Une goutte dans l’océan

L’océan de la vie est ainsi fait. Il nous brasse de ses forts remous et nous berce sur ses flots doux. Nous oscillons incessamment entre pause et panique dans cette immensité océanique. Alors, petites gouttes que nous sommes, comment nous détendre et nous abandonner sans nous perdre ni nous noyer? Bonne question!

Tentons d’y répondre sans trop divaguer, si vous me passez l’expression…

D’abord, je m’imagine goutte. Minuscule. Fragile. En suspension. Car, pour prendre conscience de mon existence, je dois nécessairement me séparer. M’extraire, me détacher, me soustraire de l’ensemble. Et devenir portion.

Notez ici le paradoxe. Afin de me percevoir goutte, c’est-à-dire unité de mesure, je dois me projeter en dehors du grand Tout unifié. Vous me suivez?

Me voici donc petite goutte à la surface de l’océan. Woooaaaah! Ça houle. Ça tourbillonne. Ça monte. Ça descend. Oui, je sais. Au moins, c’est vivant! Oh! mais que vois-je venir là-bas? Une vague. Elle se rapproche. Elle grossit. Je prends une bonne respiration… Et quelques bouillons!

Je respire à nouveau. Bon. Ça va mieux. Quoique la crête me tourne un peu. Je tremble. J’ai froid. Je tombe de fatigue. Ah! non! Pas une autre vague. Elle m’a l’air bien grosse, celle-là! Et clac par derrière! C’est vraiment pas chouette, ma chère… Quoi? Encore une autre? Oh la la! Un, deux, trois…

Cette fois, c’en est assez! Je me calme et me laisse emporter vers le fond.

Me voici alors formant tout l’océan. Vaste. Insondable. À l’unisson. Curieusement, je respire encore, mais d’une autre façon. Une grande détente accompagne mon abandon. De mes profondeurs émane une infinie confiance envers mes créations. En moi, tout est communion.

Soudain, en écrivant ces mots, il me vient ce souvenir ancien.

Me voici flottant de bien-être dans le ventre de ma mère. Je fais un avec elle, bien au chaud dans ses eaux maternelles. Puis, la vie se contracte et crève ma bulle. Elle me coupe de ma béatitude pour m’inclure dans la multitude. Les vagues du temps élargiront petit à petit l’écart qui me sépare de ma mer originelle. Jusqu’à aujourd’hui…

Quelles que soient les illusions qui nous font oublier notre lien originel, nous sommes invités un jour à nous rappeler l’océan d’où nous puisons notre vitalité. Puisque c’est aussi à travers nous qu’il prend toutes ses dimensions.

L’amour est un océan universel où chacun de nous a un petit goût de sel.

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