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Défense de tuer

Par Anne Onyme

defensedetuerLouise Penny
Flammarion Québec
422 pages

CoupdeCoeur

Résumé:

Au plus fort de l’été, le Manoir Bellechasse, un hôtel luxueux des Cantons-de-l’Est, accueille les membres d’une riche famille canadienne-anglaise venus rendre un hommage à leur défunt patriarche. Dans les esprits comme dans le ciel, l’atmosphère s’alourdit et une tempête s’abat, laissant derrière elle un cadavre presque trop bien mis en scène. Mais qui aurait l’audace de tuer sous les yeux de l’inspecteur-chef Armand Gamache qui célèbre là, comme chaque année, son anniversaire de mariage ? Au cœur des bois, derrière les convenances et les sourires polis, la haine et le passé refont surface, persuadant Gamache que le meurtre est comme l’orage : une libération.

Mon commentaire:

Quatrième enquête d'Armand Gamache, je ne me lasse définitivement pas des romans de Louise Penny. L'histoire de ce roman-ci ne se déroule pas vraiment à Three Pines, sauf pour une scène ou deux. Je dois dire qu'au début de ma lecture, ça m'a manqué. Car Three Pines est le summum en matière de village. Une lectrice à la bibliothèque m'a même dit cette semaine: "Three Pines est l'endroit où je voudrais vivre". Et c'est vrai. Avec son charme d'antan, ses festivités qui sont soulignées à chaque fête et à chaque saison, la jovialité de ses habitants, les arts, les livres et les petites auberges fabuleuses où se retrouver, c'est difficile de ne pas avoir envie d'y faire un saut soi-même. Donc, Three Pines a commencé par beaucoup me manquer. Je me questionnais d'ailleurs à savoir si ce roman serait aussi bien que les précédents. Après l'avoir terminé, je ne résiste pas à lui apposer un coup de coeur. Voici pourquoi.

Dans cette nouvelle enquête, les lieux sont tous aussi charmants. Nous sommes au Manoir Bellechasse, qui s'inspire en fait du Manoir Hovey dans les Cantons-de-l'est. Gamache et sa femme Reine-Marie sont en vacances, pour célébrer leur anniversaire de mariage. Ils sont reposés, bien décidés à profiter des lieux qui respirent le calme et la détente. La nourriture y est exquise et décrite abondamment, ce qui n'est pas pour déplaire aux gourmands que nous sommes! Le lac est tout près, la forêt aussi.

C'est l'été. Il fait très chaud, certes, mais tout est magique. Armand et Reine-Marie sont toujours amoureux et c'est un plaisir de les voir ensemble plus longtemps que dans les autres tomes. Tout est reposant. Même la présence de la famille Morrow, qui loue le reste de l'auberge et dont les membres sont plutôt condescendants, n'assombrit pas les vacances du couple Gamache. Jusqu'à ce qu'il y ait un meurtre.

Gamache passe donc du vacancier paresseux à l'inspecteur à l'affût. Terminées les vacances. Il doit trouver le coupable, qui est forcément l'un d'entre eux. Les choses se compliquent lorsque certains des suspects s'avèrent être des amis d'Armand et de Reine-Marie. La famille Morrow se révèle rapidement pleine de secrets et de non-dits. Ses membres entretiennent des relations toxiques, motivés par l'appât du gain et par la jalousie. Les apparences sont trompeuses et sous le verni brillant et lustré se camouflent des sentiments terribles et des querelles non réglées.

Avec ce roman, Louise Penny va beaucoup plus loin dans son analyse de l'âme humaine et de tout ce qui peut lier une famille. Les apparences, la position de chacun au sein de la famille, les motivations qui animent les membres, les sentiments qu'ils cultivent et les non-dits qui empoisonnent le coeur depuis des années. L'intrigue est complexe et à plusieurs niveaux. Les personnages sont en perpétuelle compétition pour un peu d'amour et d'affection et il suffit de peu pour basculer de l'autre côté - du côté des criminels. Dans les romans de Louise Penny, les criminels sont bien souvent des humains normaux, qui ont un jour perdu les pédales. Rien n'est tout à fait noir ou tout à fait blanc. C'est encore plus vrai dans cette quatrième enquête où la personne qui a tué se révèle être attachante. C'est ce qui demeure profondément troublant dans l'histoire.

Il y a d'ailleurs de très belles scènes et de très beaux extraits dans le roman, que je me suis amusée à lire et relire. On parle beaucoup du père d'Armand Gamache dans cette enquête, que certains personnages ont connu et qui revient en mémoire très souvent à Armand, depuis que son fils et sa bru attendent un autre enfant. Les explications de Gamache sur ce qui s'est passé avec son père sont très touchantes je trouve et nous sont livrées en fin de volume. Plus les romans avancent, plus on découvre différentes facettes des personnages qui nous les rendent encore plus vivants. Ils ont du vécu, un passé, des sentiments, ils sont réels. Étonnament réels. C'est ce qui frappe le plus je crois chez cette auteure, sa propension à créer des personnages qu'on a l'impression de connaître, qui pourraient être des membres de notre propre famille, nos amis, nos collègues. Chaque fois, cet aspect de son écriture me frappe encore plus.

Défense de tuer est un peu différent des autres, mais il touche une corde sensible: notre relation à la famille, qu'elle soit bonne ou mauvaise, remplie de sous-entendus, de difficultés ou de secrets. Il y a beaucoup à dire et à analyser concernant les membres d'une même famille. Louise Penny ici met en scène un clan complexe, nourri par des liens difficiles et parfois destructeurs.

Un roman qui analyse encore plus profondément l'âme humaine, qui nous en fait voir l'incroyable bonté tout comme la plus sombre noirceur, avec sensiblité et talent. À lire, comme toujours, pour tout ce que les romans de Louise Penny ont comme grandes qualités.

Un petit mot en terminant sur les couvertures que je trouve toujours très belles. Elles reprennent toujours une teinte différente (le rouge pour En plein coeur, le bleu pour Sous la glace, le vert pour Le mois le plus cruel et cette fois-ci le jaune) avec des scènes saisonnières illustrant notre belle nature québécoise.

Vraiment, j'adore!

Quelques extraits:

"Les clients regardaient le soleil se coucher derrière les collines du lac Massawippi en savourant plat après plat, en commençant par les amuse-bouche du chef à base de caribou de la région. Reine-Marie prit les escargots à l'ail, suivis d'une poitrine de canard poêlée servie avec un confit de gingembre sauvage, de mandarines et de kumquats. Gamache opta d'abord pour une salade de roquette du potager, parsemée de copeaux de parmesan, puis commanda le saumon biologique au yogourt à l'oseille.
-Et pour le dessert? demanda Pierre en prenant la bouteille dans le seau et en versant le reste du vin dans leurs verres.
-Que recommandez-vous?
Reine-Marie avait peine à croire qu'elle posait cette question.
-Pour madame, nous avons une glace à la menthe fraîche sur un éclair à la crème de chocolat noir biologique, et pour monsieur un pouding-chômeur à l'érable avec de la chantilly.
-Oh, Seigneur, chuchota Reine-Marie en se tournant vers son mari. Qu'est-ce qu'il disait, déjà, Oscar Wilde?
-Je peux résister à tout, sauf à la tentation." p.27

"-Je ne suis pas certain que Reine-Marie serait contente de me voir devenir bibliothécaire, comme elle, dit Gamache. [...]
-Je vous imagine travaillant tous les deux à la bibliothèque nationale, à Montréal, bouillants de ressentiment dans les allées. Surtout si vous obtenez une promotion.
-Impossible. Je suis nul en orthographe. Je dois réciter l'alphabet chaque fois que je cherche un numéro de téléphone dans le bottin. Ça rend Reine-Marie folle. Mais parlant de pensées meurtrières: côtoyez des bibliothécaires. Tout ce silence, ça leur donne des idées..."
p.86

"Après la mort de papa, tu t'es tourné vers maman."Dis-moi que tu m'aimes, s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît!"
-Tu nous méprises, dit Marianna, parce que tout ce que nous voulons de maman, c'est son argent. Nous, au moins, on demande quelque chose qu'elle peut donner. "
p.288


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