel destructeur. Le développement d’un chômage massif et structurel en Europe est aussi aggravant selon lui par rapport à 1929. Ce chômage, associé à des inégalités, est selon lui dû à une mondialisation « précipitée et excessive ».

Selon lui, le système de création et destruction monétaire par le crédit est instable car il entraîne un phénomène de duplication monétaire, ne reposant que sur un jeu d’écriture et sur une couverture fractionnaire des dépôts. Comme la masse monétaire dépend du crédit, elle dépend beaucoup des fluctuations psychologiques de l’économie : la masse monétaire croît en période d’optimisme, et décroît en période de pessimisme. C’est aussi ce qui fait l’instabilité du système.

La financiarisation de l’économie se caractérise notamment par une spéculation en croissance. Elle commence dès 1973 avec le passage au régime de changes fluctuants, qui, couplé à un fonctionnement généreux du crédit, a permis de multiplier les transactions spéculatives sur les monnaies par la possibilité d’échanger à crédit une monnaie contre une autre. La spéculation sur les actions et obligations s’est accrue dans les années 80 grâce au développement de fonds d’investissements, de marchés et grâce à l’essor des produits dérivés (censés assurer un risque consécutif à l’achat d’un produit financier). La création monétaire et le développement incroyable du crédit ont aussi soutenu ce développement spéculatif. La succession planétaire des cotations, dues à la mondialisation, et le fait que la cotation se fasse continuellement sur chaque bourse ont aussi permis le développement d’une spéculation en « intraday », c'est-à-dire sur une seule journée (par exemple le fait d’acheter une action et de la revendre trois heures plus tard). Cette spéculation est rendue possible en continue par la constitution et le développement de programmes informatiques d’achat et de vente boursière. La spéculation se fait même sur les indices, produits dérivés, sur les faillites des Etats, sur les matières agricoles…

Le crédit a été toujours plus déréglé lorsque Bill Clinton, pour amener les américains à la propriété, a demandé aux banques d’assouplir leurs conditions d’accession au crédit. Les subprimes sont nées de cette demande qui a été acceptée car Bill Clinton a dans le même temps supprimé le Glass Steagall Act (ce qui a permis aux banques de pratiquer des activités de dépôts et d’investissement en même temps) et a assuré la garantie de l’Etat en cas de difficultés bancaires. Ainsi, des prêts à taux variable (donc instable) ont été accordés à des gens insolvables en l’échange d’une garantie : celle de l’hypothèque du bien immobilier. Bénéficiant d’une véritable bulle immobilière, les subprimes se sont développés et ont engendré l’accumulation de pertes immenses, qui se sont manifestées en 2008.

Ainsi, nous avons vu que les crises de l’économie réelle consécutives à une mondialisation désordonnée sont liées aux crises de l’économie financière, toujours plus importante et fictive. Le système monétaire, financer et banquier actuel est des plus instables, la création monétaire est fictive et toujours plus importante, aggravant un risque systémique étendu sur la planète entière. Les crises économiques sont de plus en plus fréquente. Nous en avons connu plusieurs ces dernières années et la crise des Subprimes de 2008 pourrait bien n’être qu’un avant goût d’une crise prochaine, dont le démarreur fut les dettes publiques des Etats en 2010 et 2011.

Il faut ajouter à cela que la mondialisation n’est pas un processus éternel : en effet, les conséquences de cette mondialisation sont de plus en plus néfastes pour l’économie de certains Etats qui s’endettent toujours plus, qui connaissent une activité décroissante. Elle provoque des tensions sociales non négligeables. Mais surtout, ce qui a permis le développement de la mondialisation est en pleine crise : les ressources disponibles en énergie, notamment en pétrole, ne sont pas illimitées, et les mécanisme du crédit bancaire sont déréglés et instables pour l’économie. A cela nous pouvons ajouter la crise climatique : le réchauffement climatique, qu’il soit d’origine humaine ou non, semble effectif et pourrait bien affecter considérablement les zones portuaires au cœur de la mondialisation, par une montée progressive du niveau de la mer.

La perspective d’une démondialisation ou d’une autre organisation de l’économie mondiale n’est donc pas à écarter. Une « continentalisation » pourrait bien palier aux problèmes liés aux écarts de niveau de vie qui rendent la mondialisation néfaste pour certaines économies. La réforme du système financier, bancaire et monétaire aurait aussi pour conséquence une contraction de la mondialisation, qui laisserait sa place un système plus stable et moins englobant.

Mieux vaut ce genre de réforme qu’une mondialisation qui s’effondre d’elle-même, sans qu’on puisse en contrôler la chute, ce qui n’est pas impossible au vu de ces graphiques.




L'origine des crises économiques actuelles
L'origine des crises économiques actuelles

A gauche, l’indice du commerce international, à droite, l’utilisation du fret maritime. Nous voyons un net recul du commerce international depuis la fin 2011.
Sources :
http://www.les-crises.fr/revenir-allais/
Wikipedia
Minuit Moins Une (graphiques).
La chaîne EconomieNet sur Youtube.
Vincent Decombe

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