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Méchant Google qui ne veut pas subsidier le cinoche français !

Par Copeau @Contrepoints

C’est un billet empreint de gravité et de tristesse que je me résous, le cœur gros, à écrire. Car il est ici question de notre Identité Nationale de Français, d’un secteur en grandes difficultés de notre beau pays, d’une industrie à la fois noble et laborieuse, qui est sauvagement — oui, sauvagement, le mot n’est pas trop fort — attaquée par les puissances capitalistes apatrides, un secteur dont l’avenir est de plus en plus sombre : le cinéma français ! Aux armes, citoyens !

C’est en effet l’œil de plus en plus humide que j’ai pris connaissance du problème en lisant cet article décisif de Bertrand Méheut, le président du groupe Canal+. Comme chacun le sait maintenant, ce groupe est au bord du gouffre et oblige son président à se déplacer chichement en métro, à boire des soupes clairettes et à mendier dans les lieux fréquentés.

Et, quand le temps pas trop froid lui permet, en relâchant son étreinte avilissante, d’utiliser ses gros doigts gourds, Bertrand prend son petit crayon 2HB mâchouillé mal taillé (son petit couteau suisse, outil indispensable quand on vit dans la rue, commence à s’émousser) et écrit un poignant appel à la force publique : non, il ne laissera pas le Cinéma Français Que Tout Le Monde Nous Envie périr sans lutter ! Et si ça doit lui coûter une soirée ou deux de soupe populaire pour la passer à battre le pavé devant le Ministère de la Culture afin de faire entendre sa voix, eh bien soit ! Bertrand le fera !

Et que dira le Bertrand ? Eh bien c’est très simple : il expliquera que c’est pas normal d’abord que Google et le Quatar ils font rien qu’à le concurrencer. C’est pas normal que Youtube vienne écraser de ses gros pieds poilus de troll audiovisuel le petit jardin délicat (et à la française, taillé aux cordeaux, donc) que le fier Méheut a mis tant de temps à créer, avec ses petits ciseaux, sa petite serpe, et ses petits bouturages tendrement réfléchis.

C’est vrai, quoi, bon ! Avant, « les groupes médias français se livraient une concurrence vive, mais avec des règles du jeu qui étaient les mêmes pour tous ». Voilà : c’était viril, ça sentait un peu la sueur, mais ça restait courtois. Forcément, ils étaient français et le fisc les tenaient par les couilles contrôles fiscaux. Pas un ne sortait du rang. Et puis, grâce à un capitalisme de connivence affûté au fil des ans (et pas avec le petit couteau suisse de tout à l’heure, hein), tout le monde était content : le cinéma français était ainsi tenu en otage subventionné par Canal+ et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais voilà que des salauds d’étrangers distributeurs arrivent sur notre beau marché, et nous « voyons apparaître de nouvelles offres dont le mode de distribution échappe à toute contrainte réglementaire ou fiscale », ce qui est un scandale abominable : comme ils sont étrangers, impossible de leur faire courber l’échine à coup de contrôles fiscaux et autres vexations administratives franco-franchouille ! Et ça, ça, franchement, ça, ah ! Mon Dieu Mon Dieu mais c’est horrible ça mon brave monsieur ! Parce que non seulement ils font des trucs qu’on fait, mais ils les font mieux et en font plus que nous ! YouTube, le fourbe, le vil, le veule, a annoncé la création de vingt chaînes de télévision ! La Peste l’emporte !

Mais le pire, voyez-vous mes petits amis, c’est la raison fondamentale pour laquelle ces enflures capitalistes partouzeurs de droite osent ainsi pénétrer notre marché : « ce n’est pas au nom de la liberté d’Internet qu’ils cherchent à s’exonérer de ces contraintes », oh que non, oh que non ! Ne soyez pas naïfs ! S’ils font ça, c’est bien « pour des raisons économiques ».

Oui. Vous avez bien lu : si Youtube, Google, et tous les autres investissent ainsi à l’étranger pour proposer leurs immondes productions, en accès direct, au travers d’un internet sans limite, sans frontière, sans régulation, sans foi ni loi, c’est, je vous le dis (mais si !) pour des raisons économiques !

Mais Où Va Le Monde ?

Où ?

On comprend, à la lecture de ces ligne affolées, que le pauvre Bertrand Méheut est plus que tourneboulé. La charge caliméresque ultime qu’il lance ici comporte en elle tout ce qu’un homme empli de désespoir peut transporter sans éclater dans des sanglots déchirants. La concurrence, non soumise aux lois française, est en train de déchiqueter le monopole douillet qu’il avait réussi à se tailler, et ne le fait même pas pour la beauté du geste, pour l’Art, ou pour la Culture, mais bien pour des raisons économiques. On s’ébroue ici bruyamment dans le quasiment pornographique, vous ne trouvez pas ?

Corporatisme

Peut-on être étonné de lire une telle consternante enfilade de bêtises de monopoleur à la petite semaine dans un torchon comme le Monde ? Peut-on être étonné de constater la présence, encore une fois dans Le Monde, de ce genre de charges stupides contre un secteur économique qui refuse de se laisser faire, une réalité qui ne veut pas disparaître ? Est-il surprenant qu’une presse mourante de ses propres calcifications lamentables se fasse l’écho des abrutissantes idioties d’un patron lui-même fossilisé sur un business modèle qui sent bon la bière et le sapin ?

Combien de fois devrons-nous subir les couinements apeurés de richissimes patrons de groupes acoquinés avec un état bedonnant lorsque ce dernier ne pourra plus assurer au premier le gîte et le couvert ?

Franchement, je serais vous, si j’avais un abonnement Canal+, je l’abandonnerais bien vite et je boycotterais toutes leurs chaînes.
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