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Voiture de luxe de Wang Chao

Publié le 21 février 2012 par Charles Carrard

Le temps pluvieux de Shanghai permet de dévorer livres et films chinois, et ainsi de se plonger plus profondément dans ce pays en mouvement permanent.

Aujourd'hui, je vous fait part du dernier film vu (tellement d'autres dont je n'ai pas eu le temps encore d'écrire la critique..) et qui vaut la peine : Voiture de Luxe,du réalisateur Wang Chao.

Synopsis :

Un instituteur, Li Qi Ming, proche de la retraite, part à Wuhan, à la recherche de son fils dont il n'a plus de nouvelles. Sa femme, gravement malade, aimerait revoir leur fils avant de mourir. Il est accueilli par sa fille, Yanhong, qui travaille la nuit comme hôtesse dans une boîte de karaoké. Elle lui présente un policier qui va l'aider dans ses recherches et avec lequel il va se lier d'amitié. Le père fait également la connaissance de l'ami de sa fille, propriétaire du karaoké....

Ce qui la force de ce film, ce n'est pas tant l'histoire, déchirante mais tellement banale dans cette Chine en déshumanisation dont les centres urbains ne sont que la concentration d'une foule anonyme où chacun tente de survivre, que le talent de Wang Chao.

La couleur, la lumière, le cadrage, on est immergé dans un tableau, on est dans pénétré du silence des acteurs. De la lenteur du jeu, des scènes hors champs, de l'alternance des plans ressort un film presque poétique. Je dis presque, car le sujet ne s'y prête pas et pourtant, on en ressort avec une sensation mitigée de beauté dramatique.

Le film se construit par des duos :

Le père et sa fille

Il ne reconnait plus la ville dans laquelle il a grandi (Wuhan), elle ne connaît pas le rêve tant recherché. Les deux se (re)trouvent dans la quête du fils / frère. Le Père ne comprend pas sa fille, mais ne juge pas, la fille admire ses parents, mais jalouse son frère tant aimé (c'est un garçon ! ). La fille dort avec une colocataire qui prête son lit à son père. Laquelle ramène pourtant des garçons (clients) à la maison... Le père, chassé de la ville pendant la révolution culturelle, ne souhaite plus quitter sa campagne, la fille, elle, commence à se demander si elle a eu raison de venir en ville... 

Le père et le vieux policier

Les deux hommes sont de la vieille Chine, à la retraite, ou presque (car le policier fait des heures supp, et le père est le seul instituteur de son village campagnard). Ils recherchent à deux le fils perdu, en vélo, et non en voiture (voitures qui dominent maintenant la ville, manquant d'écraser tout ce qui se présentent  à leur passage) avec des moyens d'un autre temps (montrer une vieille photo partout où il aurait pu avoir travaillé). Silencieux, se contentant de choses simples, ils sont l'antithèse du troisième couple  la fille et son patron.

La fille et son patron

Lui roule en Audi noire, elle travaille dans un KTV (un karakoé). Qu'y fait elle vraiment ? Vend elle son corps ? Est elle là uniquement pour faire boire les clients ? On ne le saura qu'en même temps que son père, qui, au milieu du film, vient la retrouver sur son lieu de travail. Lui, on ne sait pas trop s'il est sincère ou pas. Il couche avec elle, joue le jeu du petit ami (et non du patron) devant le père, mais qui est il ? et que vient faire cette histoire de tirage au sort qui est montrée de manière furtive à un moment ? 

Le frère et le père / la fille / la mère / le patron :

C'est le personnage qu'on voit le moins, et pourtant, tout tourne autour de lui. Le père vient à Wuhan pour lui, et parcourt la ville entière pour le retrouver. Duo invisible mais qu'on devine, par les espoirs avivés, douloureux d'attente. C'est sa mère qui veut le voir avant de mourir. Il a disparu il y a un an. Fils chéri qu'on a protégé au dépend de la fille. Celle-ci, on le sent, est triste d'avoir été laissée de côté, mais elle ne juge pas. C'est une fille, elle sait ce que cela signifie pour des gens de la campagne... Le fils, que l'on croit apercevoir dans une cave avec le patron...

Chez Chao Wang, toutes les scènes violentes sont cachées, non pas pour atténuer cette violence, mais au contraire, pour que le spectateur se la crée, l'imagine. De même la rencontre du père et de la fille au KTV est éludée, rendant les retrouvailles dans le taxi encore plus fortes pour nous qui n'en voyons que le résultat.

Bref, un film émouvant, beau, touchant, dont le jeu des acteurs est époustouflants... C'est une fable à la survie, sans jugement, sans préjugé, mais qui dénonce les abus d'une Chine qui va trop vite, en laissant de côté une grande partie de la population..

Casting

Pour le casting, Wang Chao a choisi des comédiens peu connus, le plus souvent venus du théâtre, comme Wu You Cai (le père) ou Li Yi Qing (le vieux policier). Huang He (He Ge, le patron) est célèbre comme comique et présentateur télé, tandis que Tian Yuan (la fille), s'est fait connaitre en Chine grâce à ses talents de chanteuse et musicienne. Lauréate en 2003 du Prix du Meilleur espoir de la chanson chinoise, elle a également signé un roman, paru en France sous le titre La Forêt du zèbre.

Ce film chinois est coproduit par un Français, Sylvain Bursztejn, pour Rozem Films, avec qui le cinéaste avait déjà collaboré sur son précédent film. "(...) il m'a chaleureusement encouragé dans mon désir d'exprimer pour la première fois mes intentions d'auteur en utilisant une narration cinématographique classique", dit à son propos Wang Chao, qui remercie également Michel Reilhac d'Arte et le Fonds sud cinéma.

Voiture de luxe a décroche au Festival de Cannes le Prix de la section Un Certain regard

Bande annonce


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