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Que feriez-vous à la place de Denis Lavagne ?

Publié le 03 mars 2012 par Atango

Tranquillement installé à son poste d'entraîneur de Cotonsport, Denis Lavagne sirotait sa boisson préférée en savourant son statut de "sorcier blanc" du championnat du Cameroun. Assez doué, il faut le dire, et bénéficiant de moyens conséquent au regard de la moyenne nationale, l'homme amenait régulièrement son équipe à la plus haute marche du podium : champion ou vainqueur de la Coupe, quand il ne réalisait pas le doublé.

Et voilà que le président de la FECAFOOT, Iya Mohamed, par ailleurs président de Cotonsport, lui propose la place d'un Clemente fraîchement viré. Lavagne avouera plus tard qu'il n'avait pas longtemps hésité, car les Lions Indomptables, malgré l'acharnement qu'ils mettent à détruire leur image, demeurent un beau challenge. Dont acte : celui qui apparaît comme le compromis idéal entre le technicien local et le sélectionneur impatrié relève le défi.

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Denis Lavagne connaît trop bien le Cameroun pour n'avoir pas su ce qu'il y avait de pervers dans le choix qui s'est porté sur lui. Il maîtrise trop bien la culture locale, comme dirait Paul Le Guen (ce grand ethnologue), pour n'avoir pas prévu que la signature de son contrat allait traîner en longueur, et que les mêmes personnes qui l'ont nommé allaient lui mettre dans les roues tous les bâtons qui leurs tomberaient sous la main, car il faut bien troubler l'eau dans laquelle on souhaite pêcher incognito.

Mais on peut parier qu'il n'avait pas prévu que les soucis allaient débouler aussi vite et aussi fort. Pensez donc :

A peine intronisé, le technicien français emmène son groupe à la LG Cup marocaine et enlève son premier trophée. Immédiatement se déclenche le conflit le plus dur jamais enregistré au sein des Lions Indomptables, et Dieu sait qu'il n'en a pas manqué. La bataille a lieu entre dinosaures, et l'encadrement technique est complètement dépassé. Samuel Eto'o, voulant revenir en grâce auprès de ses camarades, profite du nouveau statut de vainqueur de la LG Cup pour les soutenir dans l'une de ces revendications d'enfants gâtés dont ils ont le secret.

Pire, le capitaine devance les joueurs, et endosse la responsabilité de la fronde. Il n'en fallait pas plus pour que les instances fédérales, qui cherchaient depuis un moment l'occasion de réduire son aura, lui tombent dessus comme la faim sur le pauvre monde. Résultat : 15 matches de suspension, autant dire la mise à la retraite pour le plus grand champion camerounais de tous les temps. Devant le tollé provoqué par cette mesure juste dans son principe mais outrancière dans son ampleur, la FECAFOOT opère un recul tactique.

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La sanction de Samuel Eto'o, ramenée à 8 mois de suspension, est revue à la baisse sur le plan arithmétique, mais aggravée de facto par une mesure ébouriffante de machiavélisme : Rigobert Song est nommé "Team Manager" de l'équipe fanion. Nous avions immédiatement titré "Eto'o, sanction alourdie." En effet, ramener par la fenêtre un Rigobert Song dont le départ de l'équipe, encore trop récent, a été précédé d'un long et sournois conflit avec le protégé de Kerimov, c'était simplement introduire l'essence en présence du briquet. Autant dire que si Samuel Eto'o fait son retour dans l'équipe après les trois matches qui lui restent à purger (ce que nous souhaitons vivement), et que Rigobert Song y est encore, la situation sera au mieux grave, ce qui laisse une grande marge pour le pire.

En effet, si l'on a vu récemment les sélectionneurs anglais et français désigner les capitaines de leurs sélections de la manière la plus normale du monde, ce qui est normal ailleurs ne l'est pas au Cameroun, le pays où la "nomination" est une sorte de graal social. Ainsi, l'ancien capitaine des Lions Indomptables avait, petit à petit, fini par se convaicre que son brassard était un "poste", une sorte de trône auquel il s'était cramponné, à la mode camerounaise. Il semble même qu'il ait eu à un moment une petite poussée d'éyadémite (ça marche aussi avec la bongoïte). Si celle-ci n'avait pas été contrariée, Alexandre Song Billong, neveu de l'autre, serait aujourd'hui le capitaine des Lions Indomptables.

Paul Le Guen, en son temps et à sa grande surprise sûrement, avait pu constater à quel point le retrait du brassard à Rigobert Song avait irrité le principal intéressé. Aujourd'hui, la FECAFOOT ayant réintroduit l'ex capitaine dans la tanière, Denis Lavagne apprécie les joies de la "cohabitation" avec Magnan. les guillemets sont à leur place, car on ne cohabite pas avec un tel niveau de mégalomanie : on lui laisse la place, ou on va au clash.

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A Bissau, tout le monde a bien vu que Rigobert Song n'allait pas se contenter de récolter des passeports et envoyer des fax. Fidèle à sa nature, l'homme s'étale, prend des initiatives et fonce dans le tas, comme il le fit naguère sur les terrains. Il a commencé par produire un texte d'un ridicule terrifiant. Ce "serment d'hypocrite" (formule assassine signée L. Ndogkoti), imaginé pendant un moment creux, entre deux demandes de visa, par notre nouveau Team Manager, tient à la fois du pensum et de la lettre de Guy Môquet (version Sarkozy). Chaque joueur rejoignant la sélection devra signer ces "onze engagements symboliques et citoyens du Lion Indomptable". Ensuite, il devra les lire ou les proclamer, ou les réciter, on ne sait pas trop...

Seuls les génies de la forêt savent quel est le périmètre des compétences de monsieur Song Bahanag Rigobert, comme l'appellent les textes officiels. Ceux qui l'ont nommé se sont bien gardés de nous dire en quoi consiste cette position de "Team Manager" (généralement, quand les titres sont anglicisés, c'est qu'il y a un truc pas net). Fort de ce flou artistique, notre bonhomme prend ses aises et se met à jouer les coaches bis. Suite à sa prestation en monovision à Bissau, le malaise est tellement grand que la presse camerounaise tout entière s'en fait l'écho.

Néanmoins, certains "journalistes", les mêmes sans doute qui avaient fait pression en 2010 pour que Paul Le Guen emmène R. Song en Afrique du Sud, ont déjà entrepris une drôle de campagne pour l'amener sur le banc des Lions Indomptables dès le mois de juin. Rien que ça. A vrai dire, si ses compétences d'entraîneur sont au niveau de sa récente performance de consultant pour Orange TV lors de la CAN, on peut comprendre pourqui les Lions ont faillit perdre le match de Bissau. 

Il n'empêche que debout, dreadlocks au vent, interpellant les joueurs, leur hurlant ses consignes, Rigobert Song était redevenu le capitaine courage ! L'ennui, c'est qu'il a rempli tout l'espace, ne laissant à Denis Lavagne qu'une seule alternative : provoquer un clash qui aurait été pire que le tristement célèbre marrakechgate, ou s'effacer et le laisser faire. Après tout, si les autorités camerounaises tiennent absolument à entretenir la guerre au sein de la tanière, c'est le problème du Cameroun.

Qu'auriez-vous fait à sa place ?


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