Magazine Environnement

Du Vice Premier ministre au Premier ministre en charge du développement durable

Publié le 24 février 2012 par Arnaudgossement

12040003_passation_de_pouvoirs_entre_nathalie_kosciusko_morizet_et_le_premier_ministre_francois_fillon.jpgC'est par un décret du 22 février 2012, publié ce matin au JO, qu'il a été mis fin aux fonctions de Nathalie Kosciusko-Morizet en qualité de Ministre de l'écologie, du développement durable, des Transports du Logement. Un ministère à la tête duquel elle avait été nommée le 14 décembre 2010. 


L'histoire du Ministère de l'écologie pour ces cinq dernières années est assez surprenante voire ironique. Le dernier ministre de l'écologie du quinquennat est en effet François Fillon, par ailleurs Premier ministre depuis cinq ans. Pourtant, lors du Grenelle de l'environnement de 2007, ce même Premier ministre était assez réservé s'agissant des arbitrages que le ministre de l'écologie de l'époque - Jean-Louis Borloo - obtenait directement à l'Elysée. Le peu de goût de Matignon pour les thèses écologistes étaient de notoriété publique tout comme sa propension à souligner systématiquement le coût supposé des engagements du Grenelle. Pourtant, c'est bien ce même Premier ministre qui sera...le dernier ministre de l'écologie. Autre observation : la dernière ministre de l'écologie du quinquennat était aussi...secrétaire d'Etat à l'écologie en début de mandat. Le ministère de l'écologie a donc été témoin d'un processus de promotion interne au Gouvernement à l'intérieur d'un même mandat. 

Le Ministère de l'écologie est-il sans tête ? Pas tout à fait puisque sa nouvelle tête n'est autre que le Premier ministre. Toutefois, la pratique consistant à rattacher ainsi un ministère au Premier ministre sans procéder au remplacement, même pour un temps court, le ministre sortant, n'est pas chose courante. On n'imagine d'ailleurs pas que le ministère de l'économie puisse rester ainsi sans ministre. 

Certes, le pacte écologique de Nicolas Hulot, signé par la plupart des candidats à l'élection présidentielle de 2007, proposait la création d'un Vice premier ministre en charge du développement durable. En 2012, nous voilà donc en présence d'un Premier ministre en charge du développement durable. Sur ce sujet, nous sommes donc passés du Vice premier ministre au Premier ministre. D'une certaine manière, mais telle n'était sans doute pas le but de l'opération, cette attribution de nouvelles fonctions à l'actuel Premier ministre nous rapproche du projet défendu en 2007. 

D'une certaine manière seulement car, en réalité, l'absence de remplacement de Nathalie Kosciusko-Morizet est une mauvaise nouvelle du point de vue de l'affichage politique. Elle donne le sentiment qu'un ministre de plein exercice peut n'être pas en permanence nécessaire pour piloter le super ministère. Du point de vue juridique, les choses sont sans doute moins graves si l'on considère que, ministre ou pas, peu de  grands arbitrages politiques sont possibles à si peu de temps d'une élection présidentielle. En réalité, avec le départ de Nathalie Kosciusko-Morizet c'est surtout la fin d'un cycle qui est marqué, celui qui s'était ouvert en 2007 avec le Grenelle et dont elle était l'une des conceptrices. 

Quel est le bilan de Nathalie Kosciusko-Morizet ? Reconnaissons tout d'abord que sa tâche n'était pas facile. Devenir ministre en fin de quinquennat n'a pas le même sens que  de l'être au début. Le début de quinquennat correspond aux ouvertures de chantier et aux annonces politiques. L'espoir est permis. En fin de mandat, l'heure est à l'exécution, à la mise en oeuvre, toujours moins euphorisante, toujours plus grise. Le rôle premier de NKM était d'assurer la mise en oeuvre des engagements du Grenelle accouchés par Jean-Louis Borloo et...elle-même alors qu'elle était secrétaire d'Etat. Autre difficulté rencontrée par Nathalie Kosciusko-Morizet : la majorité présidentielle était sans doute moins convaincue de l'utilité des investissements verts à la suite d'un Grenelle peu profitable sur le plan électoral. Autre difficulté, force est de constater que le début du ministère de l'écologie de Nathalie Kosciusko-Morizet a été marqué par la gestion d'un dossier d'une particulière complexité dont elle a hérité : les gaz de schiste. Enfin, si le sommet mondial du climat de Copenhague de décembre 2009 avait suscité une vague d'espoir sans précédent, le sommet de Durban de 2010 est, malheureusement, passé presque inaperçu. L'organisation d'une table ronde sur l'efficacité énergétique n'aura pas permis de remettre la question du changement climatique au centre du débat public.

En définitive, la dernière ministre de l'écologie a travaillé dans un contexte peu propice à l'épanouissement des idées vertes. On retiendra cependant la publication au JO de nombreux textes, certes peu médiatiques mais qui étaient attendus, notamment des juristes, pour traduire en mesures concrètes les engagements du Grenelle. C'est ainsi que la réforme de l'étude d'impact et de l'enquête publique, issue de décret du 29 décembre 2011 permet à la France de mieux respecter ses engagements européens en ce domaine. Tout n'a pas été fait mais le rythme est soutenu. Mais comme l'on ne saurait réduire l'évaluation des politiques publiques à la quantité de textes écrits, il faut s'interroger sur les réalisations. 

Côté énergies renouvelables, Nathalie Kosciusko-Morizet dont la compétence et l'engagement pour conserver l'énergie dans le périmètre du ministère de l'écologie ne sont pas à remettre en cause aura réussi à organiser l'appel d'offres pour la création de cinq parcs éoliens off shore mais n'aura pu s'opposer à un moratoire très dur pour le développement de l'énergie solaire et au coup de frein programmé sur la création de parcs éoliens qui souffrent d'un classement ICPE inutile. Sur le nucléaire, si la ministre a obtenu une réforme du référentiel de sûreté, le Chef de l'Etat n'a nullement remis en cause son approche de l'atome. Côté Biodiversité, si la ministre de l'écologie a contribué au succès du sommet mondial de Nagoya, le décret et les moyens nécessaires à la mise en place d'une trame verte et bleue ambitieuse sur tous les territoires français se font encore attendre. A l'inverse, on doit sans aucun doute à fermeté de la ministre la confirmation gouvernementale de l'interdiction française de mise en culture de l'OGM MON 810. 

La volonté de Nathalie Kosciusko-Morizet n'aura cependant pas toujours suffit. C'est ainsi que le décret sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises aura été retardé sans fin. C'est ainsi aussi que le projet de loi sur le nouveau code minier - sujet sur lequel la Ministre m'avait demandé de lui remettre un rapport - continue de moisir à l'Assemblée nationale malgré l'urgence du sujet. Enfin, sur les transports, si la création des zones d'action prioritaires pour l'air est une bonne chose, le sort du ferroviaire de proximité ou de fret ne s'est pas amélioré. 

Le bilan de Nathalie Kosciusko-Morizet est donc contrasté selon que l'on considère le verre à moitié plein ou vide. Au final, au terme de ce quinquennant, le plus intéressant, à mon sens, est de revenir à l'idée développée en 2007 par Nicolas Hulot : fallait-il créer un Vice premier ministre en charge du développement durable ? Sans doute mais ce quinquennat aura aussi démontré que l'écologie est l'affaire de tous et pas uniquement de l'Etat. S'agissant de Nathalie Kosciusko-Morizet, nul doute que son influence politique est et demeurera croissante. Ce qui témoigne de l'émergence d'une nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques, qui, à droite comme à gauche, se sont emparés de la question de l'écologie. L'espoir demeure donc permis. 


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