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Un jour sans fin #sarkocasuffit

Publié le 22 février 2012 par Variae

- Merci de m’avoir reçue si vite docteur. Pour ne rien vous cacher, je suis vraiment très inquiet.

Un jour sans fin #sarkocasuffit

- Dites-moi tout.

- Je ne sais pas trop par où commencer.

- Reprenez depuis le début, détendez-vous, vous voulez un verre d’eau ?

- Non, non, ça ira … donc mon mari, comme vous le savez, arrive en fin de contrat et je crois qu’il a du mal à gérer le stress que cela induit … Il se fait des cheveux blancs, au propre comme au figuré. Et … [elle retient un sanglot, sort un mouchoir] Je crois qu’il a perdu la mémoire. Enfin, c’est compliqué à expliquer, c’est plutôt qu’il se croit revenu au début de son contrat. Plus exactement, au moment où il allait décrocher son contrat. Alors quelqu’un m’a dit que vous pourriez peut-être nous aider …

- Expliquez-moi.

- Il refait méticuleusement ce qu’il faisait il y a cinq ans, parfois au détail près. Il a contacté ses collaborateurs de l’époque pour les ré-embaucher. Il se remet à se lever tôt le matin pour aller visiter ses clients sur leur lieu de travail. Il agresse verbalement ses concurrents. Il reprend des mots qu’ils n’utilisait plus …

- Vous avez un exemple ? C’est important pour le diagnostic.

- Euh … va … va … « valeurs », je crois, je n’ai pas très bien compris. Ça existe, c’est français ?

- Oui, oui.

- Et puis tra … tra … Attendez j’ai un doute. Vous savez, ce qu’on fait quand on défile pour présenter des vêtements. Traveil ? Travoile ?

- Travail ?

- Oui voilà ! Valeur, travail, il n’a que ça à la bouche. Alors que je vous jure docteur, il ne m’en parlait jamais, jamais plus !

- Et comment réagit son entourage ?

- Ils l’encouragent dans cette voie [elle se mouche bruyamment]. Il y a ce monsieur avec ses gros sourcils qui est revenu frapper à notre porte l’autre jour, et qui prend soin lui aussi de répéter ce qu’il lui disait il y a cinq ans. Qu’il allait gagner, qu’il était le meilleur … C’est sans doute très bon pour le moral de mon mari, mais je vois bien que ça aggrave sa confusion temporelle ! Et puis il y a tout ses subordonnées, il les réunit régulièrement en ce moment, et ils n’arrangent rien à son problème, si vous saviez ! On retrouve les grands moments de la campagne de 2007quand il entre en campagne, ça dépote, et j’en passe, et des meilleures !

- Hum. Je vois. Et vous, comment vous comportez-vous ?

- Je ne sais pas quoi faire. J’ai essayé quelques petites choses pour le maintenir dans la réalité, je lui ai caché sa montre fétiche qu’il avait toujours au poignet avant, par exemple.

- Et pour vous-même, vous faites bien attention, par exemple, à ne pas vous habiller comme à l’époque, à …

- Je … je n’étais pas avec lui il y a 5 ans. Il y en avait une autre.

- Ah. Et vous avez peur qu’il vous oublie aussi, justement, c’est ça ?

- Quand je l’ai entendu discourir l’autre jour sur la famille, le mariage, qui doivent rester des « repères stables » dans la société, je me suis demandé s’il n’était pas en train de m’effacer de sa mémoire, parce bon, on peut pas dire qu’il ait été un as du mariage stable, si vous voyez ce que je veux dire [elle étouffe à nouveau un sanglot].

- Allons. Allons. Reprenez-vous [il lui tapote gentiment le bras]. Nous connaissons ce trouble, que certains de mes confrères appellent syndrome du “jour sans fin”. Les symptômes en disparaîtront d’eux-mêmes quand votre mari sera confronté de manière irréfutable au fait que la période qu’il essaie de reproduire méthodiquement est révolue. Son contrat ne doit pas être renouvelé, c’est bien cela ?

- Non, plus personne n’y croit, à part lui … il s’arrête dans deux mois, en principe.

- Bien. Deux mois à tenir, qu’est-ce que c’est hein ! Prenez sur vous, prenez des vacances, changez d’air. Et réfléchissez déjà à sa reconversion : il faut qu’il rebondisse vite, à l’étranger par exemple ! Vous avez des pistes ?

- Il avait bien quelques amis, en Tunisie, en Italie, ou en Egypte, mais ils ont également été mis à la retraite précoce. Peut-être en Libye

- Vous voyez ! Allez, allez : tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Consultation espionnée par Romain Pigenel


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