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Didactique du français: regards sur deux dispositifs

Par Alaindependant

Français sur objectif académique à l’Université de Louvain et français de scolarisation à l’École Européenne de Luxembourg : regards sur deux dispositifs didactiques

Luc Collès  (Université de Louvain – Centre de recherches en didactique des langues et  littératures romanes CEDILL) et Guillaume Gravé-Rousseau  (CEDILL et Ecole Européenne de Luxembourg)

Communication au Colloque d’Arras en 2008

Mots clés : Français de scolarisation, FOA, interdisciplinarité, DNL, littératie, pédagogie du projet

Cette communication s’inscrit dans un des axes du colloque : quelles relations entre le FOS et le FLS ? Nous proposons tout d’abord de présenter le français sur objectifs académiques (FOA, un type de FOS) tel qu’il est pratiqué à l’Université catholique de Louvain (UCL- Louvain-la-Neuve) avec des étudiants allophones. Nous parlerons ensuite de l’approche intégrée de l’apprentissage de la langue 2 et des Sciences humaines dans l’École européenne de Luxembourg et du rôle fondamental qu’y joue le français de scolarisation dans les disciplines non linguistiques.

This communication fits in one of the axes of the conference: which relations between the FSO and the FSL? First of all we propose to introduce French for academic objectives (FAO, a type of FSO) such as it is applied in the catholic University of Louvain (Louvain-la-Neuve UCL-) with allophone students. Then we will speak about the integrated approach of the training of language 2 and the Human sciences in the European School of Luxembourg and of the fundamental role that the French L2 plays in the nonlinguistic disciplines.

  1. 1.   Le français sur objectifs académiques à l’UCL

Dans un article publié récemment dans un dossier consacré au FOS par Le Langage et l’Homme  (2007), Jacqueline Pairon et Emmanuelle Rassart abordent le français sur objectifs académiques (FOA). Leur contribution présente d’abord l’état de la recherche en didactique du FOA ainsi que l’état des lieux en Belgique francophone et en France. Ensuite, elles détaillent la mise en place du cours de FOA à l’Institut des Langues vivantes de l’UCL, en suivant la démarche proposée par Mangiante et Parpette (2004) : l’analyse de la demande de formation, l’analyse des besoins de communication des apprenants, la collecte et l’étude des données, puis la méthodologie choisie, concrétisée par quelques exemples d’activités, et enfin, le mode d’évaluation retenu. La spécificité de ce cours en chantier perpétuel est d’intégrer dans le FOA les dimensions communicative et interculturelle au côté des composantes spécifiquement discursives.

Quelles sont-elles, ces composantes discursives ? Essentiellement, une grande décontextualisation et une grande densité d’informations. Selon Boyzon-Fradet (1997) et Verdelhan (2002), ce sont là aussi les caractéristique principales du français de scolarisation tel qu’il est abordé dans les manuels du secondaire: disparition des renvois à la situation d’énonciation, recours  à un  vocabulaire spécifique pour désigner les réalités du monde : usage de mots inconnus ou connus de l’étudiant mais pas avec l’acception nécessaire au texte, usage de déterminants à valeur générale, usage abondant de relations anaphoriques . Ex. “ Chez le poisson, l’ingestion des aliments et leur excrétion se réalisent respectivement par…et par… ” ».

Tout en tenant compte des recommandations du CECR pour le niveau B2, les professeurs de l’ILV ont d’abord répertorié toutes les situations de communication propres à la vie académique auxquelles sont confrontés les étudiants et les chercheurs étrangers. Pour chaque situation de communication, ils ont pointé les principaux actes de langage que leurs apprenants posent, à l’oral et à l’écrit, dans leur vie francophone : 1) interactions quotidiennes (prendre RV, fixer un horaire, prendre contact pour des stages, interviews, méls et lettres) ; 2) Situations de formation : cours, TP, séminaires, colloques et conférences (comprendre le professeur et les collègues, prendre note, présenter un exposé oral, intervenir dans les débats, concevoir et exploiter des supports visuels) ; 3) Situations scientifiques : livres et articles scientifiques (comprendre et résumer, comprendre et écrire) ; 4) Situations évaluatives : examens, mémoire pour les étudiants, doctorat pour les chercheurs (comprendre et répondre à une question orale ou écrite, rédiger un résumé argumenté, insérer l’apparat critique, présenter une bibliographie, défendre un projet de recherche à l’oral et à l’écrit).

Pour accomplir tous ces actes de langage propres aux situations académiques, les opérations langagières suivantes paraissent indispensables :

1)  Actes de parole : interagir dans les échanges quotidiens de la vie académique (saluer, remercier, demander, conseiller…), argumenter (définir, expliquer, illustrer…) et prescrire (donner un conseil, un ordre…).

2)  Quant aux champs de référence, étant donné leur public multidisciplinaire, les enseignants de L’ILV ont pris l’option de ne privilégier aucun domaine scientifique en particulier. ils ont veillé à n’aborder que des sujets d’intérêt général : l’univers de la connaissance, l’UCL et Louvain-la-Neuve, les comportements quotidiens (observation et analyse de nos modes de consommation, de déplacement…) et les enjeux mondiaux (le réchauffement climatique, le développement durable, les relations Nord/Sud…).

Nous ne passerons pas ici en revue  les composantes linguistiques qui sont abordées dans un cours de FOA (vocabulaire, structures morpho-syntaxiques). Signalons simplement la composante discursive : le tissage de voix énonciatives (une relation dialogique s’établit entre plusieurs systèmes discursifs), l’intertextualité (l’insertion du discours d’autres chercheurs et le recours à divers documents : témoignages, statistiques (1) ) et l’écriture expansive (développement, reformulation, commentaire, citation, recours aux documents…).

Les professeurs de l’ILV puisent leurs données à trois sources : parmi les documents authentiques glanés dans la production académique belge et francophone, dans les ouvrages de didactique des discours universitaires (Pollet 2001, Schnedecker 2002, Timbal-Duclaux 1990, Eurin/Henao 1992) et enfin les observations sur le terrain (colloques, échanges avec les enseignants en faculté, lecture de mémoires…). Dans un souci de s’approcher le plus possible de la spécificité de leur public, ils privilégient des sources de la Communauté française de Belgique en général et de l’UCL en particulier : des discours scientifiques (articles ou parties d’articles issus des principales revues scientifiques), des discours scientifiques de diffusion (enregistrements vidéo ou audio de conférences « grand public » données par des scientifiques renommés dans les murs de l’université ou ailleurs, articles de la presse quotidienne et hebdomadaire, émissions de télévision) et des discours didactiques universitaires (Ainsi, l’UCL, comme la plupart des universités européennes actuelles, encourage l’utilisation de plateformes Web d’apprentissage ; de nombreux documents de cours de toutes les facultés sont dès lors à la disposition des professeurs de FOA).

En tant qu’observateurs extérieurs et chercheurs en didactique du FLS, nous avons aussi suggéré aux professeurs de l’ILV d’introduire des textes littéraires dans leur cours de FOA, ou plus exactement d’inscrire les textes de spécialité dans une stratégie de diversification des textes écrits . C’est ce que nous préconisons aussi et que nous réalisons pour une approche intégrée de l’apprentissage de la L2 et des Sciences humaines dans le secondaire à l’école européenne. Il nous semble fécond, didactiquement parlant, de considérer les textes fonctionnels (y compris académiques) et les textes fictionnels comme des “ pratiques langagières ” attestant le continuum entre l’écrit ordinaire et l’écrit littéraire (Collès 1994). C’est au sein d’un champ ouvert que l’idée d’un aller-retour entre le “ non-littéraire ” et le “ littéraire ” trouve sa réalisation. Cette idée se traduit par la préparation de l’étudiant à donner sens aux intertextes, aux codes littéraires en circulation à travers différents genres et types de textes. La compétence de lecture revient alors à repérer et à décoder ce que nous appellons les “ culturèmes ”, c’est-à-dire les lieux à forte charge culturelle (cf. Blondel et al., 1998). C’est, en somme, aux réseaux des significations implicites comme les connotations associatives ou les allusions (Collès 1995) que l’étudiant doit être initié pour développer une véritable compétence de lecture.

Je l’ai quant à moi (Luc Collès) fait découvrir à des étudiants universitaires en sciences qui m’avaient demandé, dans le cadre d’un cours de français général pour allophones, d’aborder des textes scientifiques plutôt que des textes littéraires. Je m’étais alors basé sur des manuels de physique et de botanique en leur montrant que, dans ces domaines, les images ou figures de style étaient particulièrement nombreuses. D’ailleurs, l’utilisation d’images n’est pas propre à la vulgarisation scientifique ; dans les textes de recherche, les hypothèses sont très souvent formulées sous forme de métaphores (“ Tout se passe comme si… ”). Pour la compréhension de ces types de discours, la fréquentation des textes littéraires peut donc s’avérer très utile. Le français usuel regorge lui aussi de métaphores et ses énoncés sont souvent à prendre au sens figuré. Or, à trop mettre l’accent sur les fonctions référentielle, phatique, expressive ou conative du langage, on en oublie la fonction poétique, certes présente dans les textes littéraires, mais aussi dans les textes fonctionnels, comme les slogans publicitaires ou les textes scientifiques. C’est pourquoi le va-et-vient que nous préconisons entre textes littéraires et textes non littéraires, doit être mis en place le plus vite possible.

En FOA, une attention particulière est accordée aux fonctions mnémonique, structurante et informative du langage. Lecture et écriture sont étroitement liées. De ce point de vue, la didactique mise en place dans les lycées bilingues (Collès 1999) ou les écoles européennes où des matières non linguistiques peuvent se donner dans la langue cible peut servir de modèle. Guillaume  Gravé-Rousseau le montrera dans un instant. Les savoir-faire linguistiques sont liés à des situations spécifiques de communication. La pratique de la langue seconde dans les disciplines spécialisées génère une certaine fréquence d’activités mentales et d’opérations identifiables (Verdelhan 2002) : décrire, comparer, mesurer, situer dans le temps et dans l’espace, hiérarchiser, quantifier, généraliser, tirer une conclusion, formuler une objection, etc. ;  autant de situations de langue à décrire dans le contexte de chaque discipline. Mohamed Miled (1998) a montré, à partir de l’exemple du texte argumentatif, tout l’intérêt à consolider, à ces fins, la maîtrise des compétences transversales. Les documents  authentiques sont aussi autant de lieux stratégiques à privilégier pour affiner ces savoir-faire. Dans  ses travaux sur la langue de scolarisation, Danièle Boyzon-Fradet (1997) s’est attachée à des matières qui utilisent largement la langue comme véhicule des connaissances : la géographie, l’histoire et les sciences naturelles. Deux aspects essentiels ont retenu son attention : l’organisation du type d’écrit que constitue l’ensemble d’une leçon et la langue propre au texte didactique. Les opérations requises pour s’approprier les connaissances contenues dans la leçon peuvent être d’ordres très différents : identification des éléments, mise en relation, construction des concepts, etc. Sont ici mobilisées les compétences linguistiques, textuelles mais aussi culturelles du lecteur.

Quant au texte didactique proprement dit, l’hétérogénéité des types de discours est une  de leurs caractéristiques. On y trouve mêlées argumentations, explications, définitions internes, descriptions, injonctions, voire narrations. Selon les manuels ou les syllabus (polycopiés), on peut être en présence d’un texte fortement structuré, découpé en autant de paragraphes que de notions présentées, utilisant largement titres et sous-titres dont la typographie aide au repérage de la structure, ou bien en présence d’un texte à l’organisation floue, à la typographie non immédiatement signifiante. En  ce qui concerne  les consignes, on se trouve aussi face à une grande hétérogénéité. Leur statut didactique n’est généralement pas précisé. On ne sait pas si l’on a affaire à un guidage  de  la découverte  des  notions par les étudiants ou  bien s’il s’agit d’exercices suivant la leçon, ou bien encore si ces consignes sont destinées à la reconstitution de l’argumentation qui conduit au texte didactique. La fonction des consignes doit donc être explicitée avec les étudiants et leur utilisation faire l’objet d’un entraînement systématique (cf., par ex, Zakhartchouk 1990).

Comprendre l’organisation d’une leçon, identifier et s’approprier des consignes, comprendre un texte didactique (identification de la nature du texte, analyse de sa cohérence et de sa cohésion, étude des structures linguistiques et du lexique) et produire un texte didactique (à partir des réponses aux consignes ou de l’expansion du résumé et à l’aide des documents de la leçon), toutes ces activités sont à promouvoir tout au long du secondaire et  dans les cours de FOA à l’université (cf. les enquêtes de J. Klein et J.-M. Pierret à l’UCL qui ont révélé que les échecs en bac 1 en sciences sont dus à la mauvaise maîtrise du français usuel et décontextualisé).

Bien sûr, ce qui intéresse avant tout les enseignants, c’est la maîtrise, par leurs étudiants, des compétences liées à leur discipline. Mais, pour vérifier cette maîtrise ou – du côté de l’étudiant – pour s’approprier ces compétences, le passage par la langue est obligatoire. Les résultats d’apprentissage, les modifications dans les structures cognitives des étudiants ne sont jamais directement observables. On ne peut y accéder qu’à travers une performance linguistique : dire et écrire les savoirs.  Le langage n’est pas qu’un support, un média : il y a une interaction entre la langue et le savoir. Par exemple, la manière dont les étudiants se redisent mentalement telle matière influence leur mémorisation (ce qui va être retenu, comment et pour combien de temps). De même, les mots, les phrases qu’ils réutilisent pour décrire un phénomène observé influent sur leur perception de ce phénomène.

La langue n’est pas qu’une “ boîte aux lettres ”, elle marque la pensée. Réécrire dans ses propres mots, par exemple, n’est pas un luxe : c’est sans doute une condition sine qua non d’un réel apprentissage. Ainsi, formuler “ en français ” des expressions mathématiques constitue un excellent moyen de s’en approprier le sens. “ Il me semble essentiel, témoigne un enseignant lors d’une enquête menée en 1994 par le SeGEC (1995) dans l’enseignement secondaire, que l’on demande aux étudiants d’écrire leurs copies de mathématiques en phrases complètes et cohérentes. Une grande part des difficultés que leur donnent les mathématiques vient de ce qu’ils parachutent des formules et symboles mathématiques sans les placer dans des phrases significatives. ” On le voit, même dans une discipline qui a développé un langage symbolique autonome, le recours à la langue maternelle (orale ou écrite) est indispensable à la découverte par l’élève du sens même de ce langage.

De même, en sciences, on peut demander aux étudiants d’exprimer par écrit leurs représentations préalables d’un phénomène physique. Même s’il va de soi que cette démarche pourrait également être menée oralement, le support écrit permet l’expression simultanée de tous et une mise à distance plus aisée de ce que chacun a dans la tête.  Par ailleurs, le recours à l’écriture – notamment parce qu’elle est une forme de communication à distance (fût-ce avec soi-même) - exige une explication aussi précise que possible de la pensée. Cet effort d’explication amène celui qui écrit à une élaboration plus rigoureuse des idées. Il n’est donc pas question d’amener les étudiants à écrire pour écrire, mais plutôt à recourir à l’écriture pour atteindre des objectifs plus généraux de compréhension, d’expression et de communication.

 A l’ILV, l’approche proposée suit une progression. Le cours est conçu en trois temps : un échauffement (activités d’activation du vocabulaire, de libération de l’expression personnelle..), une étape d’observation d’un phénomène discursif, linguistique ou communicationnel et, enfin, une part importante consacrée à la production d’un énoncé oral ou écrit. Par ailleurs, chaque texte est produit en classe selon la technique de la réécriture. Les étudiants se basent sur un canevas textuel authentique. Enfin, l’évaluation aussi est progressive : chaque production orale ou écrite est évaluée une première fois par l’étudiant (auto-évaluation) et par le professeur à l’aide d’une grille. Les textes écrits sont ensuite retravaillés à domicile et recorrigés par le professeur. Le cours de communication scientifique est donc conçu à la fois comme un cours, un séminaire, un atelier et un laboratoire.

Guillaume Gravé-Rousseau va à présent aborder le français de scolarisation à l’Ecole Européenne de Luxembourg.

  1. 2.   Le français de scolarisation à l’Ecole Européenne de Luxembourg

Quand les responsables de l’ASDIFLE proposaient pour leur colloque annuel de 2002 le titre « Y a-t-il un français sans objectif(s) spéci­fique(s)? », ils sous-entendaient que toute situation éducative, même de type extensif, mérite un enseignement approprié et une approche particulière. Appliquée au système des Ecoles européennes, cette question rhétorique n’est pas dénuée d’intérêt, loin s’en faut. Le français, l’anglais et l’allemand  sont dans le système des Ecoles européennes des L2. C’est-à-dire qu’elles sont enseignées dès la première année de primaire en plus de la L1 (dite langue maternelle). A partir de la 3ème secondaire, la  L2 devient la langue du cours de Sciences humaines, soit la langue véhiculaire d’une DNL. Comme d’ailleurs d’autres matières, l’économie, la sociologie, l’art… aussi données en L2. Or, si l’on est passé, dans le cursus des élèves de la L2 à une langue de scolarisation, cela s’est fait sans prise en compte effective et réfléchie de ces changements d’enjeux et de démarches. Sans que les pratiques des professeurs, ni même les programmes n’intègrent ce qu’il faut bien appeler un bouleversement dans le parcours des apprenants.Le but de cette communication est de démontrer la nécessité de mieux prendre en compte l’apparition du Français de scolarisation (FLSco) à l’Ecole européenne, en proposant plusieurs pistes pour l’intégrer au dispositif de l’enseignement de la L2.

A l’école européenne, les apprenants, qui proviennent des différents pays de l’Union Européenne et qui étudient le français comme langue seconde depuis le primaire, se voient proposer à partir de la 3ème année du secondaire, l’apprentissage des sciences humaines (histoire/géographie) en langue française. Soit, donc, après 8 ans de cursus en L2, ce qui correspond à environ 1000 heures de FLS. Pendant les deux premières années du cycle secondaire, le rôle du professeur de FLS est primordial, car c’est lui «… qui va préparer l'apprenant à la connaissance et à l'emploi de cette langue pour qu'elle devienne instrument d'ap­prentissage ; mais c'est aussi ce même professeur qui pourra être solli­cité dans le cadre des enseignements conduits dans les DNL, tant en amont de ces enseignements qu'au niveau de leur évaluation(2). » L’apprenant va dès lors se servir de sa L2 en dehors du cours de langue, pour acquérir et mémoriser des savoirs et des savoir-faire liés aux Sciences humaines. Il est par conséquent essentiel que l’enseignant de FLS ait préparé le terrain en ayant développé chez ses élèves leurs capacités à penser et formuler dans leur L2 ces processus cognitifs inhérents aux Sciences humaines (comme nommer, définir, classer, hiérarchiser, comparer, analyser des données...etc.). Car, comme l’affirme Do Coyle (2000),  il s’agit d’« apprendre comment penser et penser comment apprendre ». Le FLS acquiert également, dès ce moment, la dimension d’une langue de scolarisation.

Dans une structure plurilingue comme l’école européenne ou même toute  structure bilingue, le défi majeur est de coordonner les disciplines non linguistiques avec les disciplines linguistiques (Mäsch, 2000 ; Coyle, 2000). Or si les programmes officiels de Sciences humaines (3) et de FLS (4) mentionnent le rôle central de la L2 dans l’apprentissage des Sciences humaines, ils n’indiquent pas de méthodologie ou de lignes directrices pour accompagner cette évolution dans les habitudes des apprenants. Au sein du programme de L2, il est par conséquent important de redéfinir le rôle du FLS, en prenant en considération le fait qu’il sert aussi à la mise en place des savoirs dans d’autres disciplines, comme les sciences humaines.

Afin d’ancrer le français de scolarisation dans les pratiques pédagogiques et éventuellement dans les programmes des Ecoles européennes, difficiles à réformer, nous souhaitons suivre et la démarche proposée par Mangiante et Parpette (2004) et ce qui a été réalisé pour mettre en place le FOA à l’Institut des Langues vivantes de l’UCL : l’analyse des besoins de communication des apprenants, la collecte et l’étude des données… Ce travail d’investigation est donc en cours, contrairement à l’UCL. Même si nous sommes dans le cas d’un enseignement de type extensif, nous pensons qu’il est nécessaire d’appliquer  la démarche  impliquant les collectes de données afin d’établir un diagnostic aussi précis que possible de la situation. Ainsi, nous pourrons collecter les données dans des questionnaires destinés aux apprenants de troisième secondaire, des entretiens avec les professeurs de FLS et de Sciences humaines, des enregistrements de cours de Sciences humaines et de FLS, des documents de cours, et des extraits de manuels, des travaux d’élèves…

   La mise en place de modules permettant de travailler des compétences transversales liées au français de scolarisation pendant les deux premières années du secondaire paraît a priori être une solution ad hoc et acceptable par les professeurs de FLS dans la mesure où même s’ils sont conscients de la spécificité de l’enseignement des Sciences humaines en L2, certains d’entre eux émettent des réserves sur la notion même de FLSco car ils craignent que leur cours soit « phagocyté » et dévolu exclusivement au cours de Sciences humaines. Autre avantage, la notion de module permet une souplesse d’utilisation pour  les enseignants de FLS et ils peuvent ainsi l’intégrer facilement dans leurs progressions pédagogiques. Les deux premières années du secondaire, nous prévoyons d’expérimenter, dans le cadre d’un projet de recherche, des modules permettant de travailler sur des compétences transversales dans le cadre du cours de L2. Ces modules représenteront un volume horaire de 54 heures de cours sur les 216 heures normalement prévues sur les deux premières années. Ils comporteront des tâches de plus en plus exigeantes sur le plan cognitif, graduées en fonction de la difficulté des exercices.

Si le travail d’enquête à l’Ecole européenne de Luxembourg concernant le français en Sciences humaines L2, est encore en cours, nous pouvons d’ores et déjà tracer différentes pistes en nous appuyant sur nos premières observations et sur des entretiens avec des professeurs et des élèves, pour permettre d’esquisser une didactique intégrant l’articulation FLS/FLSco. Par la suite, nous aborderons un projet de simulation globale historique qui va aussi dans ce sens.

Si l’on examine les documents (manuels ou extraits de cours) auxquels sont confrontés les apprenants de Sciences humaines en 3ème année du secondaire, plusieurs caractéristiques se dessinent :

-   des textes assez longs,

-   des consignes spécifiques,

-   l’omniprésence du support iconographique,

-   la présence de genres discursifs très divers que tels les discours informatif, narratif et descriptif.

Certains de ces apprenants se sentent désemparés lorsque le professeur leur demande de sélectionner des informations précises en histoire ou en géographie. « Apprendre à lire c’est donc aussi apprendre à contourner les mots inconnus ou difficiles pour accéder au sens de l’énoncé ou du texte »(5) comme l’affirme si justement Verdelhan-Bourgade (2002). Il semble donc nécessaire de mettre en place des stratégies pour mieux lire, des stratégies d’exploration des textes, et de permettre aux apprenants d’acquérir des méthodes de recherche afin de localiser les informations. Bref, il s’agit de leur donner les moyens d’engager une lecture active.

Tout comme pour le FOA mis en place à l’UCL, il nous paraît nécessaire d’entraîner les apprenants à décrypter les consignes (Zakhartchouk, 1990), et ce dès les deux premières années du cycle secondaire. Comprendre un texte didactique et des consignes propres à des disciplines non linguistiques est essentiel car certains apprenants peuvent se trouver en situation d’échec, uniquement à cause d’un verbe inconnu, ou mal compris. Les apprenants doivent donc être familiarisés avec ce type d’écrit au plus tôt.

En analysant les manuels utilisés en Sciences humaines L2 (souvent des manuels français pour des élèves de L1, soit dit en passant) ou les documents photocopiés distribués par les professeurs (qui sont souvent des documents extraits de manuels différents), nous pouvons constater que le support iconographique est omniprésent. Il nous semble par conséquent impératif d’entraîner les apprenants au lexique de la lecture de l’image : photographies, tableaux, diagrammes, schémas… en français, et ce dès la première année du secondaire, pour que les apprenants de troisième année du secondaire soient pleinement opérationnels lorsqu’ils utiliseront le français langue seconde en Sciences humaines. Brigitte Chevalier (1993) souligne l’omniprésence du document iconographique dans les manuels de FLM et elle estime nécessaire d’apprendre aux élèves à reconnaître la nature et la fonction des différents types de documents graphiques, à les décoder, à les mettre en relation et à passer d’un type de support à l’autre. Ces recommandations pour le FLM peuvent tout à fait être appliquées au cours de FLS dans la mesure où les documents utilisés dans les cours de Sciences humaines ont aussi massivement recours au support iconographique, soit que les professeurs se servent d’un manuel de Sciences humaines de FLM ou qu’ils construisent leurs propres cours à l’aide d’extraits de manuels.

D’après une enquête réalisée à l’Ecole européenne de Luxembourg en juin 2007, auprès d’un échantillon de 4 classes de 3ème L2 français du cycle secondaire (soit 76 élèves), il ressort que les apprenants qui disent éprouver des difficultés à suivre les cours de Sciences humaines en langue française mentionnent la compétence écrite comme celle représentant le plus d’obstacles (39% compréhension écrite, et 31% production écrite). Si l’enseignement de la L2 au primaire à l’école européenne porte largement sur la compétence orale (Baetens Beardsmore, 1993), l’enseignement de la compétence écrite reste le défi majeur du cycle secondaire pour les professeurs et leurs élèves dans la mesure où elle devient de plus en plus présente dans les enseignements (cf. les épreuves du baccalauréat). La compétence écrite et plus particulièrement la production écrite permet, selon Jean Duverger (2005),  d’améliorer visiblement la capacité à conceptualiser et à réfléchir en L2, ce qui en fait une compétence privilégiée lorsque l’on souhaite travailler sur le français de scolarisation.

   Apprendre à lire et à écrire des documents très divers constitue donc une nécessité tout comme la formation à la lecture des textes en histoire et en géographie pour atténuer le handicap que représente chez beaucoup d’élèves leur déficit linguistique : travailler sur des types de discours qui seront réinvestis en DNL, en particulier les discours descriptif, narratif, explicatif, en fonction du niveau des apprenants ;  le discours argumentatif étant surtout travaillé à partir de la quatrième année du secondaire. Quelques exemples : alors que mon collègue de Sciences humaines travaillait sur la géographie du bassin méditerranéen, nous avons travaillé sur la description des paysages méditerranéens en classe de FLS à travers des textes de Giono et de Pagnol, ce qui  a permis aux apprenants de connaître du lexique et des structures syntaxiques qu’ils ont pu réinvestir en Sciences humaines. Pour travailler la liaison lecture-écriture, il est opportun de mettre en œuvre une pédagogie du modèle, c’est-à-dire  « un ensemble de ressources (…) de nature structurelle et linguistique que les apprenants sont mis en condition de s’approprier au moins partiellement, pour construire à leur tour des textes comparables mais inédits » (6). En outre, chaque production écrite devrait suivre une démarche qui repose sur la planification, la rédaction, la réécriture, et la correction, ce qui sera évoqué plus loin à travers la méthodologie de la simulation globale historique.

   Afin de donner la possibilité aux apprenants d’avoir accès à des textes en rapport avec  les Sciences humaines (documentaires, bandes dessinées, romans historiques…), nous avons mis en place un système de  bibliothèques mobiles, utilisables au sein même des classes de FLS. Donner l’opportunité de pouvoir fréquenter une bibliothèque qui soit mieux adaptée à leurs besoins, présentant à la fois des textes fonctionnels et des textes littéraires et  familiariser les apprenants avec l’objet livre sont les deux objectifs de ce projet. Contrairement au FOA mis en place à l’UCL, le recours aux textes littéraires est systématique dans le cadre du FLS mis en place à l’Ecole européenne (pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les épreuves du baccalauréat), mais nous pensons que les textes fonctionnels doivent aussi jouer un rôle. Chaque niveau (les trois premières années de L2) possède un bac avec des documentaires, des bandes dessinées, des albums et une colonne avec des livres de poche, en relation pour la plupart avec la  géographie et l’histoire. Les professeurs de FLS disposent de ces bibliothèques mobiles pour une période donnée et peuvent ainsi prêter les différents ouvrages aux apprenants. Ce système permet à la fois de travailler entre classes de FLS ou  de mettre en place un projet entre une classe de FLS et de Sciences humaines.

   Parmi les usuels, qui doivent être connus et à disposition, le dictionnaire occupe une place fondamentale et doit faire l’objet d’un apprentissage systématique dans la mesure où l’apprenant doit pouvoir rechercher rapidement un mot pour en vérifier l’orthographe, en comprendre le sens et pouvoir l’utiliser pour la production d’écrits. Le lexique appris doit pouvoir circuler entre la classe de FLS et le cours de Sciences humaines. A cet égard, l’élaboration d’un dictionnaire personnalisé qui pourrait être utilisé par les deux disciplines, est une idée qui mérite d’être développée et expérimentée. Il faut aussi réhabiliter l’enseignement du vocabulaire et développer une pédagogie d’apprentissage des mots, en insistant particulièrement sur le sens figuré des mots ou les culturèmes car c’est bien souvent là que les difficultés d’interprétation surgissent. 

   Enfin, le recours à la pédagogie du projet, comme le recommande Puren (c’est la concrétisation de la perspective actionnelle du CECR) (2007), prend tout son sens dans le contexte des Ecoles européennes (Duverger, 2005) car cette méthodologie présente l’avantage ne pas morceler les savoirs en disciplines hétérogènes et sans liens. Création d’un journal, correspondance avec une autre classe et échange de productions, écriture d’un roman historique, création d’un film ou d’un documentaire, création d’un guide touristique, écriture et mise en scène d’une pièce de théâtre représentent autant de projets que les professeurs de FLS et de Sciences humaines peuvent  mettre en œuvre conjointement.

   Avec un collègue de Sciences humaines, nous avons décidé de travailler ensemble sur un projet de Simulation globale et de l’adapter au contexte de cette année charnière que représente la première année de DNL en langue française (La 3 ème secondaire donc). Si la Simulation globale est un projet qui a fait ses preuves notamment en FOS avec un public d’adultes, lorsqu’il s’agit de créer un monde fictionnel dans un hôpital, une conférence internationale, une entreprise ou autre, il est également parfaitement adapté au contexte des écoles européennes car il permet de travailler sur certains aspects du français de scolarisation, comme la liaison lecture-écriture, l’enseignement du vocabulaire, le travail sur les différents genres discursifs (Verdelhan-Bourgade, 2002).

La simulation globale présente l’avantage d’élaborer d’une part un projet commun en L2 et en Sciences humaines susceptible de motiver les apprenants sur une durée de plusieurs mois et d’autre part de mettre l’accent sur les productions écrites et orales en L2. Il s’agit d’imaginer ensemble un univers de référence, de se choisir une identité à l’intérieur de cet univers et de simuler toutes les activités du discours que cet univers peut engendrer. Nous avons choisi de créer une simulation globale historique en prenant comme lieu de référence le port du Pirée au Vème siècle avant JC. Les apprenants devaient choisir un personnage capable d’évoluer dans cet univers de référence. La pédagogie du projet témoigne ici de sa parfaite adéquation avec l’enseignement des Sciences humaines en L2 puisqu’elle permet de donner du sens aux deux cours, qui se complètent. Elle autorise une réutilisation immédiate des informations acquises d’un cours à l’autre. Or « on ne peut être actif face à un savoir que si l’on a un projet de réutilisation, de retraitement de l’information (7)». Selon Didier Cariou, un travail sur le récit historique en L1 aiderait les élèves à mieux construire les concepts historiques. De la même manière, nous pensons que ce projet de simulation globale historique, commun aux Sciences humaines et à la L2 contribue, à travers les opérations cognitives qu’elle favorise, à une meilleure construction du savoir historique. Avec mon collègue de Sciences humaines, nous conduisons actuellement une expérimentation pour valider cette hypothèse pour la L2. 

Notre simulation globale historique a été menée sur une durée de cinq mois et demi, à raison d’une période de quarante cinq minutes par semaine en cours de L2. La réussite d’un projet aussi long qu’une simulation globale historique repose avant tout sur une entente et une collaboration régulière entre les professeurs concernés. Celle-ci s’articule autour de deux axes : la concertation ou travail en binôme, et la coprésence, c’est-à dire des moments où les deux professeurs font cours dans la même classe (8). Dans le cadre d’un projet tel que la simulation globale historique, il est possible d’aborder de nombreux genres discursifs : à partir de modèles issus de leurs lectures et travaillés en classe, on peut faire produire aux apprenants la description de leur personnage ou de leur lieu d’habitation, le récit d’une bataille, un discours électoral, une recette de cuisine…Bref tous les genres discursifs sont susceptibles d’être convoqués pour construire l’univers fictionnel créé par la classe.

La Simulation globale historique permet également une étroite liaison entre la lecture et l’écriture. Parallèlement au travail concernant directement la simulation globale, les apprenants ont travaillé en lecture cursive sur Le Messager d’Athènes, et sur Douze récits de l’Iliade et l’Odyssée. Cette lecture du texte d’Homère adapté par Michel Laporte permet à l'apprenant d'enrichir ses connaissances sur la mythologie grecque et de s’imprégner de cet imaginaire afin d’améliorer ses productions orales et écrites. Le Messager d’Athènes est un roman de littérature de jeunesse qui présente l’intérêt de fournir de nombreuses informations sur la vie quotidienne des anciens grecs, élément indispensable pour que l’apprenant puisse à son tour s’en servir dans ses propres textes. Odile Weulersse met en scène de jeunes héros adolescents, ce qui permet également une plus grande identification de la part des apprenants. Les personnages ne sont pas pris au hasard : Odile Weulersse semble en effet choisir un certain type de personnages clés, qui reflètent au mieux une époque donnée. Ceux-ci sont représentatifs de la société grecque, avec les valeurs et les coutumes qui lui sont propres. Le lecteur est ainsi véritablement immergé dans l’univers de l’époque.  Outre le fait que ces lectures vont nourrir les productions des apprenants, les textes lus en classe ou  à la maison peuvent servir de modèles pour réécrire ses propres textes, à condition qu’ils soient étudiés pour en faire ressortir les spécificités.

Avant chaque production, un travail systématique sur le lexique est mis en œuvre afin que les apprenants soient en mesure de produire des textes ou des discours oraux de qualité. Par exemple, lorsqu’il a été demandé de produire une description de leur personnage, nous avons travaillé dans le cours de FLS sur certains chapitres du Vocabulaire progressif avancé (les chapitres : le caractère et le physique) et mon collègue de Sciences humaines a beaucoup insisté sur le lexique des vêtements portés par les grecs anciens. Pour chaque séance de simulation globale, les apprenants savent qu’ils peuvent avoir accès à un dictionnaire unilingue.

Sur le plan linguistique, nous avons pu remarquer tout d’abord une atténuation de l’hétérogénéité des apprenants grâce à l’acquisition et à l’imprégnation d’un vocabulaire identique dans les deux matières. Cette maîtrise accrue de l’expression a entraîné une confiance manifeste chez les apprenants les moins à l’aise à l’oral, et une certaine satisfaction de pouvoir réutiliser le vocabulaire spécifique vu en classe. Certains apprenants se sont ainsi fait remarquer dans les cours de Sciences humaines en utilisant un vocabulaire généralement peu connu des apprenants de 3ème tel que carquois ou torchis appris dans le cours de L2. Sur le plan historique, le questionnement des apprenants révélait une réelle recherche de véracité historique, tel cet apprenant qui s’est demandé plusieurs jours le prix en drachmes ou en poissons de 30 amphores qu’il devait livrer à son cousin pêcheur. La scène de théâtre du banquet ou la description des Panathénées ont bien montré le degré de maîtrise historique des apprenants, qui s’encourageaient à chasser le moindre anachronisme et « pensaient » presque comme des Grecs de l’Antiquité.

La compétence interculturelle est également prise en compte dans la simulation globale historique dans la mesure où elle permet à l’apprenant, par le biais de la fiction de son personnage, de relativiser ses propres certitudes, de s’ouvrir à d’autres cultures, d’appréhender un univers culturel différent, de combattre l’ethnocentrisme, les préjugés, en lui permettant de se doter d’un système de pensées flexible. But que Maddalena de Carlo assigne à la compétence interculturelle lorsqu’elle affirme que « l’élève devrait être amené à une réflexion lui permettant d’une part de comprendre et d’interpréter la société étrangère et de l’autre de relativiser son propre système de référence » (10).

Dans le cadre de la simulation globale historique, les productions écrites suivent  la même démarche que celle qui est mise en œuvre à l’Institut des Langues vivantes de l’UCL : après un travail en amont sur le repérage et l’analyse des régularités discursives d’un texte, sur un lexique spécifique qui a été l’objet d’un entraînement systématique avec des exercices afin d’être réutilisé, les apprenants doivent produire leur propre texte en travaillant sur un brouillon et un plan, en ayant recours au dictionnaire. Le professeur corrige la première version en suggérant des modifications pour améliorer le texte initial et les apprenants réécrivent ensuite leur texte. Enfin, les productions orales ou écrites peuvent être l’objet d’une double notation, en FLS et en Sciences humaines, chaque discipline proposant ses propres critères.

Même si le public de l’école européenne de Luxembourg est très différent de celui de l’Institut des langues de l’UCL, en particulier en ce qui concerne la maîtrise des processus cognitifs s’expliquant par l’âge des apprenants, nous avons pu constater que certains principes méthodologiques sont communs, comme l’articulation lecture-écriture, la volonté de trouver un équilibre entre les textes fonctionnels et les textes littéraires, le travail sur le lexique et en particulier sur les culturèmes. Il s’agit avant tout dans les deux situations éducatives de « penser un enseignement langagier visant à l’apprentissage pluridisciplinaire » (Verdelhan-Bourgade, 2002).

Pour conclure, nous pensons qu’une réflexion sur l’articulation entre l’enseignement de la L2 et des DNL est nécessaire non seulement dans les Ecoles européennes mais aussi dans tous les systèmes éducatifs où une discipline est enseignée en L2 comme par exemple dans les lycées bilingues turcs ou ceux des PECO (Collès, 1999). La prise en compte du FLSco au sein du programme de FLS revêt une importance considérable pour mieux préparer les apprenants à apprendre une discipline en L2, voire même en L3. A la fin du cursus en Ecole européenne, en moyenne, la moitié des disciplines sont enseignées dans une langue étrangère et pour certains élèves, cela peut même représenter 2/3 des disciplines. Il est donc important que cette année charnière où le FLS devient aussi langue de scolarisation se passe bien, car la maîtrise de la L2 s’en trouvera renforcée, et peut-être l’apprentissage d’une L3 ou d’une L4. Car comme le déclare Jean Duverger « Pour accéder à l’éducation plurilingue, cette langue 2 devient alors une sorte de langue relais, une langue socle à partir de laquelle l’apprenant peut puiser des ressources dans ses compétences «méta» déjà acquises : il utilisera son expérience linguistique « d’apprenti bilingue » pour inventer des stratégies de découverte en utilisant des chemins de traverse, des raccourcis ; il pourra aller plus vite, plus loin… »[1]L’apprentissage de la L2 a des enjeux qui la dépasse, elle est l’outil privilégié pour passer du bilinguisme au plurilinguisme.


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Notes :

(1) Dans l’article, par exemple, l’intertextualité se montre par l’usage de guillemets, de caractères italiques, par les appels de notes, les notes en bas de page (Pollet 2001 : 52)

(2) Duverger, J, L’enseignement en classe bilingue, Paris, Hachette,  2005,  p 95.

(3) Le programme commun de Sciences humaines (en français, anglais et allemand) « Il y a aussi des occasions plus larges pour un travail interdisciplinaire. En termes de contenu, il y a des liaisons potentielles avec l'informatique, les sciences intégrées et le latin. 11 est donc souhaitable que des contacts plus proches avec les enseignants de ces matières soient établis. La coopération avec des enseignants de langue doit aussi être recommandée, car elle est utile en ce qui concerne l'amélioration du niveau de langue des élèves aussi bien que leurs performances en Sciences Humaines. C'est particulièrement important en 3cme année, puisque c'est la première année au cours de laquelle les Sciences Humaines sont enseignées dans la deuxième langue de l'élève. »

(4) Le programme des Ecoles européennes de Français langue II (contrairement aux Sciences humaines, le programme de langue II des Ecoles européennes n’est pas harmonisé) précise dans ses objectifs spécifiques que la langue française doit permettre d’« accéder à un enseignement d’histoire, de géographie et de sciences humaines dispensé en LII à haut niveau ».

(5) Verdelhan-Bourgade M. (2002), Le français de scolarisation. Pour une didactique réaliste, Paris : PUF.

(6) Beacco J.C, L’approche par compétences dans l’enseignement des langues, Editions Didier, 2007

(7) J. Le Pellec et V. Marco-Alvarez, Enseigner l’histoire : un métier qui s’apprend, Paris, Hachette Education,  1991, ibid.

(8) Béliard J, Gravé-Rousseau G, « Simulation globale en DNL » Français dans le monde (Le), juin 2007, n° 351, p. 38-39

(9) De Carlo, Maddalena, L’Interculturel, Clé international, Paris, 1998.

(10) Duverger, J De l’enseignement bilingue à l’éducation plurilingue Le français dans le monde Janvier-février 2008 - N°355



[1] Duverger, J De l’enseignement bilingue à l’éducation plurilingue Le français dans le monde Janvier-février 2008 - N°355


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