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Pour une « révolution » de la protection sociale en France

Publié le 20 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Notre protection sociale, qui fait l’objet d’un monopole étatique portant atteinte à la liberté de chaque individu, se caractérise par des défaillances structurelles que le pays traîne comme un boulet à la cheville depuis une trentaine d’année. Il est temps de mettre fin à la Sécurité Sociale dans une logique de réappropriation de la liberté.
Par Romain du Cercle Raymond Poincaré

Pour une « révolution » de la protection sociale en FranceLa dette serait-elle inhérente à la Sécurité sociale française ? C’est en substance l’idée qui ressort des propos tenus en septembre dernier par Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. Le locataire de la rue de Cambon qualifiait alors la dette de « drogue » pour la Sécurité sociale. Étrange paradoxe pour un homme de sensibilité socialiste, plus habitué à prêcher la gabegie des deniers publics qu’à se poser en pourfendeur de la dépense lorsqu’il présidait la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Après tout qu’importe, il n’est jamais trop tard pour se faire une raison, mieux vaut être « homme à paradoxes qu’homme à préjugés ».

Toutefois, au-delà de ces considérations métaphoriques, M. Migaud a le mérite de mettre en lumière le fléau du monopole de la Sécurité sociale qu’il est de bon ton de taire en France. Élément au cœur du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) — noyauté il faut le souligner par les communistes –, il trouve son inspiration outre-Manche dans les préconisations du rapport Beveridge, fer de lance de l’État-providence qui s’imposera durant le quart de siècle suivant. Son instauration en France est actée dès octobre 1945 par le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), dont le ministre de la Santé publique n’est alors autre que François Billoux, membre du Parti communiste français. La – pseudo ? – légitimité de la mesure est encore renforcée l’année suivante par la Constitution du 27 octobre 1946 instituant la IVe République qui garantit une valeur constitutionnelle au droit à la protection de la santé. La Sécurité sociale est donc marquée par le vice originel.

Un coût exorbitant

Ce vice, la France en paye aujourd’hui le prix. Le coût est d’abord économique. Le régime général de la protection sociale qui concerne peu ou prou 80% de la population française présentait en 2010 un déficit colossal estimé à 23,9 milliards d’euros dont respectivement 11,6 et 8,9 milliards pour les seules branches de l’assurance maladie et des retraites. Ce fameux « trou », véritable expression consacrée dans l’esprit des Français, se traduit mathématiquement par une dette abyssale de l’ordre de 136 milliards d’euros. Pour financer ce tonneau des danaïdes version État-providence le pays n’a alors d’autre choix, une fois encore, que de recourir massivement à l’emprunt, ce qui n’empêche pas les assurés — ou plutôt les obligés — à cotiser toujours davantage tout en subissant des déremboursements plus nombreux et un service qui se réduit comme peau de chagrin. Et pourtant, malgré les efforts consentis par les Français, aucun effet significatif sur les comptes sociaux n’est visible.

Certains — les mêmes qui expliquent tous les maux de la société par le fameux « ultralibéralisme » ambiant — y voient un effet collatéral de la crise. C’est leur droit que de fermer les yeux et de préférer l’aveuglement conjoncturel à la réalité des faits. Pourtant, à bien y réfléchir, le biais de la Sécurité sociale semble prendre davantage la forme d’une défaillance structurelle que le pays traîne comme un boulet à la cheville depuis une trentaine d’année. Le monopole étatique n’ayant pas vocation à être rentable, rien ne contraint à atteindre l’équilibre des comptes sinon le sens de la morale. Cela était couru d’avance. En outre la classe politique française n’a jamais osé remettre en question le monopole de la Sécurité sociale, et il faut bien avouer que contester un tel système érigé au rang de « modèle social français », relève de la gageure pour des politiques qui n’ont par ailleurs jamais eu d’états d’âme à gaspiller l’argent public à des fins électoralistes. En France donc, il est impensable de toucher aux modèles qui ne font rêver personne, aussi absurdes fussent-ils. Il faut les subir avec docilité et en vanter les faux-mérites.

La situation économique de ces dernières années met en lumière la nécessité de nombreuses réformes. L’État, en s’immisçant depuis des décennies dans chaque recoin de la sphère économique, a enfanté d’un monstre, sorte de gloubi-boulga interventionniste ruineux et désincitatif pour les agents. Notre protection sociale fait partie intégrante de cette monstruosité française qu’il serait temps de déconstruire. L’actualité récente, focalisée autour de la TVA « sociale » ne manque d’ailleurs pas de rappeler les conséquences économiques d’une protection sociale au coût exorbitant même si la solution apportée, loin de répondre au besoin de réforme, fait figure de vernis et permet à Nicolas Sarkozy de s’afficher, une fois n’est pas coutume, en véritable capitaine du navire français pris dans la tempête par opposition à notre capitaine de pédalo national. Une réforme efficace de la protection sociale en France passe de façon incontournable par des mesures courageuses ne se limitant pas aux vieilles recettes d’un État envahissant, et par une remise en question globale de notre système actuel, de ses fondements et de ses conséquences pour les citoyens. L’instauration d’un système pleinement assurantiel, en lieu et place de l’actuel monopole de la Sécurité sociale, semble être la réponse la plus appropriée.

Libérer la protection sociale

C’est une évidence, le premier bénéfice d’une réforme de la protection sociale vers un système assurantiel intervient sur le terrain économique. Outre son coût, le financement du système actuel se distingue par son extrême complexité, reposant sur les cotisations sociales salariales et patronales à hauteur de 48%, sur la CSG pour 36% ainsi que sur un ensemble de taxes et d’impôts multiples. Un financement fondé majoritairement sur le travail via les cotisations sociales et sur un prélèvement à la source présente un double effet pervers. Il contribue d’une part à masquer la réalité de ce que vaut le travail offert par chaque salarié, et d’autre part à dissimuler aux Français le véritable coût de leur protection sociale par le monopole. L’ignorance est mère de tous les maux.

Sur ce terrain, l’abrogation du monopole de la Sécurité sociale apporte une réponse de justice puisqu’elle induit le rétablissement du salaire complet qui permet aux salariés de prendre enfin conscience de la valeur de leur travail et du coût de leur protection sociale. Néanmoins, un exemple est toujours préférable à un long et ennuyeux discours. Ainsi, à un salaire net de 1300 euros correspond un salaire complet d’environ 2000 euros. La cotisation pour la seule branche maladie représente près de 280 euros soit plus d’un cinquième de la rémunération nette. Mais ce chiffre ne constitue pas le montant final des dépenses de santé. Il faut encore souscrire une mutuelle complémentaire pour espérer bénéficier d’un remboursement des divers reliquats non pris en charge. Dès lors, est-il raisonnable de penser qu’aucune assurance sur un marché libre et concurrentiel ne serait capable de fournir des prestations identiques à un prix comparable voire inférieur à celui de la Sécurité sociale ?

Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts.
– Karl Marx

Mais libérer la protection sociale, c’est aussi libérer des énergies positives pour l’économie française. L’État, par le prélèvement à la source des cotisations sociales et de la CSG, tente une manœuvre de dissimulation du poids de l’impôt. La stratégie est habile il faut le concéder puisqu’il s’agit là de le rendre indolore et par conséquent plus acceptable aux yeux des salariés. Pourtant le taux de prélèvements obligatoires – 44,5% du PIB – et le jour de libération fiscale – le 28 juillet en 2010 – parlent d’eux-mêmes. La réalité de l’impôt en France est donc bien différente de la perception que souhaite en donner l’État. Pour paraphraser Mourad Boudjellal, il s’agit là d’une bien belle « sodomie fiscale » à laquelle sont conviés les Français.

Supprimer cet impôt qui ne dit pas son nom apparaît donc primordial. Primordial pour inverser la tendance actuelle du « toujours plus d’impôts », parmi lesquels on peut citer sans être exhaustif la taxe supplémentaire sur les hauts revenus, la taxe sur les loyers élevés des micro-logements, la taxe sur les nuitées d’hôtels supérieures à 200 euros, l’imposition des plus-values latentes lors du transfert d’un domicile fiscal à l’étranger, la taxe de risque systémique pour les banques, la contribution financière sur la capitalisation boursière, la taxe sur les sommes placées sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurances ou encore la taxe pour la gestion des certificats d’immatriculation des véhicules — et ce n’est là qu’un maigre aperçu de la fécondité fiscale des cinq dernières années. Primordial également pour instaurer une véritable incitation au travail, la meilleure protection sociale étant avant tout l’emploi. Primordial « enfin » pour la création de richesse puisque l’ensemble des capitaux ainsi libéré par le versement des salaires complets, qui était jusqu’alors perdu pour la France, pourra désormais être investi dans des activités productives d’entreprises françaises.

Vers des solutions assurantielles

Déconstruire un système établi depuis près de 70 ans implique de penser un système alternatif. Il ne s’agit pas là d’aboutir à une situation de vide et de chaos comme certains pourraient l’insinuer. Dans les faits, deux schémas peuvent être envisagés.

La première hypothèse consiste à opter pour une voie intermédiaire, à mi-chemin entre la situation étatiste du monopole contraignant et celle libertarienne de la liberté absolue. C’est ici peu ou prou le modèle suivi par nos voisins helvètes. Ce schéma repose sur un système d’assurance sous-tendu par l’obligation de souscrire. Les agents contractent donc une assurance publique ou privée auprès de l’assureur de leur choix. Les offres étant concurrentielles, les prix sont naturellement tirés vers le bas, à l’inverse du système français dont les prix et les tarifs médicaux sont fixés arbitrairement et ne reflètent aucunement le coût réel des services.

Toutefois, une seconde alternative prend la forme d’un système beaucoup plus libre où s’assurer n’est plus une obligation faite au citoyen qui est alors laissé libre de choisir s’il souhaite ou non bénéficier d’une protection sociale. Ici, le choix repose intégralement sur sa liberté et sa responsabilité individuelle.

Lorsque l’État se mêle de couvrir des risques, il subventionne le risque moral, c’est-à-dire l’incidence des sinistres provoqués par le calcul. C’est ainsi que l’administration de Sécurité sociale est une ruineuse machine à fabriquer du risque moral.
– Pascal Salin

Ce sont là deux éléments clefs. En effet, outre les attraits économiques précédemment observés, les apports majeurs interviennent sur le champ des comportements individuels. Un système libre fait la part belle à la responsabilisation des individus à l’inverse d’un modèle socialiste où la responsabilité individuelle est diluée dans la solidarité collective forcée. Quiconque prend conscience de ce qu’il paye pour s’assurer adopte immanquablement un comportement qui tend à éviter le risque. L’aléa moral, péché dont l’État raffole, est ainsi considérablement réduit puisque les individus supportent directement le coût de leur protection sociale et qu’il est dans leur intérêt que celui-ci demeure supportable. Même si cela peut apparaître d’une naïveté candide, il y a fort à parier qu’un tel système se révèle sur le long terme bien plus efficace que la taxation du tabac dans la lutte contre le tabagisme, ou que la répression et le « flicage » généralisé en matière de sécurité routière. Après tout, celui qui souhaite conduire au-delà des limites autorisées est pleinement conscient des risques et de leurs répercussions sur le prix de sa protection sociale. Ce n’est en aucun cas à son voisin de payer pour les comportements déviants qu’il adopte en s’affranchissant des normes. Évidemment, cela constitue un changement radical pour ceux qui s’accommodent parfaitement de l’infantilisation induite par l’étatisme.

Il ne faut pas étendre artificiellement la solidarité de manière à détruire la responsabilité. En d’autres termes, il faut respecter la liberté.
– Frédéric Bastiat

Enfin, en instaurant un système pleinement assurantiel, il s’agit de restaurer une once de liberté — principe qui, s’il apparaît encore sur le fronton de nos mairies, a été largement mis à l’index en France. En ce sens, il semble urgent de rappeler que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité. Or, à en juger par la pratique constitutionnelle, la Ve République tend à minorer le contenu et la portée de ce texte fondateur au profit d’une interprétation extensive du Préambule de 1946, lequel instaure des droits illégitimes strictement fondés sur le droit positif. Mais au fond qu’importe, le débat ne porte pas ici sur le bienfondé des droits créances. Le problème est plus grave. Le droit à la protection sociale figure dans la Constitution, c’est une chose acquise, il faut composer avec. En revanche, que son application se fasse au prix d’une violation de la Constitution en est une autre, intolérable celle-ci. Il n’est en effet nullement mentionné dans notre Loi fondamentale que la protection sociale doive faire l’objet d’un monopole étatique portant atteinte à la liberté de chaque individu. En d’autres termes, le principe constitutionnel de liberté doit permettre à l’individu de choisir librement l’organisme qui assurera sa couverture sociale.

Cette dérive étatiste semble une véritable tradition française. Bien qu’il apparaisse tout à fait anormal que l’État impose à chacun la voie à suivre en matière de choix relevant strictement de la sphère individuelle, l’interventionnisme n’a cessé sa progression sur le fondement que la puissance publique est plus apte que quiconque à satisfaire l’intérêt général. Sur la base de ce postulat biaisé, l’État réglemente ainsi une part toujours croissante de nos décisions individuelles, étouffant toute volonté non convergente. Réformer la protection sociale s’inscrit donc dans cette logique de réappropriation de la liberté et de réaffirmation de celle-ci comme valeur fondamentale.

Appliquons enfin la Constitution !

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