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Ressac #6a : Un drôle de mouvement

Publié le 19 décembre 2011 par Hugocentrisme

Ressac #6a : Un drôle de mouvement

Le campement des indignés nantais à côté du skate park d'Hotel Dieu, il aura tenu un bon mois sous la pluie et le froid


En France, le mouvement des indignés est en difficulté. 
C'est-à-dire qu'il se heurte à une population insensible, qu'il ne réunit pas assez de monde. Seulement des néophytes comme moi ou des militants antédiluviens dont la patience a atteint ses limites ou encore un nombre impressionnant d'illuminés, de sectaires, de râleurs et de mécontents... C'est gênant.Disons qu'entre le jeune bobo fraichement au fait des énormes aberrations actuelles, mignon et naïf, et le militant anarcho-gaucho-coco-anti-capitalo-nucleo-décroissant-post-hippie-en-lutte qui voudrait (à juste titre) tout casser, il n'y a plus beaucoup de place pour l'efficacité, l'énergie, la créativité ... et le changement.
En plus de cette absence d'indignés, modérés dans les idées mais pratique et motivé, en plus de cette absence d'indignation de masse tout court il y a Internet, Facebook et tout le reste : les gens y sont si vulgaires. Si irrespectueux. A croire qu'ils oublient sur qui porte leur indignation. Ils se "lâchent" dans leurs écrit, se jaugent, se perdent dans des débats de postures plus que de fond, en vienne à la parano envers tout nouvel arrivant ou tout commentaire déplacé, etc.
Après avoir passé un mois sur un camp en plein centre-ville de Nantes et des heures carrées sur le web à essayer de faire vivre le mouvement, à le structurer, à rencontrer des gens, à se coordonner, ... je constate beaucoup de points noirs, beaucoup de problèmes externes et internes qui vienne se greffer sur l'objectif que ce mouvement s'est fixé. Avec cet article, je voudrais tenter d'analyser ce mouvement en restant centré sur la France et essayer de lui dessiner un avenir. Je n'en doute pas, le mouvement des indignés n'est que l'embryon d'une contestation qui va grandir très vite. Mais pour cela, il ne faut pas partir sur de mauvaises bases.

Ressac #6a : Un drôle de mouvement

Une Assemblée Populaire, entre 100 et 20 personnes selon les jours, le temps et l'heure.

I - "Pourquoi le mouvement des indignés de prend pas d’ampleur en France ?"
L'absence d'indigné en nombre important dans chaque ville ne permet pas la construction d'actions importantes, retentissantes et entendues. Les camps permettent de remédier un peu à cela : en occupant physiquement un espace publique important nous sommes visibles 24h/24H, même en étant peu nombreux. Mais les camps comportent de nombreux problèmes de gestion souvent liés au manque de militant. Voyons d'abord pourquoi nous n'avons été qu'une petite cinquantaine d'indigné à Nantes, et aussi peu dans le reste de la France.
Ce mouvement n’est pas connu de la masse. Il n’a pas de couverture médiatique correcte en France. Il n'est fait allusion dans les médias de masse (presque) que de Occupy Wall Street et de la Puerta Del Sol. Sur Nantes, notre action a été soumise au travail désastreux de Presse Océan qui l'a présenté comme un mouvement "anarchiste-décroissant" - certes il y a beaucoup d'anarchiste décroissant, mais le mouvement n'est pas anarchiste décroissant, il est indigné et rien d'autre - ou "au plus petit article possible" dans Ouest France. Il y a ce problème insupportable de la presse française : le souci d'interpeller sans choquer, ou de choquer pour réussir à vendre, à attirer l'attention avec du vide.
Nous n'avons pas réussi à rassembler assez de jeunes et de gens des classes moyennes, pas forcément "politisés" ou "engagés". Mais seulement des déjà militants habitués et au courant des différentes "luttes" ou quelques jeunes rageux ou idéalistes (coucou c'est moi). Les jeunes sont et restent dégoûtés de la politique ou pas intéressés (manque d’éveil et d’éducation, complexité, sérieux, appareil médiatico-consumériste volontairement distrayant, bref).
Et puis, les gens ne cherchent pas le mouvement indignés, parce qu’il n’en n’ont pas encore besoin. La faim, la colère sont encore sourde et muette. Les français sont bassinés dans le bain de la fatalité de la crise, dans la peur de l’implosion de l’Europe et premièrement de l’euro. Le replis sur soi est présent partout, les démagogues et les extrémistes se banalisent, sont entendus face à l’incompétence de la gauche et des contre-pouvoirs, face à cette droite toute dans la rigueur et le discours fataliste pour cacher l’échec cuisant d’une politique ultra-libérale désastreuse dont les conséquences se font simplement sentir bien plus tôt que prévu.
Mais surtout le pays est en période électorale, les gens attendent les élections, comme à leur habitude. Ils attendent les différentes promesses des candidats. Ils attendent les envolées lyriques et passionnées d'un Hollande du changement, voir les phrases toutes faites et les "Yaka faux con" d'une Le Pen qui est la digne fille de son père, ne l'oublions pas. Ils n'attendent finalement pas grand chose j'ai l'impression, ils se tâtent, regardent, spectate, parce que leur estomac le leur permet encore. Parce qu'ils ont été habitué à ce rythme de participation citoyenne, à cet "activisme" passif.
Enfin, le mouvement ne touche pas à cause de sa forme trop intrusive dans un climat de déprime et de confort gris : camper par 15° et se geler les miches à essayer d'indigner mamie qui va faire le marché VERSUS aller-retour d'une demie-heure maxi dans le bureau de vote le plus proche, choix entre deux bout de papier, urne, signature, au lit. On sait qui gagne. Pour l'instant.

Ressac #6a : Un drôle de mouvement

Suite en deuxième partie.



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