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Comment augmenter la production d'électricité renouvelable sur les sites hydroélectriques?

Publié le 13 mars 2012 par Rcoutouly

 

Castillon.jpg

Alain Leridon est un ancien ingénieur au Commissariat à l'Energie Atomique, passionné par les énergies renouvelables, auteur d'un ouvrage -que je recommande- consacré à l'histoire de l'industrie nucléaire en France (l'atome Hexagonal, édition Aléas, 2009). Avec son autorisation, je publie ci-dessous un texte inédit, écrit de sa main, consacré à la synergie possible entre énergie hydraulique et énergie photovoltaïque.

L'idée, qu'il y développe, me semble particulièrement intéressante: conscient que les possibilités de nouvelles implantations de grands barrages sont très faibles, il propose d'associer aux barrages existants, un complément photovoltaïque qui -sans infrastructures nouvelles, sans coût important- permet d'accroître leur production. L'idée -illustrée par l'exemple du barrage de Castillon- mérite d'être diffusée et discutée.

Possibilité d’augmentation de la production d’électricité renouvelable sur  le site du barrage de Castillon

Alain Leridon

I/ Généralités. 

Une des difficultés qui contribue à retarder l’implantation des énergies renouvelables en France provient de la faible production de celles-ci par unité de surface.

Ainsi, si l’on considère toutes les sources d’énergie électrique actuellement disponibles, alors que la densité de production sur un site thermique et surtout nucléaire est très élevée, on change complètement d’ordre de grandeur quand on passe aux énergies renouvelables.

Pour préciser les valeurs données pour les énergies renouvelables, il suffit de comparer l’énergie électrique fournie par an et par m² pour chacune d’elles :

      kWh / m² / an             Commentaires

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Solaire thermique ( type Thémis)                200 (surface des        panneaux réfléchissants) 

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Solaire Photovoltaïque                       de 150 à 200             (surface des panneaux photovoltaïques)

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Eolien                                                  de 30 à 100 (surface d’un champ éolien)

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Hydraulique (Serre-Ponçon)                       33 (surface du plan d’eau)

 Hydraulique (Castillon)                   26               id.

Remarques.

On remarque que le photovoltaïque nécessite des surfaces utiles de 5 à 8 fois moins importantes que l’hydraulique. Le même rapport est de 1 à 3 pour l’éolien. Dans ce dernier cas, c’est l’éloignement imposé entre les mâts supportant les aérogénérateurs qui aboutissent à de telles surfaces. La consommation d’espace constitue donc un premier obstacle à leur développement.

Contrairement à l’électricité fournie par les barrages hydroélectriques à laquelle on fait appel pendant les périodes de pointes de consommation l’électricité photovoltaïque et éolienne est d’habitude  fournie indépendamment de toute pointe d’utilisation : elle peut parois arriver sur un réseau qui n’en a pas franchement besoin ou bien être absente en cas de forte consommation.

II/ Stockage de l’électricité par pompage.

L’idée d’utiliser des réservoirs d’eau pour bénéficier de courant électrique pendant les périodes de pointe tout en renvoyant l’eau par pompage pendant les heures creuses, n’est pas nouvelle : on en a un exemple au barrage réservoir de Grandmaison, dans le département de l’Isère. On l’appelle également station de transfert d’énergie. Lors de périodes creuses, les turbines, alimentées par les centrales nucléaires, fonctionnent en pompes et renvoient l’eau du réservoir inférieur vers le réservoir supérieur. Pendant les périodes de pointe, cette eau actionne les mêmes turbines qui fonctionnent alors en turbo alternateurs. La puissance installée est de 1 200 MW.  Le rendement global (énergie cédée au pompage / énergie restituée en production électrique est de 80%). Bien sûr une partie de l’eau turbinée provient de l’alimentation naturelle des bassins versants autour de Grandmaison : l’investissement ne se justifie pas uniquement par le fonctionnement en mode pompage. Ce type de réalisation n’a pas eu de suite en France été  à cause de son coût, des problèmes environnementaux et d’une souplesse d’utilisation des centrales  nucléaires qui s’est révélée meilleure qu’on ne l’espérait à cette époque (fin des années 1970).

On propose de reprendre cette idée en utilisant des pompes alimentées par des énergies renouvelables : le soleil ou le vent. On aurait alors une production « multi-renouvelable » permettant le maximum de souplesse et une production solaire et éolienne devenant accessible non pas au fil du soleil et du vent mais selon les besoins.

III/ Application à un barrage de la Région PACA.

L’augmentation de la production électrique dans la région de Castellane répond aux besoins suivants : Améliorer l’utilisation de barrages déjà existants ; limiter les importations de courant depuis les Bouches du Rhône vers les départements de l’est de la PACA; augmenter la production d’énergie renouvelable dans la région en réglant le problème du décalage entre pointes de consommation et de production.

Pour fixer les idées, nous avons pris comme exemple le barrage de Castillon sur le Haut Verdon, dont les caractéristiques actuelles sont les suivantes :

 Sa puissance installée est de 51 MW et sa production moyenne annuelle de 82 millions de kWh environ, ce qui correspond à la puissance maximale des turbines fournie pendant 1580 heures, soit 18% du temps. La surface de retenue est de l’ordre de 500 hectares. Cette faible utilisation vient du débit moyen du Verdon relativement modeste mais aussi de l’utilisation d’une partie de la réserve d’eau (149 millions de m3) à des fins d’irrigation et de fourniture d’eau potable. L’installation d’une station de pompage alimentée par l’énergie solaire ou éolienne permettrait d’augmenter la production d’énergie électrique sans modifier les volumes d’eau distribuée pour les autres besoins. En effet on recycle exclusivement l’eau qui a été turbinée dans la centrale. On remarque également qu’une autre retenue, celle de Chaudanne, est très proche de l’aval du barrage et autorise donc un pompage depuis la partie nord du réservoir de celle-ci vers celui de Castillon avec un dénivelé d’une centaine de mètres.

 Dans une première approche, on propose d’étudier un système de pompage qui permettrait d’augmenter notablement (de 40% environ) la production annuelle d’électricité de l’usine hydraulique.

Les données précédentes permettent de fixer la puissance installée des pompes et l’énergie de pompage dépensée sur un an, soit respectivement 25MW et 35 millions de kWh.

On pourrait d’abord imaginer l’utilisation de deux énergies renouvelables : ceci devrait permettre d’améliorer l’efficacité globale du système, les périodes d’ensoleillement et de vent n’étant pas toujours simultanées.

L’avantage de l’éolien sur le photovoltaïque est que le premier est moins cher que le second à l’investissement. Par contre l’installation de d’une dizaine de pylônes en limite d’un parc naturel risque de se heurter à des obstacles environnementaux importants. Tout en remarquant qu’un telle solution pourrait être réalisable sur un autre site, nous avons préféré envisager à Castillon une solution purement photovoltaïque avec installation des panneaux sur des flotteurs occupant une partie de la zone sud de la retenue. Cette partie du lac est choisie car elle est interdite à la navigation et aux activités touristiques et ne devrait pas nuire à la faune, à condition de prendre certaines précautions dans le choix des emplacements des panneaux sur flotteurs, ceux-ci étant haubanés en plusieurs points du rivage.

On suppose donc une installation photovoltaïque de 25 MW crête, qui fournira environ 35 millions de kWh. La surface des panneaux représente 250 000 m², soit 30 ha d’occupation. On propose d’installer ces panneaux sur des flotteurs utilisant la partie du plan d’eau située près du barrage. La surface de la retenue  qui pourrait être éventuellement utilisée (après retrait de toute la partie sud-ouest et une bande de 40 m environ au nord du barrage représente environ 69 ha).  Il est raisonnable  de ne retenir qu’au maximum 40 à 50 ha permettant l’installation de 25 ha de panneaux. Ceci devrait permettre de maintenir dans la partie centrale un chenal libre (Voir la carte jointe).

Une différence importante entre le pompage « type Grandmaison » et celui proposé ici réside dans le fait que les pompes activées par les énergies renouvelables doivent être disponibles à chaque instant et donc être différentes des turbines existantes. Il en est de même, bien sûr, des tuyaux amenant l’eau de bas en  haut. Cette disposition entraîne un surcoût d’investissement mais elle est inévitable si l’on veut augmenter notablement la production électrique. Il peut y avoir, dans certains cas, fonctionnement simultané du pompage et de la production hydroélectrique.

IV/ Dimensionnement de l’installation de pompage.

En l’absence de données et d’études plus précises on admettra une puissance installée de pompage égale à la moitié de celle des turbines soit 25 MW (correspondant à 35 millions de kWh par an). Ces pompes qui pourraient être au nombre de six à huit avec une mise en service séquencée selon l’ensoleillement pourraient être situées à l’extrémité nord de la retenue de Chaudanne à l’emplacement actuel d’une petite station de pompage. La longueur des tuyaux de pompage sera alors de 1500 m environ.

 Ainsi on utilise en permanence toute la puissance fournie par les sources photovoltaïques. Il reste à étudier si le système d’alimentation directe en courant continu, utilisé sur les petites installations de pompage (limitées actuellement à une centaine de kW) peuvent être appliquées pour les puissances envisagées. Ce serait bien sûr la disposition la plus simple présentant le meilleur rendement. Si ce n’est pas possible, il faudrait avoir recours au système classique d’onduleur pour travailler en courant alternatif.

On remarquera que le fonctionnement de la centrale actuelle ne serait en aucune façon modifiée : elle produirait simplement plus souvent de l’électricité.

Nous pensons qu’une étude plus détaillée à partir des données journalières moyennes suivantes : débit annuel moyen du Verdon en aval de la retenue, monotone d’appel de courant dans la Région, niveaux de la retenue imposés notamment en période estivale et niveaux d’ensoleillement aux alentours du barrage, permettrait d’affiner la puissance installée optimale de l’installation photovoltaïque.

V/ Coûts approximatifs.

On peut déjà donner un ordre de grandeur des coûts des sources d’énergie renouvelables en supposant une puissance installée de 25 MW.

Panneaux photovoltaïques : On compte 3€ / Wc c’est-à-dire 300 € / m².

Coûts des panneaux : 75 M€  qu’il faut augmenter de 20% environ pour le coût des flotteurs, soit 90 M€.

A cela, il faut ajouter le prix des pompes et les installations hydrauliques et électriques qui devrait presque doubler le prix total.

L’investissement global se situe dans un ordre de grandeur de 150 à 200 M€.

N.B. Une telle installation peut être installée par étapes, en commençant par exemple avec un tiers ou la moitié de la puissance photovoltaïque et de même pour les pompes. On limite ainsi l’investissement de départ et on teste en vraie grandeur le dispositif. Cela aurait l’intérêt d’étudier les processus tels que marnage du niveau du lac, influence du débit renvoyé par les pompes sur la faune et la flore du lac, etc. 

Conclusion.

Cet investissement, certes important, se situe un facteur trois au dessus du nucléaire par kW installé mais les coûts de fonctionnement et de désinstallation sont très faibles.

Surtout, le gros avantage est de produire 1,4 fois plus de kWh hydrauliques – toujours plus chers que les kWh de base - sans reconstruire de barrage ! On augmente également une production électrique locale ne nécessitant pas de construire de nouvelles lignes haute tension dans une région fortement dépendante des apports énergétiques extérieurs. On notera que pour les alimentations en eau en aval du barrage, la situation avec un tel dispositif sera strictement la même qu’auparavant car les kWh supplémentaires utilisent de l’eau recyclée, ainsi le débit sortant de la retenue basse est globalement invariant. Il n’y a donc pas d’impact sur le tourisme dans les gorges du Verdon et le fonctionnement de la Centrale de Sainte Croix.

Nous avons signalé au passage les études techniques minimales qui resteraient à effectuer ainsi que des études d’impact pour arriver à une vraie étude de faisabilité.

Alain Leridon


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