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Heidegger, le défi d’être dans le monde

Publié le 11 mars 2012 par Copeau @Contrepoints

Heidegger rompt avec la dualité de l’existence et de l’essence : l’homme ne se comprend pas à travers quelque chose ou quelque esprit qui lui est extérieur, il ne répond pas à un appel. Il se comprend en existant.

Un article de l’aleps.

Heidegger, le défi d’être dans le monde
Reconstruire la philosophie

C’est un rêve propre à la plupart des philosophes. Martin Heidegger (1889-1976) est poussé à son extrême par Nietzsche, qui veut libérer la philosophie de toute attache métaphysique ou religieuse : « Dieu est mort ». Il avait hanté l’esprit de Descartes, qui cherchait dans la raison le fil rouge de la compréhension de l’être humain et de Dieu. Il était présent dans l’œuvre d’Husserl, précisément le maître de Heidegger, auquel il succèdera comme recteur de l’Académie de Fribourg. Doué d’une culture philosophique hors du commun, Heidegger perçoit ce qui a égaré la philosophie de Platon à Nietzsche : c’est d’avoir voulu situer la compréhension de l’être humain en dehors de lui-même, alors que l’être est dans l’être.

« Deviens ce que tu es »

Au risque de choquer les puristes, cette formule de Saint Jean de la Croix peut résumer la pensée au cœur de l’œuvre de Heidegger. Il y a l’homme que je suis (étant) et l’homme que je porte en moi (être). Les deux ne font qu’un, car c’est à travers mon existence (étant) que je peux devenir moi-même (être). Tout va dépendre de la façon dont je vais mener mon existence. « Il y va, dans l’existence, de cette existence même ». Manquer sa vie, c’est se manquer. Toute existence est personnalisante, et cela se retrouve dans les états affectifs : se réjouir, s’effrayer, s’attrister.

Heidegger rompt ainsi avec la dualité de l’existence et de l’essence : l’homme ne se comprend pas à travers quelque chose ou quelque esprit qui lui est extérieur, il ne répond pas à un appel. Il se comprend en existant.

Le défi d’être dans le monde

Ce n’est pas facile d’exister. Car exister signifie être dans le monde. Le monde est une réserve d’outils, d’instruments qui devraient nous permettre d’être. Encore faut-il savoir utiliser efficacement ces instruments, comprendre les possibilités qu’ils nous donnent, le sens qu’ils peuvent donner à notre existence.

Contrairement aux historicistes, Heidegger ne croit pas que l’être humain soit conditionné, ni même impressionné par son environnement social, économique ou politique. Il n’a aucun intérêt pour la philosophie politique, et – comme on le sait – il a eu à payer très lourd un engagement politique, fût-il très bref, aux côtés du parti nazi en 1933. Heidegger s’intéresse à l’homme, et seulement à l’homme.  

La chute et l’angoisse

Mener une existence, être dans le monde, de façon à être n’est donc pas si facile. Cela explique pourquoi nombreux sont ceux qui renoncent : c’est « la chute », c’est le renoncement, et l’abandon aux apparences, l’absorption par le monde : faute de faire de son existence une compréhension authentique de soi-même, celui qui a déchu devient « ce qu’il faut, il se comprend à partir de sa profession, de son rôle social ». Son conformisme, son immersion dans le monde l’empêche de se comprendre. Il a démissionné (déliction).

Pourtant Heidegger estime qu’il existe un système d’alarme qui peut ramener l’homme vers lui-même : c’est l’angoisse, l’angoisse que donne ce vide de soi-même. Car « le dynamisme même de l’existence c’est ce pouvoir même sur soi » (Levinas). L’angoisse crée le souci, l’état affectif qui permet de retourner sur soi-même et de retrouver et comprendre ses possibilités. Ce retournement fait partie de l’existence. C’est « l’âme » d’Aristote, l’animation de la vie.

Heidegger, maître de la philosophie contemporaine

Heidegger a vécu un drame personnel quand il a été jugé pour ses opinions politiques. Après plusieurs témoignages, dont celui de son élève et amie Hannah Arendt, il a été innocenté et a repris ses enseignements. D’ailleurs, la plupart des philosophes ne s’en sont pas réclamés de son vivant : des existentialistes comme Sartre, Merleau Ponty, des structuralistes comme Lacan, Foucault, Althusser, des phénoménologues comme Levinas, etc. Le paradoxe est qu’Heidegger, dans son désir de reconstruire la philosophie, inspire aussi la philosophie « post-moderne » de Derrida et autres, qui « déconstruisent » la pensée de l’Occident.

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