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LE PARDON, d'après Maupassant

Publié le 09 février 2012 par Dubruel

Certains adolescents

Semblent loin des événements.

Quand ils sont plus vieux,

Ils portent un bandeau sur les yeux

Et sur leur intelligence.

Ils ne soupçonnent pas

Les dessous de l’existence.

Ils ne savent pas

Qu’on ne parle pas

Comme on agit.

Ils ne devinent pas

Qu’on est aussi

Joué, trompé, maltraité

Si on ne sait qu’afficher sa bonté.

Des provinciaux marièrent leur enfant,

Berthe, à dix-huit ans.

Elle épousa Georges Besson,

Un beau garçon,

Avec tous les dehors probes qu’il fallait,

Un parisien de bonne famille

Mais un être moqueur,

Sans cœur.

Ses parents, il les appelait

« Mes chers fossiles » !

Berthe demeura ignorante

Des voluptés

Parisiennes si excitantes

Comme elle était restée

Ignorante de la vie

Et de ses perfidies.

Georges vivait à sa guise. Il rentrait

Quand il voulait, souvent à potron-minet

Prétextant sans s’en faire

Une quelconque affaire.

Or un matin Berthe reçut

Une lettre non signée.

Elle resta éperdue,

Indignée.

On lui révélait

Que son mari avait une maîtresse,

Une certaine madame Ribesse.

Berthe ne sut ni feindre ni dissimuler.

Elle montra la lettre à Georges en sanglotant.

Georges voulut s’expliquer :

-Je la connais depuis dix ans.

Après le déjeuner, nous irons la visiter.

Tu verras, elle deviendra ton amie.

Berthe un peu soulagée

Embrassa son mari,

Sachant qu’à danger connu,

Souci diminue.

Arrivés chez la maitresse,

Georges fit les présentations :

-Ma femme, madame Baron,

Madame Julie Ribesse.

Julie fut si heureuse,

Si heureuse !

Elle aimait tant Georges.

(Elle disait Georges,

Tout court) qu’elle avait envie

D’aimer son épouse aussi.

Au bout d’un mois,

On ne pouvait plus les séparer.

Elles se rencontraient

Chaque jour, souvent deux fois.

Dès lors, Georges ne sortait plus guère,

Ne prétextait plus d’affaires.

Pendant trois ans et davantage

Ce fut une amitié sans nuage.

Mais subitement voici

Que Georges annonça : -Julie

Est gravement malade.

Berthe, désormais,

Ne quitta plus jamais

Le chevet de sa camarade.

Elle se désolait, pleurait.

Georges se désespérait.

Plus le temps passait,

Plus l’état de Julie s’aggravait.

Un soir, Georges reçut un pli.

Il l’ouvrit.

-Attends-moi ici un moment,

Je m’absente un instant.

Il froissa le papier et le jeta.

Berthe le ramassa

Et se mit à lire :

-Viens seul, je vais mourir.

Frappée par l’idée de mort,

Elle ne comprit pas au premier abord.

Mais soudain, le tutoiement saisit son esprit.

Ce fut comme un éclair illuminant sa vie,

Lui montrant toute l’infâme vérité.

Elle comprit leurs regards.

Elle vit sa confiance trompée.

Revint bientôt le mari hagard :

-Viens vite, Julie va mourir !

-Vous aimeriez mieux que ce fût moi !

Retournez-y. Elle n’a pas besoin de moi.

Georges pleurait sans pudeur,

Mais restait indifférent à la douleur

De Berthe qui ne lui parla plus,

Qui ne le regarda plus.

Georges enfin s’apaisa,

Mais elle ne lui pardonna pas.

…Leur vie continua…

Comme s’ils ne se connaissaient pas.

Un samedi, Berthe rentra vers trois heures

Avec un gros bouquet de fleurs

Et dit

À son mari :

-Conduis-moi en vitesse

Au cimetière de Bagneux.

Ils s’arrêtèrent tous deux

Devant la tombe de Mme Ribesse.

Et Berthe proposa à son mari :

-Si vous voulez, nous resterons amis.

Signé du pseudo : Adèle Ice

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Le plaisir des disputes, c’est de faire la paix.

Alfred de Musset

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Cette histoire, racontée en vers libres, est extraite du tome III consacré aux contes de Guy de Maupassant.

Les deux premiers volumes parus chez Edifree sont :

Tome I (34 contes) : Quel est cet imbécile qui ose mettre en vers des nouvelles de Guy de Maupassant ?

Tome II (40 contes) : Quel est donc ce cornichon qui persiste à mettre en vers des contes de Maupassant ?


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