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Leçon de communisme à l’égard du camarade Mélenchon

Publié le 14 février 2012 par Variae

Cher Jean-Luc, cher camarade,

 

Leçon de communisme à l’égard du camarade Mélenchon

J’ai bien lu ta réponse enflammée à des propos rapportés de François Hollande dans le Guardian. Avec la verve que l’on te connaît et qui te permet, à ce qu’on m’a dit, de remplir les salles pour ton tour de chant où le sépia le dispute au rouge, tu conspues « l’attitude hautaine insupportable » de François Hollande, qui aurait eu l’impudence de nier l’existence actuelle des communistes français. Tu conviendras avec moi, au passage, que cette accusation de mépris n’est pas nouvelle dans ta bouche : depuis des mois, tu la répètes sur tous les tons pour fustiger le choix que fait le candidat socialiste de préférer affronter la droite que débattre avec toi. Sans doute penses-tu aujourd’hui avoir – enfin ! – trouvé la bonne accroche pour faire vivre publiquement cette accusation, et améliorer les affaires de ton entreprise électorale. C’est de bonne guerre. Mais je ne ferai pas l’injure à l’homme de lettres que tu es de limiter le débat à de basses considérations tactiques et nourricières.

« Je suis le candidat des communistes », protestes-tu donc du haut de ton indignation, regrettant un Hollande « mauvais observateur ». Je dois malheureusement te faire part d’une crainte similaire à ton endroit.

Tu n’es sans doute pas sans savoir, pour commencer, que le terme de « communist » n’a ni exactement le même sens, ni la même portée, dans le monde anglo-saxon – où les Partis communistes n’ont jamais pu s’implanter dans la durée et de manière massive – et en Europe occidentale. Les « communists » anglo-saxons sont des croquemitaines fantaisistes ne renvoyant à aucune expérience nationale, mais bien au stalinisme, à ses excès et à ses épigones dictatoriaux autour du globe dont tu partageras avec moi, je l’espère, la condamnation. Faut-il te rappeler le sens déjà détérioré, dans les mêmes pays, du terme « socialist » ! C’est dire. François Hollande, qui a sans doute assez de lettres (anglaises) et d’histoire pour avoir conscience de ces nuances, a donc bien eu raison d’expliquer à nos voisins d’Outre-Manche que « aujourd’hui il n’y a pas de communistes en France », au sens de staliniens. Peut-être a-t-il au passage froissé quelques groupuscules nostalgiques. Tu ne leur transmettras pas mes excuses.

Je t’imagine déjà balayer ces subtilités lexicales d’un revers de main. Fort bien. Etudions donc ta position. « Je suis le candidat des communistes », martèles-tu. Je croyais que tu étais le candidat du Front de Gauche : pourquoi n’as-tu pas appelé cette coalition le « Front Communiste », et ton propre parti le « Nouveau Parti Communiste » ? La différence entre ta pudeur d’alors, et ta furia du jour, me laisse perplexe. Mais admettons. Tu vas sans doute me dire : je suis le candidat désigné, entre autres, par le Parti Communiste. C’est pour le coup incontestable. Mais je n’ose croire qu’un professeur de philosophie comme toi ne puisse faire la différence entre l’appellation conventionnelle et le concept.

Le concept de communisme : il se définit par la volonté – je cite le site de Lutte Ouvrière – de « briser la propriété privée des moyens de production ; c’est-à-dire d’arracher des mains des capitalistes la gestion des usines, des banques, des mines, des terres, de l’énergie et des transports. Et de faire en sorte qu’ils appartiennent à la collectivité et soient gérés par elle ».

Ayant un peu de mal à trouver les textes idéologiques actuels du PCF, j’ai consulté votre programme commun du Front de Gauche, et notamment la partie économique. J’y ai lu ce mot d’ordre : « Partager les richesses et abolir l’insécurité sociale ». Je n’y ai pas trouvé trace (mais peut-être ai-je mal lu) d’un programme de passage généralisé à la propriété collective des moyens de production. C’est ce qui permet à Nathalie Arthaud de rire, de son point de vue, quand on lui dit que tu es communiste. Elle nie la possibilité d’un changement radical (d’un changement communiste, donc) de système par un simple changement de gouvernement, ce que tu proposes toi, comme nous. Elle est tout simplement cohérente avec elle-même : et à la différence de ce qu’elle vise elle,  tu ne veux pas casser le système, tu veux l’amender fortement. Nuance de taille.

Je pourrais aussi te citer Alain Badiou, autre fervent défenseur du communisme au sens précis du terme, qui constatait il y a quelques années que si l’idéal communiste survivait, il ne savait pas quelle forme concrète il pourrait prendre pour s’incarner concrètement. La vérité, cher Jean-Luc, cher camarade, c’est que pour ces gardiens du temple – qui ont le mérite de l’honnêteté intellectuelle – tu n’es pas communiste, et que le Parti Communiste ne l’est pas plus. Vous appartenez à la grande famille recomposée de la social-démocratie, avec votre propre identité respectable et importante pour la gauche. « Socialistes », « partidegauchistes » et « communistes » sont tout au plus cousins, si ce n’est demi-frères. Notre gestion collective des collectivités locales (s’il ne fallait prendre que cet exemple) le prouve quotidiennement. S’il y a « deux gauches », comme tu le dis, comment se fait-il qu’elles puissent gouverner ensemble ? Si ce n’est que la différence entre elles n’est pas aussi insurmontable que tu le prétends ?

Mais je m’égare. Accepte ces quelques évidences et nous nous quitterons bons camarades. Que les « communists » anglo-saxons ne sont pas les communistes français (traduttore, traditore), et que les communistes français ne sont pas communistes à proprement parler. Que ton coup de sang très calculé n’élève franchement pas le débat. Et que tu as sans doute mieux à faire que polémiquer sur les polémiques.

Signé : le camarade Pigenel


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