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La verite sur les tests cosmetiques

Publié le 16 mars 2012 par (dé)maquillages @demaquillages
LA VERITE SUR LES TESTS COSMETIQUES
Je sais que la manière dont sont testés les produits cosmétiques vous préoccupe. D'abord pour savoir si vous pouvez avoir confiance en ce que vous mettez sur votre peau ou vos cheveux, ensuite parfois parce que certains d'entre vous pensent que les tests sur animaux sont toujours d'actualité. Alors pour mettre les choses au clair, j'ai demandé à Jean-Louis Fiacre, une vieille connaissance du laboratoire Cosmepar* de nous expliquer clairement ce qu'il a été fait par le passé (les lapins, toussa) et ce qu'il en est aujourd'hui. Un peu long, mais très instructif !
Y a-t-il des tests d'innocuité obligatoires avant de mettre sur le marché un produit cosmétique ?
Jusqu’à présent, la règlementation cosmétique n'impose en tout et pour tout qu'une seule obligation : garantir que le produit mis sur le marché ne comporte pas de risque pour la santé humaine. Elle n'indique à aucun moment qu'il faut faire telle ou telle étude spécifique pour prouver l'innocuité du produit. En revanche, à partir du moment où la définition est très large, on peut supposer que les engagements pris par ceux qui mettent les produits sur le marché sont importants.
Toutes les marques réalisent des études avant de mettre un produit sur le marché, avec au moins une évaluation de la tolérance cutanée du produit et de sa résistance aux contaminations bactériennes, et parfois des évaluations de la tolérance oculaire, du potentiel allergisant ou comédogène...
Qu'en est-il des tests sur animaux ?
Dans les années 70, le réflexe pour évaluer la toxicologie des produits cosmétiques a été d'utiliser des supports que l’on connaissait déjà en pharmacie (industrie « voisine ») : les animaux. Les tests étaient rapides et efficaces et on ne connaissait pas d’autres modèles expérimentaux. Les animaux utilisés étaient le lapin et le rongeur (rat, souris, cochon d'Inde). Il n'y a pas eu de tests de produits cosmétiques sur les singes contrairement à ce que l'on croit souvent, car les rongeurs sont des supports suffisamment proches de l'Homme pour ce type d'études.
Ces tests sur animaux étaient parfois menés de manière très barbare. Par exemple, pour vérifier l'absence de comédogénicité, on appliquait le produit cosmétique sur le pavillon de l’oreille du rongeur, puis on tuait l’animal, on lui coupait l'oreille et on faisait des cartographies de ce que l'on avait trouvé. Les rouges à lèvres, quant à eux, destinés à être appliqués sur la muqueuse labiale, étaient testés sur une autre muqueuse du lapin, la muqueuse vaginale. Les rats étaient utilisés pour des tests d'absorption, pour vérifier ce que l'on appelle la toxicité systémique (c'est à dire suivre à l’intérieur de l’organisme le comportement global du produit – un test là aussi inspiré de la toxicologie pharmaceutique). Et pour tester la toxicité oculaire (notamment pour les produits qui peuvent couler dans l'œil comme le shampooing ou les produits de maquillage des yeux), on appliquait le produit sur les yeux de lapins.
Petit à petit, sous la pression des lobbies, les essais sur animaux ont disparu dans l'Union Européenne. En l'espace d'une quinzaine d'années seulement, ce qui est très rapide. On est passé d'un état où l'on faisait systématiquement tester les matières premières et les produits finis sur animaux à plus aucun test sur animaux.
Comment a-t-on substitué ces tests sur animaux ?
Les tests sur animaux sont interdits par le Règlement (CE) No 1223/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques, depuis 2004 pour les produits finis et 2009 pour les matières premières.
Pour les produits finis, les tests animaux ont été spontanément arrêtés par les industriels à la fin des années 90, avant leur interdiction par la loi en 2004. C'est à ce moment-là que sont apparus les premiers tests alternatifs. Mais aujourd'hui, ces tests alternatifs ne sont pas encore tous validés, notamment ceux qui évaluent les effets systémiques (où l'on a besoin d'un organisme entier, par exemple pour estimer la toxicité d'un rouge à lèvre que l'on avale forcément un petit peu chaque jour) ou la mutagénèse (effet toxique sur les gènes qui favorise l'apparition de cancers, très difficile à évaluer de manière sûre autrement que sur animaux). Aujourd'hui, avec les méthodes alternatives, on répond donc de manière encore partielle aux aspects de la sécurité des produits finis.
Au niveau des matières premières, c'est encore plus compliqué. Aujourd’hui, il n'y a pas de méthode qui répondent à toutes les questions toxicité que l'on se pose. La première raison, c'est que pour une matière première extraite par exemple d'une plante composée de dizaines de molécules différentes, on n'a aucune idée à priori de comment la plante va se comporter toxicologiquement sur l’homme sans faire de tests sur être humain - à défaut d'animaux. Car éthiquement, il reste peu concevable de tester une matière première "pure" directement sur l’homme - même si loin de nos frontières, ça ne choque pas tout le monde. Pour un produit fini, c’est bien évidemment différent, car on ne part pas d’une feuille blanche : le toxicologue a déjà un certain nombre d'informations sur les différentes matières premières qui composent le produit fini et est censé avoir validé le calcul de la marge de sécurité (MOS) avant de lancer les tests sur volontaires humains.
Par ailleurs, parallèlement à la règlementation cosmétique qui interdit clairement les tests sur animaux, le projet européen REACH, qui lui impose l'évaluation précise de tous les produits chimiques utilisés dans tous les domaines (pharmaceutique, hygiène de la maison, bâtiment, cosmétique...) complique tout en imposant un certain nombre de prérequis toxicologiques assez poussés qui peuvent obliger parfois... à faire tests sur animaux ! On marche un peu sur la tête.
Une des solutions de substitution aux modèles animaux pour l’industrie cosmétique est alors de comparer les formules les unes aux autres via des arbres de décision sur des modèles informatiques : c'est la toxicologie in silico. On regarde quelle forme chimique a la molécule et on la rapproche d’autres molécules déjà testées pour trouver des « passerelles toxicologiques » entre les deux. Cette méthode n'est pas dénuée d'intérêt mais source de grosses interprétations.
Au final, pour évaluer la sécurité d'une matière première cosmétique sans la tester sur animaux, il faut avoir à son sujet un maximum d'informations de toutes sortes, une conjonction de paramètres qui doit donner au toxicologue suffisamment de matière pour pouvoir se prononcer. Le toxicologue devra prendre plus de précautions car sa responsabilité est plus engagée.
Du coup, avec l’interdiction des tests animaux, peut-on être aujourd'hui sûrs de l'innocuité des cosmétiques mis sur le marché en Union Européenne ?
Aujourd'hui, il est difficile de garantir qu'un produit cosmétique ne présente aucun risque pour la santé humaine, notamment à cause des lacunes sur l'évaluation toxicologique des matières premières. Cela donne beaucoup de souci aux toxicologues, qui se rongent les ongles face à l'océan d'informations sur les données toxicologiques de certains ingrédients qu’il doivent éplucher. Aucun d'entre eux ne m'a dit « Super, j'ai toutes les infos que je veux pour donner un avis 100% définitif. » Il n'y a pas un dossier où il n'y a pas de point d’interrogation.
La prudence voudrait que l'on favorise l'utilisation de matières premières pour lesquelles on a un maximum d’informations, des matières un peu anciennes, donc... qui ont été testées un jour sur animaux. Que l’on favorise par exemple les parabènes, sur lesquels on a beaucoup de recul, contrairement à tous ces nouveaux conservateurs que l’on ne connaît pas bien. Une autre solution est de limiter les formules à rallonge qu’on ne peut pas totalement maîtriser et de favoriser des compositions courtes.
Quoiqu'il en soit, pas de panique, la peau dispose d’une "fonction barrière" tout à fait étonnante. C'est d'ailleurs son rôle principal. Elle limite beaucoup la pénétration de molécules (généralement les plus grosses, au-delà de 500 Da). A partir de 1 000 Da les molécules ne passent plus. Et d’une façon générale, depuis l’affaire des talcs Morange dans les années 70, on n’a jamais tué qui que ce soit avec des cosmétiques et il n'y a jamais eu de scandales sanitaires comme ça a pu être le cas à plusieurs reprises dans les industries pharmaceutiques et alimentaires.[NDLR : un article à relire ici à ce sujet]
Quelles sont les études toxicologiques menées aujourd'hui sur les produits cosmétiques avant leur mise sur le marché ?
On fait systématiquement un test sur peau humaine, le patch test. Le principe est d'appliquer le produit sous un pansement occlusif sur le dos, au niveau des omoplates. Ce patch permet de maximaliser le contact du produit avec la peau sur une toute petite surface. On le laisse 48 ou 72h en place et on observe cliniquement les effets selon des critères de graduation : de « léger érythème » jusqu’à « papules et vésicules ».
Le patch test n'étant pas une évaluation en conditions « normales » d'utilisation, on fait aussi souvent un test d’usage, c'est à dire que des volontaires testent le produit chez eux dans des conditions normales, pendant en général 4 semaines.
Il y a ensuite des tests induits par formule en elle-même : photo-irritation pour les produits chargés en parfums que l'on sait photosensibles (bergamotes, terpènes…), test de sensibilisation pour pouvoir vérifier une certaine hypoallergénique (application répétée du patch pour favoriser l'apparition d’allergie), tests oculaires pour les produits susceptibles de couler dans les yeux...
Pour les tests oculaires, il y en a de 3 sortes. Le Het Cam, qui est assez subjectif (on teste le produit sur la membrane qui est entre l'œuf de poule et sa coquille, car c'est un endroit très vascularisé comme la muqueuse oculaire). Le rouge neutre, qui consiste à appliquer le produit sur un tapis cellulaire de fibroblastes en présence d'un colorant, le rouge neutre ; ce dernier est absorbé et si les cellules meurent, il est relargué – il suffit alors de compter les cellules viables, c’est-à-dire non rouges. Le gel d'agarose : un test moins fréquent, qui consiste à mettre le produit dans un tube à essai contenant un « bouillon de culture » avec différents types de bactéries, et si ce milieu devient trouble en présence du produit cosmétique, c'est que celui-ci est toxique.
La suite du programme en matière de règlementation cosmétique ?
Le métier évolue. En 2013, un nouveau Règlement Cosmétique Européen sera applicable. La précédente Directive Cosmétique a été abandonnée en 2009 car elle nécessitait une transposition des textes dans chacun des états membres, chaque pays souverain appliquant la Directive tenant compte aussi de son droit local (comme celui de la Santé Publique en France), ce qui impliquait non seulement des délais d'application importants mais aussi des interprétations pas forcément rigoureuses. Avec le Règlement Cosmétique, il n'y a pas de transposition possible, la loi est applicable directement.
Par ailleurs, l'Europe a pris la décision de monter d'un cran en matière de sécurité. Le toxicologue a maintenant un rôle très important dans la mise sur le marché d'un produit cosmétique. L'attestation de sécurité qu'il fournit passe de 3-4 pages à une quinzaine.
Enfin, les tests sur animaux étant interdits et le manque de méthodes alternatives fiables étant ce qu'il est aujourd'hui, la tendance sera de réaliser plus de tests directement sur l’homme.

* Un des leaders français dans l'évaluation de la toxicité des produits de beauté, qui évalue de manière indépendante l'innocuité des produits de (à peu près) toutes les grandes (et petites) marques cosmétiques. www.cosmepar.fr


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