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L’Afrique doit-elle avoir peur des politiques importées ?

Publié le 27 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Selon certains intellectuels africains, la pauvreté et le retard dans le processus de développement seraient justifiés par l’échec de tentatives successives de « greffes » politiques forcées. Plutôt que de refouler en bloc les modèles importés, ne serait-il pas temps pour ces intellectuels africains d’accepter de se remettre en cause et de rechercher les problèmes structurels du retard de leur économie ?
Par Nicolas Madelénat di Florio
Article publié en collaboration avec Audace Institut Afrique

L’Afrique doit-elle avoir peur des politiques importées ?

Pour Jean-Paul Sartre, grande figure de l’internationale socialiste, et caution (im)morale des atrocités communistes, l’enfer c’est les autres. De manière récurrente, voire obsessionnelle, cette idée est reprise en Afrique par les intellectuels, et souvent appliquée contre les politiques importées sur leur continent. La pauvreté et le retard dans le processus de développement seraient, selon eux, justifiés par l’échec de tentatives successives de « greffes » politiques forcées.  Le cœur serré, ils appellent alors les Africains à écrire un modèle qui leur soit propre. Or, nous le savons, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Pourtant, il semble intéressant, et utile, de se demander si l’enjeu n’est pas démotivant car hors de portée ?

Nous retrouvons là encore Jean-Paul Sartre non pour son œuvre littéraire mais pour sa pensée politique ; pour lui, en effet, si le système ne s’adapte pas, il suffit de changer l’Homme. Cette conception, totalement utopique, est une aberration anthropologique. Elle permet, toutefois, d’insister sur une dimension trop souvent oubliée par les politiques actuelles : le système doit découler des comportements naturels de l’être humain, et non de volontés particulières ; à terme, jouer à Dieu ne tient pas. L’orgueil de cette conception thaumaturgique est immense ; ses applications peuvent être terribles ; mais, rapidement, le système s’effondre et engendre des troubles dont les peuples doivent endurer les conséquences. Ainsi si l’on doit réinventer la roue à chaque fois que l’on prend la route, il est probable que l’on n’ira pas bien loin. Ouvrons n’importe quel travail de recherche dans le monde, nous y trouverons inévitablement une liste importante de références bibliographiques. La moindre « Histoire de la philosophie » suffit, par exemple, à rappeler que l’idée d’une société humaine auto-régulée, et s’adaptant sous l’effet des contraintes extérieures (ce qui deviendra le marché, et la fameuse « main invisible ») existait déjà… 5 siècles avant Jésus-Christ. Cela signifie que l’on part toujours d’une base conçue par d’autres, et ce souvent sans le savoir ; or, si l’on peut pardonner à une personne d’ignorer toute l’histoire de la sagesse du monde, il convient de ne pas lui pardonner de choisir, volontairement, de perdurer dans cette ignorance. C’est d’ailleurs la base de tout progrès que de se remettre en question et sans cesse vouloir faire mieux.

Plutôt que de refouler en bloc les modèles importés, ne serait-il pas temps pour les intellectuels africains d’accepter de se remettre en cause et de rechercher les problèmes structurels du retard de leur économie ? De faire l’effort de se libérer des idées reçues qui les aveuglent et les éloignent d’une voie de progrès accessible ?

Depuis leur indépendance, les pays africains n’ont connu que des politiques dirigées par des gouvernements ayant des pouvoirs sans limite. Certains ont affirmé être socialistes, d’autres libéraux, mais la finalité a été la même : l’État décide de tout et la population reste captive de ses caprices évoluant au gré de ses « soutiens » internationaux. Toute politique planifiée par essence est vouée à l’échec, qu’elle soit importée ou pas. En effet, le marché s’adapte en permanence, étant, tout simplement, la combinaison de toutes les volontés individuelles ; il est en l’Homme, il est l’essence même de l’humanité : l’échange. Or, la planification va à l’encontre de cette dynamique permanente et peut s’apparenter à la pose d’un garrot sur une jambe : le sang cesse de circuler, les tissus meurent, il faut couper. L’économie fonctionne de même et les garrots de la planification la dégradent à chaque intervention. Dans un tel contexte, on peut comprendre le mal-être de ces intellectuels qui crient à l’invasion de modèles infructueux.

Ces mêmes intellectuels s’empressent cependant d’accuser les politiques libérales du chaos à travers un système immoral qui exploiterait les pauvres par les riches, à travers des monopoles qui écrasent les économies locales, des politiques de privatisation dangereuses, une mondialisation immorale, etc. Alors que l’intellectuel est censé éclairer les populations, on se rend compte que, malheureusement, par de telles communications ils les aveuglent et les oppriment dans une promiscuité intellectuelle atterrante. Que la démarche soit intentionnelle ou pas, la finalité est grave. Pourtant, le premier des intellectuels célèbres, Socrate, rappelait que la seule chose dont le Sage doit être sûr est qu’il ne sait rien et qu’il doit demeurer modeste quant à ses prises de position dans les décisions relatives à la vie d’un Peuple. Il est aussi préjudiciable à l’intérêt commun que des individus éclairés soutiennent des gouvernements corrompus et corrupteurs ; c’est en cautionnant les pires images, les pires situations, que s’instille dans les sociétés africaines tout ce, qu’ensuite, ces mêmes intellectuels vont critiquer.

S’ils faisaient preuve d’honnêteté, ces intellectuels se poseraient des questions de fonds : Le libéral peut-il s’accommoder de monopoles ? Aberration ! Les monopoles ne peuvent exister que s’ils sont protégés par des gouvernements forts et corrompus et cela est aux antipodes du libéralisme qui, lui et lui seul, prône haut et fort l’adaptation des productions aux besoins de la population (adaptation spontanée de l’offre à la demande) et la transparence. Les privatisations maladroitement présentées comme des dangers se sont résumées en Afrique à un passage d’un monopole d’Etat à un monopole privé et protégé. Ce n’est plus, en pareille situation, la loi du marché et de l’échange prônés par le militant libéral. Cette domination du riche sur le pauvre serait-elle le fait des politiques libérales ? N’a-t-on pas constaté dans les pays d’union soviétique une domination absolue d’un groupe de privilégiés sur un peuple écrasé ? N’est-ce pas justement un manque absolu de liberté individuelle qui permet à quelques dirigeants de dominer leur peuple, de le maintenir, par la concentration malsaine des instruments de production et de distribution, dans la misère ?

Une brève analyse peu poussée oblige à voir que dans le monde les pays les plus libres sont aussi les plus riches. L’inégalité demeure toujours mais, dans ces pays, la pauvreté est moindre. Au-delà, ce sont les pays les plus riches qui sont en tête de liste des donateurs dans le monde, il est donc difficile de parler d’immoralité totale. Pourquoi emporter l’opinion dans de fausses analyses ? Pour préserver le pouvoir absolu des pouvoirs en place ? Question certes malsaine mais qui mérite d’être posée. Ainsi, si les intellectuels trouvaient dans le libéralisme « non le meilleur des systèmes, mais le moins préjudiciable », ils accepteraient, enfin, de mobiliser leur sphère d’influence au profit des Peuples qu’ils prétendent éclairer et que, pour l’instant, ils contribuent par leur silence, ou leurs prises de positions favorables au tout-à-l’égo-étatique, à une concentration des pouvoirs et des richesses entre des mains toujours plus avides.

Il est clair que le libéralisme ne peut être responsable des maux du continent puisqu’il ne l’a pas connu depuis les indépendances. Alors que les politiques importées effraient, le libéralisme semble bien la voie indiquée. En effet, le fondement du libéralisme réside avant tout en l’Homme, en sa créativité, sa responsabilité, sa faculté à créer sa propre richesse, la propriété privée, son initiative individuelle. Le rôle de l’Etat pour le libéral se résume à la protection de l’activité humaine à travers la justice et la défense ; ces deux grands axes sont d’ailleurs rappelés par les religions du livre, le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam. L’Etat doit seulement veiller à ce que les hommes puissent mener à bien leurs activités sans entraves inutiles. Or, la séparation de la sphère personnelle (je possède) de la sphère publique (si tu veux voler mon bien l’Etat doit me défendre afin d’éviter un cycle sans fin de vengeance et de justice privée), ne signifie en rien que les politiques aient un droit « sacré » à dire ce qui est bien ou pas, voire même qu’ils mobilisent les instruments de maintien de l’ordre, et de Justice, pour aliéner la population et la maintenir dans la servilité. On peut donc définir le libéralisme comme un cadre épousant spontanément l’activité humaine car étant le système spontanément engendré par la rencontre d’au moins deux personnes, l’essence même et de notre nature, et de nos desseins. Dans un tel cadre, les populations s’expriment avec leurs propres cultures dans une flexibilité telle que l’on ne peut honnêtement parler de modèle importé ; le libéralisme ne peut d’ailleurs être « importé », puisqu’il n’a pas de forme figée mais, uniquement, des principes fondamentaux. Peut-on reprocher à l’Homme de vouloir être humain avant d’être un animal sociable ? Peut-on reprocher aux Peuples de vouloir vivre conformément à leurs habitudes ancestrales ? Peut-on reprocher, enfin, à nos enfants de chercher à se dépasser, sans cesse, sans qu’aucun pouvoir ne les en empêche ? Or, sur ces trois grandes questions, porteuses de tant d’autres, la pensée libérale rejoint les vœux déjà émis par les intellectuels ivoiriens qui, souvent, ont fait un rêve ; et ce rêve, nous le partageons depuis toujours puisqu’il est l’essence même de notre engagement.

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