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Réponse à Charles Gave sur la place des USA dans le monde

Publié le 02 mars 2012 par Copeau @Contrepoints

En contrepoint de l’article de Charles Gave, « Quelques contre-vérités sur les États-Unis ».

Contrairement à ce que prétend Charles Gave, les États-Unis sont devenus aujourd’hui une économie fondée sur une fuite en avant dans la dette, dans laquelle il devient très dangereux d’investir à long terme.
Par Loïc Abadie

Réponse à Charles Gave sur la place des USA dans le monde
Je souhaite revenir ici sur un article de Charles Gave, paru le 12 février sur Contrepoints, et qui a fait le tour de la blogosphère économique.

La thèse défendue y est la suivante : les États-Unis n’ont pas de problèmes majeurs de surendettement (en dehors de l’État), n’ont aucun déséquilibre dans leurs échanges de biens et de capitaux avec l’étranger, et restent une nation industrielle à la pointe de la compétitivité.

Et la conclusion qui suit : « restez investis aux USA en valeurs Schumpetériennes et si vous n’en avez pas, achetez-en. »

Cet article contient à mon avis malheureusement beaucoup de contre-vérités, et la réalité est beaucoup moins rose que ce que décrit Charles Gave.

Reprenons les arguments de Charles Gave.

1. Le solde positif (dividendes reçus – dividendes payés) à l’étranger

Les chiffres de Charles Gave sont ici globalement exacts : le dernier rapport du BEA mentionne un excédent de 58 milliards pour le T3 2011, ce qui correspond globalement aux 270 milliards annuels annoncés.

La conclusion « les USA ont un cash-flow positif vis-à-vis de l’étranger » ne l’est par contre pas du tout : la balance des paiements courants américaine était déficitaire de plus de 470 milliards de $ en 2010, et on anticipe un déficit proche de 600 milliards en 2011. Par ailleurs, l’énorme déficit public actuel (1560 milliards de $) est lui aussi en grande partie financé par des achats de dette de la part des pays étrangers.

Face à ces chiffres, les 270 milliards d’excédents de dividende pèsent bien peu (environ la moitié du déficit de la balance des paiements courants, et à peine plus d’un sixième du déficit public) : les USA ne pourront en aucun cas compter sur cet excédent pour régler le problème de leurs déficits jumeaux.

La conséquence : la position nette des USA (actifs détenus par les USA à l’étranger – actifs détenus aux USA par l’étranger) ne cesse de se dégrader (à l’exception d’un rebond en 2009 provoqué uniquement par la chute de la valeur des actifs américains).

Réponse à Charles Gave sur la place des USA dans le monde

Par quel miracle un « cash-flow positif » pourrait-il conduire à une telle dégradation ?

La vérité est que les USA vivent aujourd’hui d’une pure fuite en avant dans la dette, et qu’ils dépendent pour cela du bon vouloir de leurs partenaires économiques situés à l’étranger.

2. « Il faut comparer un flux à un flux ou un stock à un stock. »

C’est l’argument que Charles Gave utilise pour affirmer que les USA ne sont pas spécialement endettés, et que le ratio dette / PIB n’est pas pertinent. En faisant cela, Charles Gave fait un contresens grave, en confondant physique et économie !

Passons rapidement sur les chiffres « étonnants » avancés dans l’article (« la valeur des actifs est à 6000 milliards d’euro, la dette brute étant environ au quart de ce montant. »), on rappellera quand même que la « dette brute » des USA est de plus de 53 000 milliards de $, et la seule dette des ménages de 13 200 milliards de $, et venons-en à l’essentiel :

Le ratio stock/flux est le seul valable en matière de calcul de l’endettement, puisque la dette sera remboursée par un flux (recettes futures de l’emprunteur). Ce n’est pas pour rien que les banques exigent souvent pour un particulier que ses mensualités ne dépassent pas 30 ou 35% de ses revenus, ou bien que pour une entreprise il faille prouver la rentabilité (dans un délai suffisamment court) d’un projet d’investissement pour obtenir un emprunt !

Dans une situation de bulle financière, la valeur des actifs (immobilier, actions et autres) croît en général au même rythme que la bulle de crédit, si bien que le ratio dette totale/patrimoine total reste toujours raisonnable en apparence. Seul problème : quand la bulle éclate, les actifs surévalués qui formaient le « stock de patrimoine » s’effondrent, et le « stock de dette », lui, reste à rembourser !
Donc le ratio dette publique/PIB est bien le seul ratio valable pour juger de l’état d’endettement d’un pays, et en aucun cas le ratio dette/patrimoine.

Et aujourd’hui, ce ratio nous indique clairement qu’il y a un gros problème (graphique extrait du site d’acting man). En fait le plus gros problème des cent dernières années.

3. La conclusion de Charles Gave : « N’importe quel banquier étranger ou pas prêtera sans difficultés a quelqu’un qui a un cash-flow positif et en croissance (le revenu disponible est en hausse aux USA),qui a seulement 25 % de dette à son bilan et qui est créditeur vis-à-vis de l’étranger. »

- Les USA ont un cash-flow largement négatif (déficits jumeaux de la balance commerciale et des comptes publics).

- Ils ont un niveau d’endettement par rapport à leurs recettes (PIB) à un niveau sans précédent historique connu sur plus de 100 ans.

- Ils ne sont plus créditeurs vis-à-vis de l’étranger (cf. graphique en début d’article), et leur position à ce niveau ne cesse de se dégrader.

Ma conclusion : les États-Unis sont devenus aujourd’hui une économie basée sur un schéma de Ponzi (fuite en avant dans la dette), dans laquelle il devient très dangereux d’investir à long terme (même si, comme en ce moment, le schéma de Ponzi peut rémunérer correctement les premiers participants au système). N’y voyez aucun anti-américanisme de ma part, j’ai un immense respect pour ce que les USA ont réalisé au cours du 20ème siècle, et l’Europe n’est globalement pas en meilleure posture, même si certains pays comme l’Allemagne le sont.

Enfin, il m’arrive assez souvent d’être en accord avec ce que Charles Gave écrit (sur les dégâts de l’interventionnisme étatique en particulier). Simplement, je ne partage pas du tout sa vision des USA d’aujourd’hui.

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